Hazem Hawash (Enigami) – Shiness

Hazem Hawash (Enigami) - Shiness

Interview réalisée pour RPG France

 

Loin des grosses productions occupant la grande majorité de l’espace de la Paris Games Week, se cachait le titre très prometteur d’un studio frenchy. Autant vous le dire tout de suite, il s’agit de l’un de mes deux gros coups de cœur de ce salon. Mélange hybride entre RPG et jeu de baston, Shiness est bourré d’éléments très sympathiques. Et cela tombait bien puisque j’ai pu échanger quelques mots avec Hazem Hawash, chief executive officer d’Enigami. En voici la retranscription.

 

Où est basé le studio Enigami ?
On est basé à Tourcoing dans le parc d’entreprises Plaine Images, juste en face d’Ankama et d’autres boîtes de jeux vidéo. Le studio existe depuis quatre mois au niveau juridique. La région nous a offert des locaux pendant un an et demi pour qu’on puisse créer l’entreprise et continuer la production du jeu. Du coup on était à temps plein, on a quitté notre taff et on s’est mis à fond sur la création du jeu et de l’entreprise. Après on a fait un kickstarter qui nous a donné un bon élan.

Quelles ont été les inspirations pour Shiness, puisque si je ne dis pas n’importe quoi, le jeu est tiré d’un manga ?
Alors l’auteur, c’est Samir Sebib. Il a créé un manga qu’il dessine depuis l’âge de 7 ans. C’est un univers qu’il développe depuis qu’il est tout petit. Je l’ai rencontré dans les années 2000 et il m’a fait lire sa bande dessinée. J’ai vraiment adoré et je lui ai proposé d’en faire un jeu vidéo. On a démarré en 2010 ; ça fait 4 ans qu’on travaille dessus. Pour répondre à ta question, les inspirations principales, c’est Secret of Mana, c’est Final Fantasy, c’est Dragon Ball, et aussi du Star Wars, Lord of the Rings… Et c’est déjà pas mal ! (rires)

Un grand melting pot !
Oui c’est vraiment un melting pot des univers qu’il aime en particulier. Ces univers je les adore aussi donc ça a collé. On est alors parti dans cette direction pour la production du jeu.

Pour l’instant, de ce que j’ai testé, j’ai trouvé la démo super clean, surtout pour un jeu qui est encore loin de la sortie. Pour les combats dynamiques, vous les tirez de quelle série ?
Bah en fait, on s’est pas mal inspirés de Naruto Ninja Storm. A la base, je me souviens de notre tout premier prototype, c’était du tour par tour. En fait, ça marchait pas du tout parce que les personnages ont vraiment une caractéristique très shōnen, et voilà on avait envie qu’ils fight. Et un jour, on était en train de regarder des vidéos Youtube. On est tombés sur une de Naruto Ninja Storm, et on s’est dit « Mais pourquoi on mettrait pas des combats comme ça ?« . Ce serait énorme d’avoir un jeu de combat bien ficelé dans un RPG. Finalement le joueur s’éclaterait tout le temps ; il n’y aurait pas de transition, pas d’attente, il serait toujours dans le fil de l’action, mais on orienterait toujours le combat pour garder une dimension RPG. Donc qu’est-ce qu’on a fait ? Même si vous avez 3 personnages dans votre équipe, vous serez toujours 1 VS 1 dans l’arène de combat. Les alliés sont toujours à l’extérieur de l’arène.

Ce serait des personnages de support ?
Oui c’est ça. Et il y a une intelligence artificielle qui est configurée dès le départ. Au départ on était parti sur un système de gambit comme dans FF XII où on allait mettre des conditions partout, mais on s’est dit que ça n’allait pas, qu’on voulait quelque chose de plus dynamique. Donc le système on va le présenter bientôt puisqu’on va faire un early access d’ici quelques mois.

C’est noté ! (rires)
Et voilà au final ces personnages vont vraiment être un soutien, et on pourra switcher autant qu’on veut entre eux. Quand je dis « autant qu’on veut« , ça veut pas dire non plus bourriner pour autant ; il y a quand même un temps d’attente. L’idée est de se dire : j’ai un healer, j’ai un tank, un damage dealer. J’ai attribué des rôles à mes personnages. En plus ils ont des affinités élémentaires, c’est encore un autre truc. Du coup, on élabore toute une stratégie, à travers les jobs et les disciplines. On a des classes pour chaque personnage et il y a toujours des subtilités qui font qu’à un moment donné, vous serez plus amené à choisir un personnage plutôt qu’un autre.

Un personnage peut changer de classe ?
Oui ! De base on leur met une affinité élémentaire native, mais le joueur va avoir possibilité de débloquer des disciplines pour tel ou tel personnage.

