StarCrawlers

Ah, le cyberpunk. Un cyber-monde morose où plein de cyber-individus désabusés vont à leurs cyber-boulots gonflants au volant de leur cyber-bagnole crasseuse. Enfin, quand ils ne se font pas cyber-hacker en chemin… C’est un univers où on n’aimerait pas y vivre – quoique au train où on va, on n’en est pas très loin – mais qu’on aime quand même arpenter le temps d’un jeu vidéo. Pourtant, il est dommage de constater qu’à part les FPS plus ou moins hybrides (System Shock, Deus Ex) et les jeux de stratégie (Syndicate), le cyberpunk a du mal à conquérir d’autres genres de jeux et ce pour des raisons obscures. Bon, je devrais dire « avait du mal  » , parce que ces dernières années on a tout de même eu droit à un Metroidvania cyberpunk du nom de Dex, ainsi qu’une série de cRPGs adaptés de jeux de rôle sur table ; les Shadowrun. Cette fois, on a carrément affaire à StarCrawlers : un Cyber-Dungeon Crawler IN CYBER-SPACE

 

StarCrawlers est le premier rejeton de Juggernaut Games, un petit studio californien fondé en 2011. Suite à une campagne Kickstarter gagnante (100K $ par rapport aux 65K demandés), le bougre, qui était quand même prévu pour 2014, a bien cuit dans le four à bois de l’accès anticipé jusqu’à sa sortie en version finie en 2017… Le jeu nous entraîne dans un univers cyberpunk avec des bouts de space opera dedans : des méga-corporations véreuses qui ont conquis l’espace et qui se donnent joyeusement des coups de coudes via le sabotage et le cyber-espionnage. Pour ce faire, ils ont a leur solde les Crawlers ; des mercenaires qui font le sale boulot du plus offrant sans poser trop de questions. Eh bien, vous incarnez l’un d’eux et, suite à ce qui était une mission de routine en apparence, vous vous retrouvez embourbé dans un complot tentaculaire impliquant des organisations peu recommandables, des robots hors de contrôle, et même une dimension parallèle truffée de cousins à Cthulhu.

Si ce pitch ne vous a pas fortement rappelé Shadowrun, c’est que vos références cyberpunk laissent à désirer… Autant c’est revigorant de voir ce genre d’univers retranscrit dans de nouveaux formats, autant on a l’impression que StarCrawlers pousse le bouchon un peu trop loin par moments. Le titre va jusqu’à employer le lexique argot typique de Shadowrun comme « chummer  » et « frag  » . C’est dire. Au final, on a l’impression de se faire une fan-fiction où l’on aurait remplacé quelques appellations et foutu des vaisseaux / stations spatiales dedans. Ce n’est pas si terrible que ça, mais on aurait aimé qu’ils s’approprient le truc plutôt que de le forcer. D’ailleurs, « forcée  » , c’est l’adjectif avec lequel je qualifierais l’écriture de façon globale, tant son côté « cool Sci-fi  » à la Firefly ne prend pas. Par exemple, Luna, qui est une sorte de pale copie de Joker de Mass Effect, n’est pas loin de gagner ma palme du perso le plus lourdingue de l’année. Sachant que c’est quand même une année où on a eu Andromeda

Pour un Blobber, StarCrawler a le mérite de mettre en exergue ses intentions narratives à travers une histoire qui se veut un peu poussée (mais clichée), et qui contient même quelques embranchements inhérents à certains choix, des options de dialogues différentes en fonction du background des persos, ainsi qu’un univers qui tente d’être complexe. Bien que j’admire cette volonté de sortir des carcans Porte-Monstre-Trésor du genre, dans les faits, il en ressort un jeu qui veut frapper à plein de portes sans en franchir aucune finalement. Un jeu fourre-tout ; un hommage confus aux Wizardry, aux Shadowrun, et aux Mass Effect à la fois, mais qui ne prend pas le temps de se poser dans ce qu’il fait. Le meilleur exemple, c’est son système de réputation auprès des factions qui est gargantuesque, et  qui donne lieu à des privilèges ou à des représailles selon vos actions. Au début, j’étais ébahi devant la bonne quinzaine de factions concernées, mais au bout du compte, on prend rarement la peine d’établir concrètement leurs enjeux ou de nous impliquer un minimum dans leurs tenants et aboutissants. Je me retrouvais donc bombardé de noms zarbis de méga-coporations entre « Agrigen  » , « Dablue Yutaki  » et « Obi Wan Kenobi  » , mais je les connaissais trop peu pour en avoir quelque chose à braire.

