Comment bien réussir dans son échec

Dans la famille « bien réussir dans son échec », après papy Telltale, je demande tonton Firaxis. En effet, ce dernier persiste à s’accrocher à une formule qui, à force de s’ouvrir au plus grand nombre, a fini par se perdre dans ses propres turpitudes, et ce malgré quelques ripolinages de façade. Je ne parle bien évidemment pas de la saga XCOM (loué soit son nom), mais bel et bien de la série Civilization, ce 4X chronophage à l’extrême, représentant triomphal du « Allez, un dernier petit tour… ». Allons droit au but : je trouve personnellement que la dernière itération sent tout de même rudement le formol.

 

Le premier conseil que j’aurais à donner aux développeurs, ce serait de faire un tour sur ce que fait la concurrence, celle qui peine à vivre médiatiquement face au mastodonte de Firaxis, mais qui déploie une énergie folle à travers une créativité fort bienvenue. Ce constat a été flagrant dès lors que, juste après une session sur Civilization VI, j’ai relancé Age Of Wonders 3 et Endless Space 2. J’ai bien envie de dire que face à ces deux challengers, le dernier Civilization, écoulé à plus de trois millions d’exemplaires sur Steam à l’heure où j’écris ces lignes, n’a définitivement que son accessibilité à revendre.

Pourtant, ce nouvel opus a amené son lot de nouveautés, notamment dans le gameplay. Des évolutions salutaires, mais pas suffisantes. On pourrait effectivement parler des villes, qui étendent cette fois-ci leurs infrastructures sur tout leur périmètre ; la ville n’est plus limitée à une case hexagonale, puisque nous pourrons construire bâtiments, quartiers, et merveilles à l’endroit désiré, si les conditions d’implantation sont remplies. Visuellement, cela donne enfin du cachet à notre territoire. Tactiquement, c’est bien vu aussi puisque nous pourrons également avoir l’ennemi à l’usure en lui sabotant des structures ciblées.

Fini également l’armée d’ouvriers que l’on stockait pour construire des aménagements ; ces derniers disparaissent au bout de trois constructions, et quel que soit le système politique de notre civilisation, notre ouvrier est une ressource exploitable à gérer selon ce nouveau paramètre ; ouais, même chez les rouges. Exit également les terriblement lentes constructions de routes. Dorénavant, ce sont les marchands itinérants qui les construisent au fur et à mesure que la route est nouvellement créée, et ce beaucoup plus rapidement, à savoir une case par tour ; pour les vétérans, rappelez-vous vos longues sessions d’hiver à regarder vos ouvriers trimer pendant cinq tours sur une même case…

Auparavant, la croissance des villes était liée à un ensemble de paramètres, dont le bonheur, la nourriture, la religion, etc… Maintenant, il faudra également y prévoir les habitations nécessaires en banlieue, chacune ayant un niveau d’attractivité dépendant de l’environnement alentour. Les bases militaires que nous installerons disposeront également de leur propre système de défense, tandis qu’il sera possible de stacker les unités militaires jusqu’à un maximum de trois, afin de constituer des contingents armés prêt à l’attaque ou la défense. Tactiquement, là aussi, c’est tout à fait bienvenu, puisque la précédente configuration limitait grandement les possibilités d’attaque et de défense.

Mais voilà, au-delà de ces ajustements de gameplay et d’une évidente remise à jour graphique, le reste est basiquement du déjà-vu, et votre expérience sur ce Civilization sera fortement ressemblante à celles des précédents jeux de la série. Similaire, mais forcément moins complète, puisque Firaxis a la fâcheuse habitude de rendre une copie complète en version Gold après toute une palanquée de DLC et d’extensions. Non-content de vendre son jeu à prix d’or pour PC, il se retrouve affublé peu de temps après sa sortie de mini-DLC contenant une « nouvelle » civilisation, associée à un « scénario », dont le prix varie entre 5 et 8 €. Je me demande, si par le plus grand des hasards, Firaxis ne nous prendrait pas pour des bovins de la ferme aux 3 millions de vaches.

Mais après tout, s’ils existent en nombre à chaque itération, cela veut dire que cela marche, et qu’il y a forcément des consommateurs faiblards de la carte bancaire qui s’y sont adonnés. Pourtant, au-delà du visage des dirigeants, avec des variantes selon leurs humeurs, il n’y a pas grand-chose de frais. Pas même une personnalisation graphique des bâtiments ou des unités selon la peuplade incarnée. Allez… Je suis quelque peu de mauvaise foi, puisqu’en réalité, chaque civilisation dispose… d’UN bâtiment et / ou unité qui lui est spécifique. Ah bah non finalement, ce sont bel et bien des crevards.

Que dire également des extensions qui pop à intervalles réguliers ? Eh bien on a l’impression que Firaxis, tel un Sisyphe des temps modernes, repart à zéro à chaque nouvelle version. De jeu en jeu, puis d’extension en extension, on a l’impression qu’il faille débourser plus de 100 € au bout de x années pour avoir un jeu qui soit au moins aussi complet au niveau du micro-management que ses grands frères ; n’escomptez pas avoir un système d’espionnage, de religion, ou de diplomatie aussi complexe avant d’avoir vu arriver une version Gold de Civilization. Je m’imaginais bêtement qu’à sortir régulièrement une nouvelle version d’une saga, celle-ci était censée se bonifier naturellement à travers les années. Eh ben non ; c’est moche, mais c’est ainsi.

