Thief 4

Il y a des reboot qui sont et seront toujours plus ou moins attendus par une fan-base et des puristes aux aguets, couteaux entre les dents. Et lorsqu’un jeu vous propose de rentrer dans la peau d’un voleur aguerri, il l’est d’autant plus si l’on considère que très peu de jeux mettent en avant ce vice. Ce quatrième opus, sorti dix ans après Thief : Deadly Shadow, ne fait donc pas exception à la règle ; il s’est en effet fait démonter par une grosse partie de la presse et des joueurs au moment de sa sortie. Mais le vitriol, souvent dû à une comparaison fallacieuse avec Dishonored, était-il justifié ? C’est que nous allons voir ensemble. C’est parti !

 

Vous incarnez donc Garrett, le célèbre maître voleur, anti-héros et délicieusement cynique par nature, qui pourra mettre en avant tous ses talents de cleptomane. Si ça brille, alors ça se prend, quand bien même il s’agit de fourchettes ou de cuillères. Avouez que présenté ainsi, l’image du maître voleur prend un sérieux coup de bourrin. Mais voilà, même quand il vole des couverts, il a tellement la classe le Garrett qu’on en redemande ; d’un geste fluide et insonore, toute la dorure disparaît dans ses sombres habits. Ainsi, dans le prologue, vous pourrez découvrir l’ambiance lugubre de la ville qui va vous servir de terrain de jeu. En effet, la plupart des habitants sont rongés par une maladie s’apparentant à la peste : la Grisaille.

Un couvre-feu a donc été mis en place et les bas-quartiers désertés par la noblesse, sont devenus une zone de quarantaine. A l’insu de son plein gré, Garrett va interrompre un rituel occulte dans la demeure du baron Northcrest, le notable totalitaire local. Refaisant surface avec la mémoire en lambeaux quelques temps plus tard, il va chercher à comprendre ce qu’il s’est réellement passé afin de venger celle qui fut sa protégée : Erin. Face à ce tyrannique aristocrate et la maladie, un mouvement révolutionnaire a vu le jour, dirigé par un dénommé Orion, qui se forme peu à peu dans le but de démettre le baron et guérir la Grisaille.

Le genre du jeu et le début de l’histoire, mêlé à un univers hybridant époque victorienne et esthétisme steampunk, font en effet furieusement penser au hit d’Arkane Studios, mais la comparaison s’arrête pour moi ici, car nous incarnons ici un voleur, et non un assassin. Les approches sont donc fondamentalement différentes ; Dishonored offre la possibilité de jouer dans un style action plus nerveux, avec moults téléportations, tandis que Thief met en avant l’infiltration tout en décourageant l’action. Garrett est définitivement une mouette au corps à corps, et malgré l’excellence de ses talents d’archer, les flèches sont une denrée rare et onéreuse.

Il en existe d’ailleurs différents types ; celles de base, de feu, d’eau pour éteindre les torches, avec une corde pour grimper à des endroits autrement inaccessibles, émoussées pour appuyer sur des boutons, soporifiques pour neutraliser sans tuer. Outre son arc et sa matraque, il dispose également d’un certain nombre d’objets, tels que des crochets pour ouvrir les serrures, un grappin pour grimper sur des endroits surélevés, une pince-monseigneur pour désamorcer des pièges, une clé anglaise pour dévisser des boulons, et autres joyeusetés qui font partie du kit du larron accompli. Vous aurez également la possibilité de jeter des projectiles, tels que des bouteilles en verre, afin de créer une diversion sur un garde.

En tant que voleur, et au delà de la mission principale, vous pourrez accomplir différentes quêtes secondaires, majoritairement fournies par l’ami Basso, le receleur local. Chaque missions, qu’elles soient principales ou secondaires, vous permettent trois différents types d’approches qui seront évaluées à la fin de chacune d’entre-elles : Fantôme (ombre parmi les ombres, personne ne vous voit jamais), Prédateur (vous laissez une série de cadavres derrière vous), et Opportuniste qui est un mélange des deux. Mais voilà, à mon sens, ce qui définit un bon jeu d’infiltration est un level-design aux petits oignons.

Et autant le dire immédiatement, bien que dirigiste, Thief fait ça très bien ; il existe bien souvent de multiples possibilités face à une situation donnée, sans forcément tomber dans la facilité du conduit de ventilation. Votre matière grise sera régulièrement sollicitée pour la jouer ombre parmi les ombres. Pour autant, cela demandera également de la patience à force d’observation et d’attente d’opportunités, car rentrer dans le tas comme un bourrin n’est clairement pas une option. Il suffit simplement de noter qu’il est tout à fait possible de finir le jeu intégralement sans assommer qui que ce soit, excepté un garde dans le didacticiel.