Pour revenir sur l’histoire, qui est donc tirée d’un manga ; est ce qu’elle est tirée d’un des albums, ou est ce que c’est totalement nouveau ?
En fait, dans la BD que Samir a fait, le dessin a trop évolué entre la page 1 et la page 200. Il avait fait à la base deux tomes, qu’aujourd’hui on pense allonger à 40 tomes, au moins, tellement il y a de choses à raconter dans cet univers. Du coup, il a recommencé la bande dessinée avec un dessin qui est vraiment très pro, et pour le coup éditable. La BD va raconter une direction d’histoire, et le jeu vidéo va partir dans une direction opposée, pour au final se rejoindre. L’idée c’est avant tout de ne pas spoiler. Ce n’est pas parce que vous lisez la BD que vous vous spoilerez le jeu vidéo, et vice versa. Pour donner un exemple, on a 20 heures de jeu qui représentent une page du manga. Vous tournez la page et ça part complètement ailleurs. L’idée c’est de suivre l’aventure des héros sur deux dimensions.

C’est une manière de creuser l’univers…
C’est ça. Vous allez avoir le background de certains personnages que vous n’aurez pas dans le jeu vidéo. Dans ce dernier, vous les verrez mais vous ne connaîtrez pas toute leur histoire. Les deux supports se complètent. Faire le jeu sans lire la BD, c’est pas du tout dérangeant, puisque c’est une histoire complète. Et vice versa pour la bande dessinée.

Donc s’il y a un crossover avec la BD, l’histoire est linéaire ?
La storyline principale, elle est semi-linéaire. A un moment donné, vous avez des choix à faire qui vont vraiment influer sur la suite. Mais ce qu’on a fait, c’est que là où la storyline à l’ancienne pour les RPG japonais il y a du gros scénario, du background de personnage, des combats épiques, des cinématiques, tout ça… nous on a vraiment mis un point d’honneur sur les quêtes annexes ; ce n’est pas du genre « va me chercher un pot de peinture » ou « va tuer dix araignées« , mais c’est vraiment des quêtes que vous pourrez résoudre de quatre manières différentes à chaque fois via les quatre affinités élémentaires. La façon dont vous résolvez la quête pour donnera un bonus d’affinité élémentaire. L’idée derrière ça, c’est de créer d’autres embranchements, amener des scénarios annexes dont vous êtes le maître. Par contre, ce qu’on a fait, c’est de faire en sorte que dans la storyline principale, de temps en temps, il y a des choix très durs à faire. Et de ce fait, votre choix vous amènera à un endroit et pas dans un autre… Que ce soit dans un endroit géographique, ou un endroit scénaristique.

Du coup, il y a un bon potentiel de rejouabilité !
Totalement. Et ça c’est le premier intérêt quand vous êtes hors-ligne. Mais si vous êtes en ligne, il y a trois intérêts qui se mettent en place…

Ah il y a un mode online ?
Il y en a même trois. Le premier mode, c’est un mode qu’on va appeler Versus. Vous jouez de manière normale, vous vous baladez dans les maps, vous faites des quêtes, etc… Mais dans certaines zones que vous traversez, vous pourrez croiser d’autres joueurs. Et là vous pouvez leur lancer une demande en duel. Et donc là c’est des quêtes multijoueur où vous pourrez vraiment faire évoluer votre personnage dans un espèce d’univers qui concentre tous les univers.

C’est quelque chose qu’on peut rapprocher de la série des Souls ?
Oui on s’en est fortement inspiré pour la partie technique. On s’est dit « voilà, comment eux ils ont fait ?« . Et effectivement, on rejoint un peu cet aspect là.

Oui, c’est quelque chose qui plaît ce système.
Ouais on est contents de ça, mais c’est pas encore celui dont on est le plus fiers. On a un mode coopération, où vous pourrez faire des missions d’une manière encore différente. Si vous jouez à plusieurs, ça change totalement l’énigme à résoudre. Et le dernier, j’ai pas le droit d’en parler, je suis désolé ! (rires) Pour celui-ci, il sera mis en place au mois de Janvier d’une manière très light car on a encore beaucoup de tests à faire. Mais disons que c’est un mode qui va influer sur la partie de tout le monde. Mais on vous tiendra au courant !

En tout cas, après l’avoir pris en main, c’est vrai que l’aspect combat dynamique est très plaisant. Ça peut rappeler un Tales of sur certains points.
Là où on est encore plus dynamique qu’un Tales of, c’est qu’on a même pas un menu pour attaquer. C’est directement du combat, pour que ça rappelle du manga shōnen. Ce que je peux ajouter aussi, c’est qu’on aura certaines quêtes qu’on pourra résoudre uniquement en lisant le manga. C’est pas des quêtes obligatoires. Je dis uniquement, mais on va pas mettre des mots de passe bien sûr, mais on laissera des indices dans le manga pour aider à la résolution de certaines quêtes.

