Alan Wake

Remedy, Remedy Remedy… Loin d’être en train de faire une incantation en face de mon miroir, alors que la télé commence lentement à déconner, il faut dire que l’on parle aujourd’hui d’un studio bien particulier. Une centaine de gus, sortant des titres avec la vitesse d’une tortue tétraplégique et l’entrain d’un dépressif. N’oublions pas que les petits gars de ce studio Finlandais sont bourrés de talents et soignent leurs bébés, avant d’enfin considérer qu’il est effectivement temps de les sortir. Arlésienne qui aura fait couler de l’encre, provoquait des cris d’effrois à l’annonce de ses multiples reports, et un soulagement profond à sa sortie, Alan Wake conte l’histoire d’un écrivain au prise avec ses fictions. Le tout se déroule dans un environnement évidemment hostile, faisant un hommage clair au fameux Twin Peaks de ce grand monsieur David Lynch. Équipez-vous de votre casque audio le plus performant, de votre courage, et plongez avec moi dans l’aventure de monsieur Wake.

 

 

Alan Wake est disponible sur PC et Xbox 360, il est également jouable sur Xbox One via la rétrocompatibilité.

 

Alan ? Alan !

… s’écrit l’onirique et hilarant vélociraptor de Jurassic Park. Aventure obscure au très fort accent de survival horror, Alan Wake est une histoire un brin complexe et surtout intéressante, dans laquelle on incarne un personnage pas vraiment bien dans sa peau, ni dans la situation la plus enviable qui soit. Cocktail détonnant d’hallucinations, de mise en scène osée, de personnages barrés « Carl… Stucky !« , d’ambiance réussie, d’écriture ciselée, et d’une réalisation technique brillante, Alan Wake a littéralement charmé son monde lors de sa sortie pas tant remarquée sur la Xbox 360.

Pas tant remarquée parce que… Red Dead Redemption. Si je vous tire jusque là un portrait très mélioratif de notre ami Alan, j’ai omis volontairement de vous dire que je n’aime pas beaucoup ce titre. « Comment est-ce possible ! » s’écrirait le lecteur un peu trop enthousiaste. Eh bien c’est possible dans la mesure où Alan Wake est avant tout un jeu très imparfait, dont les tares sont largement susceptibles de ternir une aventure d’apparence pourtant clinquante. Mais peut-être allons nous garder le verdict pour la conclusion, et intéressons-nous dans un premier temps à ce qu’est Alan Wake en détail. Structure classique, paragraphe argumenté, bienvenu à l’école ; je vous offre une critique complète du jeu de Remedy, en toute sincérité de joueur.

 

C’est entre les lignes que les vraies histoires se dessinent

Peu bavard et pourtant prolixe en éléments de narrations, Alan Wake est de ces jeux cinématographique, comme le créateur dudit titre et de Max Payne l’ambitionne. L’implication du joueur par le biais des interactions avec le jeu étant avant tout un moyen de lui délivrer une histoire travaillée, et de l’impliquer dans un récit sensé être bien au delà de la norme en termes qualitatifs. L’ami Alan Wake est un jeu à l’écriture maîtrisée, au rythme régulier et intelligent, et à la narration tout à fait admirable, dans le sens où elle ne compte que peu sur les cinématiques pour raconter des choses.

Une réussite qui ne surprend que peu lorsque l’on connaît le studio, mais qui a le mérite de confirmer le talent de l’équipe, qui sublime ici sa formule en intégrant des éléments de narration divers et variés ; le décor parlant beaucoup, et étant un moteur important de la tension ressentie manette en main. Plus dense que la moyenne, Alan Wake compense ses nombreux éléments d’histoires en les intégrant à l’aide de différents procédés, suffisamment nombreux et variés pour que l’on ne tombe jamais dans cette impression de gavage, comme l’industrie du triple A a l’habitude de nous infliger.

Subtil et bien narré, la réussite de Alan Wake, c’est aussi et surtout d’installer une ambiance oppressante. Si le titre n’est clairement pas un survival horror au sens strict du terme, on reconnaît par contre aisément un travail sur l’environnement et la narration, afin de proposer aux joueurs différentes sensations. La paranoïa, l’anxiété, le stress pur et simple aussi, sans jamais véritablement faire peur ou même sursauter, Alan Wake propose ce qui est nécessaire afin de donner l’envie aux joueurs de progresser. Ce malaise, ambiant qui ne quitte jamais le titre et se prononce même dans ses phases plus calmes et posées, a le mérite de nous faire quelque peu oublier les faiblesses de jouabilité de l’œuvre de Remedy.

