Shadow of the Colossus

Shadow Of The Colussus

La PS2, c’était autant une chouette console que la pire qui soit. Elle a accueilli une foule de jeux de qualité, autant qu’elle a accueilli une foule de daubes infâmes. Mais je la retiens surtout parce qu’elle a été dangereuse, et heureusement que par la suite, Nintendo et Microsoft se sont assurés de lui faire un croche pied, car le risque était de voir Sony dominer à jamais. Pourquoi une telle entrée en matière ? Parce qu’à la fin de sa vie, elle m’a offert un cadeau que j’ai tardé à découvrir : le divin Shadow of the Colossus.

 

Développé par Japan Studio, créateur de moult jeux d’excellente facture, et studio de développement qui ne fait que créer de nouvelles IP – intellectual property, ou licence en langage courant. Donc ce sont des gens que je respecte beaucoup à la base, parce que si j’ai bien une chose à reprocher aux séries, c’est leur prises de risques limitées ; ceci est contrebalancé par le fait que chaque petite prise de risque au sein d’une série se fait dans la conscience de pouvoir décevoir son public. Mais je m’égare. Shadow of the Collossus est le dernier jeu de Japan Studio pour la PS2, et signe donc par la même occasion la fin d’exploitation sérieuse de la machine.

Et quelle fin ! Y ayant joué sur deux supports – version PS2, et version remastérisée PS3 – je peux vous dire que visuellement, le jeu est à des lieux de la plupart des productions de son support d’origine, et en open world s’il vous plait. Un open world certes dépouillé de décors, mais ceci est voulu par la narration et l’histoire. Parce que oui, Shadow of the Collossus fait partie de la famille très fermée des jeux racontant leur histoire par le jeu, sans passer par d’interminables cinématiques (… coucou Kojima !)

Mais rentrons dans les détails de la réalisation ; visuellement le jeu dans son remaster PS3 peut porter à confusion. On a vraiment l’impression de jouer à un jeu de début de vie de la septième génération, ce qui, pour un support aussi limité que la PS2, peut paraître fou. Modélisation des personnages, physique, décors imposants et fouillés dans les meilleurs moments, mise en scène dantesque dans les phases de gameplay ( ! ), liberté de mouvement dans un monde vaste avec verticalité des environnements. N’en jetez plus, seul le framerate capricieux de la version PS2 peut rebuter, mais la version PS3 est à un 30 fps stable. Croyez le ou non d’ailleurs, mais la version PS3 ne fait que rehausser le jeu en 720p contre le 480 de la version de base. Rien de plus. Cela suffit à rendre le jeu visuellement correct. Et ceci pour une raison simple d’ailleurs : la direction artistique est fabuleuse.

Le décor épuré n’est là que pour renforcer l’isolement du héros dans ce monde hostile. Le joueur a donc autant envie que le héros de courir affronter les colosses afin de sauver sa bien-aimée, et quitter cet endroit maudit. Ajoutez à cela des temples en ruine visuellement titanesques, et des colosses fantastiquement beaux (… à l’exception de deux d’entre eux) qui vous émerveilleront, tout en provoquant en votre fort intérieur une crainte sincère : comment éliminer pareille monstruosité ? Eh bien vous le découvrirez par vous-même, au travers d’un gameplay épuré, mais suffisant pour mettre en avant des rixes qui, à jamais, resteront gravées dans votre mémoire.

Vous vous retrouverez effectivement très souvent à l’ombre des colosses, écrasé par leur taille. Votre premier affrontement contre l’un d’entre eux risque d’être un des moments les plus forts de votre vie de joueur. Il vous faudra percer à jour les points faibles d’une créature qui vous supplante d’au moins vingt fois par la taille. Et pourtant, pour abattre les colosses, vous n’aurez besoin que d’une épée courte, votre cheval, et un arc. Et aussi votre cerveau ; on ne fait que peu de choses sans sa tête dans les bons jeux vidéo. Des petites énigmes intégrées aux affrontements rendront les affrontements plus intéressants, voire, plus frustrants. Mais n’interprétez pas le terme “frustration” comme une quelconque connotation négative. Oh que non : voyez cette frustration comme une rage nécessaire au bon déroulement de l’expérience.

Car Shadow of the Colossus n’est pas de ceux qui tombent dans la redite. Il vous proposera en effet à chaque fois un challenge bien différent. Chaque rencontre sera épique et marquante, toute marquées par un level design de qualité, et une manière bien distincte de vaincre. Vous aurez souvent à grimper, vous accrocher, viser de votre arc un point faible, planter votre lame dans le cuir épais d’un colosse, sauter sur son bras afin de mieux atteindre son cou… car vous vous accrocherez à votre vie, à l’aide d’une jauge d’endurance qui limitera vos actions, elle deviendra bientôt aussi importante que votre barre de vie.

Un point noir dans le gameplay ? Oui : la caméra abominable qui tourne autour du personnage, et a une forte tendance à faire n’importe quoi dès que l’on s’approche d’une limite du terrain. Si on y ajoute un personnage aux mouvements assez hasardeux, et à une gestion des sauts typiques des jeux 3D… C’est à dire absolument catastrophique. Il peut être très frustrant, lors d’une action particulièrement Homérique, de rater de manière épique son saut parce que la caméra a buggué. Oui, cela sent le vécu. Mais fort heureusement, cela n’arrive qu’assez rarement, sauf dans l’affrontement de deux « colosses » ; vous les identifierez vite, car ils sortent justement du lot par leur manque de folie visuelle.