On peut avoir un petit exemple ?
Bah par exemple, ça pourrait être un passage secret que vous pourrez activer dans le jeu. Pour l’activer, vous aurez besoin d’objets disséminés sur la carte que vous devrez placer dans un certain ordre. Dans la BD, vous allez voir les personnages qui rentrent dans un endroit (dans un arc narratif différent) et vous verrez comment ils ont fait. Et là vous vous dites « tiens je vais essayer dans le jeu voir si ça marche« .

Ça a un côté transmedia très sympa ! Tu parlais tout à l’heure d’early access ?
Ouais ce sera pour janvier. Pour cette occasion, on prépare quelque chose d’assez grandiose. Vous allez avoir une grande plaine open world, là où dans la démo que tu as essayé c’est plutôt restreint. La première itération de l’early access est estimée à 5 heures. Jusqu’à la dernière itération, on va pousser entre 5 et 20 heures. Sachant que la durée de vie globale du jeu est de 50 heures.

50 heures juste pour le premier chapitre ?
Ouais pour le premier ! On s’est rendu compte qu’on avait beaucoup augmenté la durée de vie. Grâce à kickstarter, on a pu embaucher des personnes vraiment compétentes qui ont vraiment porté le projet vers le haut, qui ont ramené des lots d’idées qui n’ont pas coûté très cher en développement et qui ont permis d’augmenter d’une part la durée de vie, mais aussi le fun du jeu. Du coup, là où on pensait que ça tiendrait 20 heures, c’est passé à 50.

Donc la zone qu’on a pu essayer tout à l’heure, elle est petite comparée au reste du jeu ?
Elle est minuscule. En fait, la plaine en question, pour la traverser du nord au sud en ligne droite, faut courir à peu près 7-8 minutes. Après il y a aussi des montures. Il y aura des quêtes pour en avoir, mais ce sera très dur à obtenir. Il y aura une sorte de dressage. On veut pas simplement les donner. On a envie que vous galériez un peu…

Ça fait partie du plaisir du jeu !
Ouais ce sera une récompense qu’il faudra mériter.

Au niveau du monde, est ce que ce sera des zones séparées, ou on se baladera sur une map comme dans Dragon Quest ?
Pour le premier épisode, on aura pas de map générale avec un petit bonhomme qui se déplace. Par contre, chaque chapitre qui sortira après débloquera une île céleste, et là vous aurez une map générale pour vous déplacer d’île en île en vaisseau.

Oui parce que l’histoire, c’est une planète qui a explosé en îlots qui ont chacun récupéré un bout d’atmosphère.
C’est ça.

Et donc j’imagine que chaque îlot a son identité propre ?
Ouais, là dans la démo, c’est les terres de foudre. D’ailleurs, on voulait pas tomber dans le cliché « bon alors là on est dans les terres de foudre, donc on va tout mettre en violet« . Pas du tout, là on a de la forêt, etc… C’est juste la civilisation qui est rattachée à cet élément. La foudre, c’est le mix entre le feu et l’air. Il y a les terres de feu et les terres d’air, et entre les deux, il y a les terres de foudre. L’intégralité de tout l’univers, c’est de traverser tous les éléments et d’arriver au centre qui est un mix entre 4 éléments, enfin, de 16 éléments pour être plus précis ; après la foudre, il y a la vapeur, etc… Le but c’est de se rapprocher de la terre de vie et de savoir ce qui s’y passe. Ce que je peux ajouter aussi, c’est que le charadesign est assez enfantin, avec un public visé plutôt adolescent. Mais en réalité, au niveau des thèmes abordés, c’est plutôt adulte. Et vous allez vous rendre compte qu’on aborde des thèmes très difficiles.

Par exemple ?
Ça va être dur de pas spoiler ! (rires) Bon déjà, vous êtes dans un climat de conflit politique, dans un climat de guerre entre nations pour s’emparer des esprits qu’on appelle des Shiness (il en existe 4 dans le monde entier)… Justement on raconte que si on réunit les 4, il se passe quelque chose. Ce sont des sources de pouvoir immense. Donc il y a vraiment des civilisations qui vont se déchirer pour récupérer ce pouvoir. Vous allez avoir des scènes, on va pas dire que vous serez choqués, mais pas loin. La mort est très présente, et pourtant c’est très coloré. On a mis beaucoup d’humour aussi. On a mis certains personnages qui vont juste foutre le bordel vous allez voir. Et l’humour est là pour contrebalancer le côté sombre de l’univers. Ce décalage va surprendre le joueur… Bon après on va pas tuer un personnage principal je vous rassure ! (rires)

Et pourquoi le choix du cel-shading ?
Vu que c’est du manga, du dessin, finalement le format le plus proche pour obtenir un rendu similaire, c’est d’utiliser le cel-shading.