Garrett aura à sa disposition toute une série d’actions contextuelles ; sauter un obstacle, ouvrir une porte, voler un objet, escalader, etc… Tout est lié à une touche. Cet état de fait a provoqué de nombreux cris d’orfraie, mais je trouve au contraire que cela donne davantage de corps à l’expérience et contribue à nous faire ressentir le fait d’être dans la peau d’un roublard expérimenté. Si par exemple le saut avait été permis à volonté, cela serait nettement moins classieux que l’action contextuelle mettant en scène un mouvement agile de saut d’obstacle.

L’autre action, dite de swoop – glissade au ras du sol, permet de son côté de dynamiser les déplacements en donnant un rendu ninja relativement badass, sans que cela soit pour autant aussi abusif qu’une téléportation (suivez mon regard…).Les puristes et les hardcores gamers auront même la possibilité de customiser à outrance l’interface, via 21 paramètres, afin de virer tout ce qui s’apparente à des indicateurs modernes, comme par exemple le pouvoir de Focus et les lueurs autour des objets.

L’autre mamelle de l’infiltration est l’intelligence artificielle, et comme la plupart des jeux du genre, elle est parfois un peu bancale, mais elle fait tout de même bien son office. Ainsi, si vous vous trouvez dans une zone d’ombre, et que vous ne bougez pas du tout, il y a de fortes chances pour que personne ne vous voit. Mais le level-design a suffisamment bien été pensé pour positionner judicieusement ces fameuses zones d’ombre. A contrario, un garde en patrouille remarquera immédiatement qu’une torche est éteinte ou une porte restée ouverte. Mais après tout, l’IA sera nettement moins permissive si vous jouez en mode difficile et virez quantité d’aides de jeu. Sachez par exemple que la difficulté la plus élevée sera synonyme de game-over à la moindre alerte !

Graphiquement, il faut avouer que j’ai pris une jolie claque inattendue ; on y voit jusqu’au grain de la pierre et les rainures dans les planches de bois. Les ombres dynamiques, via tous les jeux de lumières, sont du plus bel effet, et éteindre toutes les sources lumineuses (que ce soit des chandelles, des lampes ou des torches) va vite devenir un réflexe naturel. Un indicateur peut d’ailleurs vous dire si vous vous situez dans une zone d’ombre ou pas.

Artistiquement, l’ambiance sale, sombre et glauque de la ville est juste une tuerie. Mention spéciale pour l’asile, où j’ai sursauté comme une fillette à plusieurs reprises tellement l’horreur et la claustrophobie sont bien retranscrites et mises en scènes. Le bordel est également un endroit qui vous laissera d’agréables souvenirs. Par contre, l’aspect sonore est un peu aux fraises ; entre la gestion hasardeuse du volume sonore en fonction de la distance, les répliques répétitives des PNJ et la synchronisation labiale, cela laisse un arrière goût légèrement amer, sans que cela soit rédhibitoire pour autant. Malgré tout, le voice-actor, en français s’il vous plait, est de très bonne qualité.

Un des autres reproches récurrent fait à Thief est que notre terrain de jeu, la ville, est composé d’une série de hubs, segmenté et instancié, au point de multiplier les temps de chargement et que cela briserait l’immersion. L’argument serait valable si ces temps de chargement seraient d’une longueur abusive et les hubs minuscules, mais tel n’est pas le cas. Pour autant, toutes les maisons d’une même zone de ne sont pas visitables et la liberté de mouvement est limitée.

A l’inverse de Deus Ex : Human Revolution des mêmes développeurs, vous ne pourrez emprunter que les chemins pensés et prévus par les développeurs ; les tentatives exotiques d’infiltration ne sont donc pas vraiment permises. Par contre, je pense que tout le monde sera unanime pour définir la qualité du scénario : pas terrible car pas vraiment intéressant et peu inspiré. Les personnages secondaires ont peu de reliefs. La trame scénaristique quant à elle, teintée de fantastique, sans être déplaisante, est expéditive et convenue ; un peu décevant lorsque l’on sait que le développement du jeu s’est étalé sur environ cinq ans.

 

Au final, que penser de ce Thief version 2014 ? Eh bien ma foi, pour ma part, c’est de la bonne came ! Sans être exempt de défauts, ce jeu d’infiltration a laissé une trace mémorable dans mon expérience de gamer. Entre fun, prise en main agréable, et direction artistique et une ambiance de folie, vous pouvez retirer sans problème tout le vitriol qu’il s’est mangé sur le coin de la gueule ; Thief n’est pas Dishonored, car il reste définitivement fidèle à la saga, et c’est tant mieux !

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A propos de l'auteur : Toupilitou

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