Il vous faudra de la détermination, du courage, et de la patience pour abattre les seize colosses et arriver au terme de cette aventure qui ne comporte que très peu de contenu annexe. Une dizaine d’heures, ou même une quinzaine pour les complétionnistes, seront nécessaires pour finir le jeu. Si le frisson vous manque, vous pourriez tenter le mode time attack ou “contre la montre” en bon français, ou même recommencer simplement le titre pour en dénicher les moindres secrets.

Côté annexe, si vous avez vraiment envie de continuer à jouer tout en améliorant votre personnage, cherchez dans la carte les rares arbres à fruits, et les encore plus rares lézards à queue blanche. Une fois les premiers décrochés de l’arbre, vous pourrez les manger pour augmenter votre vie, et une fois les lézards tués, vous pourrez manger le membre tranché afin de gagner de l’endurance. Je vous conseille de vous adonner à la chasse de ces deux items de manière occasionnelle afin de simplifier la progression, car la courbe d’évolution de la difficulté est ascendante, mais tout à fait maîtrisée afin qu’il ne soit pas nécessaire d’améliorer son personnage… mais c’est toujours préférable, en sachant que vos caractéristiques augmenteront légèrement à chaque fois que vous tuerez un colosse.

Côté son, vous en prendrez évidemment plein les oreilles ; la bande son s’avère d’excellente facture, les doublages très corrects – en anglais uniquement, sous-titré en français – et les bruitages percutants. Encore un sans-faute ? Eh bien oui ! Que voulez-vous ; pourtant le jeu n’est pas parfait selon moi, parce que oui, vous êtes sur un site qui apprécie le jeu vidéo en vue subjective. Il est donc pour moi temps d’allumer le titre sur un point qui m’a, disons-le, assez déçu.

Si la narration et l’histoire se construisent globalement autour de l’environnement, je n’ai pas été happé par cette histoire de héros monté sur son canasson et voulant sauver sa bien-aimée. Le jeu a le mérite de ne pas être bavard par rapport à cela, mais j’ai envie de dire : heureusement. Même s’il est bâti autour d’un environnement qui communique directement avec le joueur, je ne peux m’empêcher de trouver l’histoire légère. Une malédiction, une terre maudite, un héros, une fille à sauver, des colosses à tuer, et quelques éléments annexes… Oui léger, c’est le mot. Pour ainsi dire, la seule vraie motivation du joueur sera de mettre à mal chaque colosse les uns après les autres, ce qui donne forcément au jeu un lourd sentiment de linéarité.

Vous ne choisirez en effet pas quel colosse vous abattrez ; vous devrez les faire les uns après les autres dans l’ordre que le jeu vous indique. Et en réalité, je ne vois pas quelle raison justifie une telle linéarité. Je pensais que l’histoire simpliste était justement là pour laisser le joueur créer son histoire, tout en suivant l’ordre d’exécution des créatures selon ses désirs… Mais non. On est donc en face d’un open world qui ignore un peu pourquoi il en est un. Sûrement qu’il a pensé à ce pauvre cheval qui aurait été bien triste sans espace pour s’exprimer…

Enfin bref, je chipote carrément, et je l’admet aisément, car Shadow Of The Colossus m’a laissé un souvenir indélébile – à moi, comme à une spectatrice d’ailleurs, qui aurait bien redemandé, des colosses ; leurs majestés n’ayant eu (selon moi) pas encore d’égales dix ans plus tard. Peut-être même ai-je été confronté aux meilleurs affrontements du jeu vidéo lors de ma partie sur Shadow of the Colossus. Des affrontements qui prouvent d’ailleurs que lorsqu’on créait un système de combat, cela ne devrait pas être pour nous confronter à de nombreux adversaires, mais à des adversaires uniques, dans des conditions uniques, usant de nouvelles mécaniques. Une grande leçon de game design, et une grande expérience tout court. Il va sans dire que passer à côté de cette perle vous fera le plus grand mal.

 

Je suis encore une fois unanime avec moi-même : passer à côté de Shadow of the Colossus me paraît stupide. Il s’agit là de l’un des plus grands jeux auquel il m’ait été donné de jouer. Si vous avez envie de découvrir quelque chose de grand, foncez. Il y a cependant un défaut commun à ces trop bons jeux : une fois terminé, il laisse un grand vide en vous. C’est le prix à payer pour passer des heures inoubliables aux côtés d’un grand jeu. Croyez-moi, cela vaut le coup, et vous le saurez quand vous aurez des frissons en visionnant la moindre image du titre.

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

3 Commentaires sur “Shadow of the Colossus”

  1. Etorra dit :

    Magnifique pour un jeu PS2 pour une fois qu’un jeu mériterait un remaster sans subir les limites des anciennes consoles

  2. Toupilitou dit :

    Beh il y a un jeu en préparation qui se présente comme la suite spirituelle de Shadow Of The Colossus : Prey For The Gods.
    Pour le coup, il n’est par contre prévu que sur PC et MAC.

  3. Etorra dit :

    ça tombe bien je n’ai qu’un PC, ça m’a l’air très intéressant comme jeu vivement la sortie :3


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