Côté écriture, Remedy s’en sort donc haut la main avec un récit riche, maîtrisé, à l’ambiance au dessus de la concurrence et aux inspirations intelligentes, qui propulsent d’ores et déjà le jeu au dessus du statu de divertissement bas du front. L’ennui est qu’un jeu vidéo reste un tout, et que le tout de Alan Wake est loin d’être exempts de reproches. Et là vient le moment où je vais parler de ce qui a fait souffrir le jeu auprès du grand public : la jouabilité.

 

Footing dans les bois, tranquille

Largement narratif et dépendant de son ambiance pesante, Alan Wake s’en va très fréquemment dans les bois entre deux-trois hallucinations, le temps de se faire un petit sprint dans la brume. Cette activité surement parfaite pour tenir la forme, s’accompagne de la menace constante de la « brume ». Bien loin de n’être qu’un effet de fumée parfaitement réussi, il s’agit avant tout du signal visible d’une menace. Plongé dans cet écran, le héros se verra poursuivi de manière constante par une troupe de personnes en voulant à la sienne sans raison valable, autre que Wake est effectivement dans ce qui s’apparente à un des nombreux enfers que l’homme s’est inventé. Tant que vous laisserez notre ami écrivain dépressif dans cette brume, vous devrez jouer du flingue pour survivre. Le but étant évidemment de rester en vie, il vous faudra apprendre à récupérer balles, piles et autre équipements de base pour y parvenir.

Enthousiasmant dans les premiers temps, courir après les munitions devient forcément lourd passé les premières heures, parce que le rythme ne s’y prête pas forcément, et surtout que cela n’est finalement pas si utile. Si une menace approche, autant courir ; les créatures ne nous suivent plus après avoir dépassé la zone de brume. On pourra aussi s’amuser à chercher des coffres avec des nécessaires de survie, ou encore des pages du manuscrit futur (… intéressant) de notre écrivain ou même, arme fatale du travailleur peu conscient des risques qu’il encourt : le thermos de café. Quant vous aurez fini d’explorer les environnements – plutôt large pour des couloirs – de Alan Wake, vous vous rendrez bien vite compte de la structure pas follement enthousiasmante du titre.

Course nocturne sous menace constante, suivi d’un lampadaire salvateur, puis course, et ainsi de suite jusqu’à… la fin de l’épisode 3, où le jeu décide de s’envoler et de prendre le joueur dans une foule d’événements passionnants et variés. On retrouve là la structure classique et dommageable des jeux narratifs : un début lourd, et une dernière moitié largement au dessus. Un problème que l’on retrouve dans The Last of Us. Mais, cela ne compense pas forcément une des grosses faiblesses du titre : ses phases de tir.

D’un principe intéressant, c’est à dire éclairer l’adversaire jusqu’à ce qu’il soit sensible aux balles, on en vient à répéter inlassablement la technique, en esquivant les attaques pas franchement finaudes de nos ennemis. Le principe est simple : éclairez de n’importe quelle manière la créature de l’ombre (… de préférence, avec votre lampe torche), attendez qu’elle s’écrit « grou grou je brûle !« , et collez-lui une ou deux balles, voire plus en cas d’ennemis plus redoutables. Franchement lourds et pas bien percutants, les affrontements que propose Wake font parti des clairs défauts du titre. Mais, je ne peux pas décemment planter le jeu de telle manière, parce qu’on peut se faire harceler, voire tuer, par des brouettes volantes. Des brouettes volantes, oui, vous avez bien lu. Courrez acheter le titre !

Le jeu propose aussi des séquences contemplatives dans lesquelles on va marcher à côté de personnages aux visages franchement mal animés, qui vous déblatéreront des événements en rapport avec vos futurs délires nocturnes. Ces séquences pas bien longues auraient pu s’avérer plus intéressantes, si elles avaient tenté d’approfondir le quotidien des habitants de Bright Falls, ville dans laquelle l’action se situe mais qu’on ne voit jamais vraiment vivre, à l’inverse d’un Deadly Premonition centré là-dessus.

 

Alan, regarde ça ! C’est un dinos… dangereux brouillard !

L’habillage d’Alan Wake ne souffre pas vraiment du poids des nombreuses années de développement. Si l’on excepte des cinématiques pas bien réussies, on s’avérera impressionné par le rendu des différents effets de lumières, tranchants brutalement avec l’obscurité de l’ensemble. Les effets de brouillards ne sont eux aussi pas en reste, alourdissant l’atmosphère du titre de fort belle manière. Fortement détaillés pour un titre de 2010, les environnements du jeu de Remedy sont somptueux et retranscrivent à merveille l’ambiance étouffante de Bright Falls et de ses forêts infinies. On pestera par contre sur les textures sincèrement dégueulasses, que l’on trouvera ici et là dans les environnements.