J’évoquais tout à l’heure la personnalisation faiblarde de chaque civilisation. Ce principe est poussé jusqu’à l’extrême, puisque des peuples pourront construire des merveilles ayant réellement existé dans notre monde, quand bien même ces pays n’ont rien à voir culturellement avec cela. C’est effectivement un principe commun à tous les Civilization, mais avouez que ingame c’est totalement absurde. Lors de ma dernière partie, j’avais implanté la ville de Tokyo sur les bords de la banquise arctique, et j’y avais construit à ses quatre coins cardinaux des merveilles : La Tour Effel, l’Opéra de Sydney, la Cité Interdite, et le Théâtre du Bolchoï.

Avouez que retrouver l’Opéra de Sydney à Tokyo sur les bords de la banquise, c’est un peu incongru, mais c’est aussi ce qui fait le charme des Civilization. Toutefois, je me suis toujours demandé pourquoi ne pas avoir poussé la logique un peu plus loin dans la personnalisation, en rajoutant des bâtiments célèbres que ces pays ont mis sur pied, voire même, ô utopie, d’en inventer des nouveaux ? J’ai tendance à détester tout ce qui est uniforme, et il faut dire ce qui est : toutes les civilisations de ces jeux se développent de manière semblable. Les seules véritables variables d’ajustement résideront sur l’étendue des territoires et les ressources qui y sont associées.

La variété est ce qui ramène à l’identification et à l’immersion, et je ne retrouve plus cela dans les Civilization. Je pourrais également citer l’illogisme des systèmes politiques que l’on peut mettre en place. On peut naïvement se dire que passer un pays d’une démocratie à un système fasciste ne se fait pas sans heurts. Eh bien finalement, si, puisque tant que votre ville vous est loyale et votre peuple heureux, alors ça passera crème. En clair, divertissez votre population, et vous en ferez des moutons décérébrés. Oh, il y a bien un système de rébellion, mais cela s’applique de manière tellement marginale, ou bien uniquement aux adversaires gérés par l’IA, que cela en devient juste risible.

Il y a bien un autre détail qui me rend chafouin : l’arrêt de toute évolution dès lors que l’on a envoyé un module dans l’espace. Après cela, ce n’est plus qu’un éternel recommencement. Je veux dire, Firaxis a sorti en 2015 Sid Meier’s Starships, qui nous amenait justement à la phase d’après : celle de l’exploration spatiale. Ce jeu était censé être une introduction à une de leur sortie suivante : Civilization Beyond Earth, qui proposait au joueur de coloniser une nouvelle planète, en repartant sur une page blanche, tant politiquement, que scientifiquement, ou diplomatiquement parlant. Un nouveau contexte offrant de nouvelles possibilités. Pourquoi ne pas avoir capitalisé sur ces jeux et de leur base de données respective pour introduire tout ou partie de ces évolutions, histoire d’avoir une expérience vraiment complète ?

Imaginez à quel point ce serait chouette : un peuple que vous prenez en main depuis l’antiquité, pour l’amener à la conquête des étoiles et de la galaxie. Une petite voix sarcastique dans ma tête me chuchote toutefois que cela arrivera peut-être dans une future extension. Néanmoins, je commence à être largement vacciné face à la proposition actuelle, quand bien même ce jeu n’en reste pas moins un titre de bonne qualité. Impossible de nier que si on me met dessus, on ne m’y récupèrera qu’après une bonne dizaine d’heures dessus, au moins, avec la bouche ouverte et le petit filet de base qui va bien aux commissures des lèvres. Néanmoins, en l’état, et d’autant plus car j’apprécie les très longues parties, cela ne génère plus que de la frustration chez moi.

 

J’ai donc élargi la fosse commune juste devant le QG Loutrage pour y jeter sans ménagement ce gros lard de Civilization, aux côtés d’un amas confus d’œuvres sans âme. Espérons que l’équipe (développeur et éditeur) derrière Civilization saura se faire une cure d’introspection, bien qu’il semble que je me fasse des idées à la vue des chiffres de vente. Quoi qu’il en soit, j’ai depuis jeté mon dévolu sur Endless Space 2 des frenchies d’Amplitude qui, bien qu’un poil plus complexe à prendre en main, n’en demeure pas moins nettement plus rafraichissant en comparaison.

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A propos de l'auteur : Toupilitou

Loutre hyperactive et webmaster de https://loutrage.fr

2 Commentaires sur “Comment bien réussir dans son échec”

  1. Ouega dit :

    Un pétard mouillé ce nouveau Civilization, je ne sais pas quoi dire d’autre.
    Déjà, le fait qu’il soit ULTRA gourmand pour un visuel cartoonesque à souhait, j’en ai mal à mon PC, qui rame avec tout au minimum…
    Pour le reste, le « nouveau » gameplay, où tu débloques 50% des technologies en faisant des trucs random dans la partie n’a aucun intérêt stratégique.
    Si en plus tu me dis qu’il n’y a pas de religion ou de mécanique comme ça…
    J’y ai passé une partie, j’ai abandonné avant le tour 50 tellement je me suis ennuyé. Difficile de le départager de Beyond Earth. Je peux juste dire que les 2 sont aussi gourmands en ressources, et je ne trouve vraiment pas cette conso justifiée, les visuels ne sont pas fous.

  2. Toupilitou dit :

    Si si… La religion est gérée, mais c’est pour l’instant relativement sommaire, et ce sera fort probablement complété lors d’une prochaine extension. Enfin, j’imagine

    Pour le reste, les perfs ne sont pas bouffées par le traitement graphique du jeu, mais par le traitement de la base de données qui devient assez monstrueuse au bout d’un moment. Après, ça ne veut pas dire que ça n’a pas été optimisé avec les pieds

    Ouega : Et Stellaris, ça donne quoi ?


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