 

Après, bon, j’en fait des tonnes sur l’écriture et l’univers décevants, parce que je trouve que c’est une occasion ratée aux vues des bonnes intentions de StarCrawlers. Mais qu’on se le dise ; il s’agit surtout de la cerise, qui est un peu amère, et non pas le gâteau qui, lui, est suffisamment sucré. Au diable l’écriture et l’histoire ; là, on parle d’un dungeon crawler avec des Big Fucking Guns et des hackers Métalleux ; on ne voit pas ça tous les jours… Et côté présentation, il y a rien à redire : la 3D de son Unity engine est suffisamment moderne, plaisante et détaillée, la patte artistique y est sobre mais présente, et enfin, les musiques jazz-électro de Ben Prunty (FTL) sont sympas, quoique pas si mémorables que ça. De ce côté là, je regrette surtout quelques bugs d’affichage enquiquinants, vu que j’ai occasionnellement des artefacts dégeu qui apparaissent sur les textures de lumière, et que j’ai même parfois eu les décors du jeu qui deviennent tout à coup nettement plus sombres, m’obligeant à chaque fois à redémarrer le jeu. Du coup, j’ai fini par me dire que ça devait être l’EDF (notre EDF, pas l’Earth Defense Force) qui faisait partie des méchantes méga-corporations et qui coupait le courant juste pour me faire chier.

Côté bases du gameplay, StarCrawlers, c’est du solide. On commence par créer notre personnage et lui définir son background qui a l’originalité d’être sur deux niveaux imbriqués (votre choix dans le niveau « jeunesse  » affectera les choix proposés dans le niveau « âge adulte  » ) qui permettent d’avoir de boosts de stats et de débloquer des choix narratifs dédiés (même si ceux-là ne sont pas si abondants que ça). Bon point aussi pour les sept classes offertes qui sont rafraîchissantes, diversifiées, et surtout distinctes avec chacune une spécificité propre  : le badass cyber-ninja au katana qui possède un système de combos, le pieu force psycher au marteau de guerre avec sa jauge de force et ses boucliers, l’occultiste void psycher avec son concept de surcharge qui peut lui péter à la gueule, ce gros nerd de hacker, ce sale filou de contrebandier, etc…

Leurs arbres de compétences sont d’ailleurs bien fournis avec trois sous-catégories (généralement orientés offensif, défensif, et soutien) dont chacune regroupe une demi-douzaine de compétences (aggro, invocation, contrôle de foule,…) qui misent pas mal sur des synergies intéressantes. Au final, il y a de quoi s’amuser niveau builds dans StarCrawlersmais on déplorera quand même le caractère restrictif de la progression. En effet, vous ne gagnez qu’un seul point de compétence lors d’un level-up (pas de stats ou passifs à côté), mais le pire reste l’obligation d’investir strictement trois points dans une compétence donnée avant de pouvoir débloquer la suivante. Chose qui frustre le min-maxeur qui est en moi, et qui pense que le fait d’investir l’équivalent de trois niveaux dans un skill de passage bien pourri fait foirer son perso.