Bien sûr, cette réussite technique ne serait rien sans les efforts des artistes du studio et la maîtrise des level designer. L’aventure, malgré un cadre globalement invariable, sait proposer des environnements très différents, ainsi qu’une mise en valeur des lieux à rejoindre de manière très intelligente. Chaque début de zone met en évidence le lieu à rejoindre – le fameux point B – avant de nous avancer dans l’obscurité d’un bois étouffant. L’ambiance est ainsi en rapport direct avec les objectifs ludiques du titre, et donne envie aux joueurs de traverser l’ombre afin de rejoindre la lumière, et ainsi faire avancer l’histoire.

La musique et les bruitages sont loin d’être à côté de la plaque. Extrêmement immersif et travaillé, les sons sont parfaitement adaptés en toutes circonstances, parfaitement mixés aussi. Il faut jouer à une séquence dans une des nombreuses brumes du titre pour sentir la tension et le stress monter vitesse grand V, avant de se retrouver dans un assommant silence quelques secondes plus tard en ayant échappé à l’enfer. Côté musique, le jeu prend le parti-pris logique de ne proposer que peu de thèmes dans les phases dites contemplatives. Quoi qu’il en soit, les musiques n’en restent pas moins d’une qualité rare, notamment celles qui concluent les différents épisodes qui composent le jeu.

Côté doublage, la performance des acteurs français est appréciable, appuyée par une grosse poignée d’acteurs connus. Dommage cependant que le héros principal ait souvent la voix en sourdine, allant jusqu’à être masquée par les sons environnants. Surprenant. Petit mot sur la fluidité, et plus précisément sur la version rétrocompatible, qui ne souffre pour le coup d’aucune chute de framerate, ce qui est très impressionnant pour de l’émulation logicielle. Bravo émulateur.

 

Finalement marcheur, est-ce qu’Alan a éveillé quelque chose ?

D’abord enthousiaste, saluant le travail d’ambiance et la finition excellente du titre, il faut bien dire que j’ai du respect pour monsieur Sam Lake et l’ensemble de l’équipe Remedy.  Si l’on excepte la répétition et la pauvreté des affrontements, je peux clairement affirmer que Alan Wake est, sans trop prendre de risques, bel et bien le titre culte qu’on m’a vendu. Narration réussie, écriture soignée et réalisation au top sont ce que l’on peut souligner de plus évident dans l’œuvre de monsieur Lake (Lake / Wake comprenez l’implication du monsieur dans le projet) ; les différents clins d’œils à Max Payne en tête, et le dessin préparatoire de Quantum Break qui transparaît dans l’œuvre, lui donne un parfum assez rafraîchissant).

On ressort de nos sessions de jeux avec le sentiment agréable que nous nous essayons à un jeu d’auteur très loin des archétypes que nous subissons habituellement. Cette personnalité et cette âme que le jeu possède, lui font accéder à un statu un peu particulier de titre qui parle, qui vit au-delà de ce qu’il nous propose, et continue de poser des questions après l’expérience. Le traitement du héros, et l’univers dépeint, parle assez bien du thème de l’histoire, celle qui échappe à son auteur et devient la propriété du public.

Alan Wake a donc un propos intéressant qui permet à ce titre d’attirer mes plus sincères félicitations. Sans être un jeu qui me marquera à tout jamais, je me souviendrai sans déplaisir d’Alan Wake, faisant de lui une expérience que je recommande à tous. Désormais, c’est à vous de dire si le titre est culte ou autre chose. Pour ma part, si je ne lui donnerai jamais une place dans mon podium, il doit bien se situer dans un hypothétique top 20.

J’en profite pour signaler que j’ai écrit cette critique en deux fois. Une fois avant de terminer l’épisode 3, et une seconde après avoir terminé le titre. Si vous vous ennuyez dans sa première moitié, faites l’effort de ne pas décrocher ; vous me remercierez après avoir dévoré les cinq dernières heures de jeu. Petite précision, deux DLC sont disponibles pour le titre, désormais gratuits sur Xbox 360 et One, il serait dommage de passer à côté ; ils offrent une conclusion très satisfaisante à l’aventure et proposent une prolongation de l’expérience Alan Wake de premier ordre.

 

Vous l’aurez compris, Alan Wake est un jeu cinématographique de qualité, qui n’a pas à rougir des autres titres du genre. Je le met aux côtés d’un The Last of Us ; une comparaison pas si impertinente qu’elle n’y paraît, car les deux studios derrière ces jeux savent qu’ils jouent dans la même cour pour deux éditeurs différents, mais avec les mêmes ambitions et intentions. Si Wake n’atteint pas la maîtrise et l’efficacité d’un Last of Us, difficile de ne pas souligner son propos plus pertinent et son univers plus personnel, ce qui me fait pencher la balance de son côté en termes d’appréciation personnelle. C’est un titre à faire, trouvable pour une bouchée de pain, et qui saura vous divertir intelligemment une dizaine d’heures. Pas si mal pour un jeu narratif.

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

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