Ça rend super bien en tout cas, et surtout, c’est fluide !
Merci ! Là actuellement, la config recommandée, un PC à 500 balles ça suffit. Le jeu est prévu sur consoles (PS4 et Xbox One), mais pour la version PC, je préconise la manette. Par contre je sais qu’il y a des gens allergiques à la manette…

… Ouais je te le fais pas dire… J’ai grave la polio avec ces bidules là ! (rires)
Et donc on pourra bien évidemment jouer au clavier / souris. Notre game designer est en train de bosser sur l’ergonomie à ce niveau là. D’ailleurs on a acheté des jeux comme Street Fighter ou Naruto sur PC pour voir comment eux ils avaient fait, et on essaye de faire encore mieux. Au delà de ça, on a aussi pensé à la communauté Linux ; on s’est dit que ce serait une sacrée performance que de faire tourner ça sur Linux où il n’y a quand même pas beaucoup de jeux. Il sort pour Mac également.

Ah oui la palette est large !
Oui il y a du travail ! (rires) Je peux vous parler de la langue aussi qu’on a inventée…

Ah ouais carrément ?
Alors en fait on a inventé une langue qui s’appelle le Maherien. Y’a deux linguistes qui ont travaillé pendant deux ans sur l’élaboration d’une langue. On a 2000 mots avec un vocabulaire, une grammaire et une écriture. Tous nos personnages sont doublés par des acteurs dans cette langue, avec des sous-titres. Donc en fait, si vous apprenez la langue, vous n’avez plus besoin de les lire. On veut vraiment que parliez dans cette langue. On va fournir un dictionnaire, et il y a même certaines quêtes où vous devrez déchiffrer l’écriture. Il y a donc des énigmes de ce genre là, même si on va éviter d’en mettre trop en allant à l’essentiel pour éviter de saouler le joueur.

Tous les dialogues sont doublés ?
Alors, non, c’est juste les dialogues des cinématiques, surtout pour des raisons financières…

Ouais ça coûte un bras !
Ouais on a vraiment minimisé les doublages de manière à ce que ce soit les scènes les plus importantes où il y ait des voix. Maintenant là on en est à 100000 mots déjà dans le script du jeu, et pour l’instant il y a facile trois quarts d’heures / 1 heure de doublage.

C’est déjà pas mal…
C’est énorme ! Et du coup, pour les scènes très fortes, on a fait en sorte que non seulement il y ait les voix, et qu’en plus il y ait un orchestre symphonique derrière qui accompagne la scène. On a réussi à s’arranger avec  un orchestre universitaire à Lille qui nous a enregistré quelques morceaux au format symphonique pour renforcer certaines scènes importantes.

Et pour la suite ?
On a prévu 52 mises à jour, une par semaine pendant un an, où vous pourrez suivre une side storyline qui va vous amener totalement autre part. On a mis un système de contrat, comme dans Final Fantasy XII, car on adore ce système avec des boss à aller tuer et des conditions d’apparition. Ces mises à jour sont gratuites bien sûr. Vous achetez le jeu et tout est gratuit après. C’est pas du free to play, y’a pas d’objets à acheter.

Ça, c’est bien !
On est des fans de RPG et on aime pas les jeux en kit. On est obligé de segmenter le jeu pour des raisons de financement, mais on a pas envie de tomber dans certains travers.

Eh bien en tout cas, maintenant qu’on vous a retrouvés, on va pas vous lâcher ! Bonne continuation et à bientôt !

 

Shiness apporte un vent de fraîcheur dans le paysage vidéoludique français. Ce qui était visible sur la démo était de très bonne facture. La prise en main est très rapide. La patte graphique et l’ambiance qui en découle est vraiment excellente. Le gameplay est dynamique et efficace sans tomber dans la simplicité. L’équipe derrière elle a du talent à revendre et ça fait bien plaisir ! C’est un titre que j’ai vais guetter avec attention et dont j’attends avec impatience l’early access !

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A propos de l'auteur : Toupilitou

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Un commentaire sur “Hazem Hawash (Enigami) – Shiness”

  1. Ninheve dit :

    oh sympa! tu as pu les interviewer, je me souviens les avoir vu dans un reportage sur LCP ou Public senat qui présentait l’industrie du jeu vidéo en France et j’avais trouvé ce que j’avais vu hypersympa , Au départ je ne suis pas très fan des visuels de type ‘japonisant’ dans le jeu vidéo mais là je trouve que c’est vraiment beau et ça passe super bien dans les demo que j’ai pu voir


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