D’ailleurs, la richesse du système de compétences brille surtout à travers le combat de StarCrawlers qui se déroule en un tour par tour bien fichu, avec en prime une très bonne gestion de l’initiative. La seule lacune à ce niveau, c’est l’interface des actions qui, au lieu de se présenter sous forme de barre fixe, nous contraint chaque fois à cliquer sur le mob en question pour ouvrir un menu contextuel…  A part ça, on a accès à un hub (sous forme de menu déguisé en image interactive), où l’on peut procéder au commerce, faire de la contrebande hasardeuse, s’adonner au craft, upgrader son stuff, se soigner à l’hosto, recruter d’autres crawlers (pour une équipe de quatre au maximum), et surtout, récupérer ses missions dans le pub du coin. Les missions sont l’épine dorsale dungeon crawler du jeu et, malheureusement, ils soufflent le chaud et le froid. Ou du moins, le plasma et l’azote, pour rester dans le jargon Sci-fi.

Je tiens avant tout à saluer les contrôles de StarCrawlers dans cette partie, parce qu’on a affaire au meilleur déplacement case par case que j’ai vu dans le genre, grâce à sa fluidité et son option « free look  » activable. En revanche, mon grand problème avec les missions, c’est qu’on en a deux types diamétralement opposés. D’abord, les missions principales qui font avancer l’histoire, qui sont conçues à la main et où la progression y est captivante à coups de bon placements de systèmes d’alarme (caméras de surveillance, faisceaux infrarouge…), de pièges (lasers, chambres à gaz…), de secrets et d’éléments narratifs à dénicher  (data logs, PNJs …). Et de l’autre côté, les missions secondaires qui, elles, sont générées aléatoirement et sont, du coup, nettement moins inspirées et moins attrayantes, tout en étant répétitives, recyclées, et insipides. Pour le coup, les devs auraient dû tenir leur IA en laisse, au lieu de lui laisser l’occasion de hacker le level design de leur jeu.

On aurait très bien pu s’en passer, sauf que, le soucis, c’est qu’elles ne sont pas si « secondaires  » qu’il n’y parait. En effet, StarCrawlers impose des niveaux de mobs bien définis dans les missions principales qui sont, de surcroît, de plus en plus élevés nous obligeant alors à se coltiner un bon paquet de missions secondaires pour leveler et pouvoir se les faire. On peut ainsi se retrouver avec une équipe de niveau 15 qui se voit contrainte de se taper grind après grind de missions secondaires expéditives pour arriver à gérer une mission principale qui requiert une équipe de niveau 20. C’est surement fait pour gonfler la longueur de la campagne qui a avoisiné pour moi les 40 heures (bon, c’est théoriquement infini aux vus de son NG+ et de son contenu aléatoire) et qui en ferait la moitié sans cela, mais ce n’est clairement pas la bonne façon d’y parvenir. Parce que, oui, on aime vivre dans un monde cyberpunk le temps d’un jeu vidéo, mais de là à nous soumettre aussi à ses travaux forcés, faut pas pousser cyber-mémé dans la Matrice non plus…

 

Que rajouter de plus sur StarCrawlers ? Ben, je dirais que, grosso merdo, c’est une bonne pioche. Par contre, il ne faut pas espérer y trouver l’excellence. Mon conseil pour mieux l’apprécier, c’est de se le faire dans le mode le plus facile et enchaîner ses missions principales fait-main (donc sans trop faire attention aux niveaux requis) en minimisant un max le grind filandreux des missions secondaires aléatoires et bouche-trous… Après tout, on dira ce qu’on voudra mais, en toute âme et conscience, on ne peut pas dire qu’il tombe dans le classicisme souvent récurrent dans ce genre de jeux. Grâce à son thème cyberpunk / space opera inédit chez les Blobbers (en tout cas, à mon humble connaissance), sa narration accentuée (quoique à moitié réussie) pour le genre, ses allures avenantes ainsi que ses mécaniques de jeu robustes, il s’impose comme l’un des meilleurs RPG / Dungeon Crawlers de l’année. Même si, bon, j’avoue qu’il y arrive surtout par élimination dans une année de disette de ce côté là. Mais, hé, j’ai un quota de superlatifs à respecter…       

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A propos de l'auteur : Andariel

Chaotique mauvais jusqu’à la moelle, il est le grand ami des Bisounours, des poneys et des teletubbies. Surtout au petit déj’. Avec une bonne marinade.

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