Weed Shop 2, ou le Howard Marks du pauvre

Weed Shop 2, ou le Howard Marks du pauvre

On m’a offert un jeu. Toutefois, je ne suis pas certain que l’on puisse réellement appeler cela un cadeau. L’objet vidéoludique en question est Weed Shop 2, développé par ADhD Studios, édité par Weed Games (… Forcément), et où l’unique produit d’appel est la ganja (… Évidemment). Ouais, encore un lecteur perspicace qui a bien cerné à quel point je suis une vilaine petite loutre dépravée. Quoi qu’il en soit, ce jeu est une mise en abyme de l’abrutissement, à destination des fumeurs de pétards, afin qu’ils puissent fumer virtuellement de l’herbe, le tout avec des mécaniques tout à fait décérébrantes ; avec ça, la boucle est bouclée. Pour dire le vrai, j’ai tenu cinq heures ; je sentais déjà mon cerveau fondre et couler par les oreilles, signe qu’il était temps d’appuyer prestement sur Alt + F4. L’improbable faisant toujours partie du paysage de Valve, cette « œuvre  »  est portée aux nues via les reviews Steam, fort probablement par des lumières. En tout cas, depuis que je l’ai essayé, mon chat ne m’adresse plus la parole. Pourquoi ? Regardons cela ensemble en détail. C’est parti, man !

 

On commence la partie dans un petit local un peu pourrave, avec une déco ultra-cheap ; une planche de bois et des pots de fleurs récupérés chez maman que l’on peut installer dans une petite pièce correspondant à l’arrière-boutique, un comptoir pour encaisser le cash, et roule Pedro. Non, Pedro ne fait pas partie de la décoration. En ce début de partie, on nous explique les rudiments du gameplay de la culture de la ganja. Ne vous attendez pas à démarrer la partie avec tout le matos du petit jardinier accompli ; bah oui, quelle idée de vouloir ouvrir un commerce avec du matériel adéquat. Non mais franchement, faut pas pousser mémé dans le buisson de weed… Bref, le didacticiel vous offre gracieusement vos premières graines, que vous planterez dans des pots (… Déjà remplis d’une terre à la provenance inconnue) via le menu contextuel disponible par un clic. Retenez bien cet élément important du gameplay, le clic, car vous allez y avoir recours très régulièrement.

Une fois plantée, vous devrez l’arroser avec un clic… Enfin, de nombreux clics ; tant qu’il y a de l’eau, l’herbe poussera, sinon la plante se mettra en pause. Noyez la plante, et ça passera crème. C’est quand même la classe ; dans la vraie vie, toutes les plantes que je n’ai pas arrosé ou que j’ai trop abreuvé chez moi ont fini par crever (… Eh, j’ai même réussi à faire crever un Yucca… Un putain de Yucca, bordel !). Dès lors qu’il y a de l’eau, un timer s’écoule et la plante pousse au fil des secondes qui s’égrènent. Il sera d’ailleurs possible d’écourter ce délai grâce à des produits miracles, type engrais de fou furieux. La pousse instantanée, vous connaissez ? A l’issue du temps indiqué, il sera possible de récupérer la récolte tant attendue afin de pouvoir la vendre en direct dans la boutique. Il sera possible de procéder à la récolte avant la fin du temps imparti, mais les quantités seront alors moins importantes. Quant à la vente, il n’y a rien de plus simple : des gens rentrent dans la boutique, vous leur parlez grâce… à un clic, et vous choisissez de leur vendre la quantité qu’ils demandent. D’ailleurs, une personne est considérée comme cliente dès lors qu’elle met un pied dans la boutique. En clair, pas moyen de vendre à la sauvette dans la rue.

Au début, ne vous connaissant pas, toutes ces personnes vous achèteront de petites quantités, ce qui fera que vous ne gagnerez pas de pognon rapidement. Dès lors que la vente sera effectuée, vous gagnerez du cash, ainsi que du respect et de la réputation (… Ahem), représentés par des barres de progression avançant à un rythme d’escargot narcoleptique. Plus ces jauges augmenteront, plus ils vous en achèteront, pour peu que vous ayez suffisamment de stock, d’où les clics compulsifs dans l’arrière-boutique. Si l’envie vous prend, vous pourrez très bien refuser de vendre quoi que ce soit à un client potentiel, peut-être parce qu’il vous a parlé comme à un clébard, ou juste parce que sa tête ne vous revient pas (… Et cela peut se comprendre). Toutefois, il n’y a aucune raison de refuser un client tellement cela ralentirait des mécaniques de progression déjà beaucoup trop lentes. Une troisième interaction est également disponible : vous pourrez offrir un échantillon à vos clients, encore une fois pour gagner du respect et de la réputation afin de les aiguiller vers votre commerce. Cet échantillon entraînera toujours une seule et même animation : la personne s’allume le pétard, et tousse. Gimmick convenu pour dire : c’est de la bonne, viens chez wam, man !

Un mot rapide sur ces fameux clients. Le nombre de modèles de personnage est très faible, ce qui fait que l’on a une armée de clones. A moins que ce ne soit les mêmes personnes faisant X fois le tour du quartier dans la journée afin de finir par vous acheter un kilo par jour. Tout ça parce que, franchement, vous êtes quelqu’un de vachement sympa… Allez, je peux comprendre que certains fument plus que d’autres, mais est-ce bien raisonnable de fumer un sac poubelle de 30 litres plein d’herbe par jour ? Non, vraiment, vous contribuez directement à leur déchéance, qui se remarque autant par leur démarche qu’avec leurs traits de visage, grâce à une modélisation complètement datée. Mais voilà, vous, petit entrepreneur plein de bonne volonté, tenez un dispensaire « médical  » , alors ça passe ! A noter que vous êtes tellement de bonne composition que vous pouvez bosser jour et nuit, sans pause, sans manger, ni dormir. Eh oui, il y a un cycle jour / nuit qui… ne sert strictement à rien ; pas de changement de population, pas d’animations particulières. Rien. Juste, il fait nuit.

Quoi qu’il en soit, plus vous gagnerez d’argent, plus vous pourrez acheter du mobilier, des pots, des graines, de l’équipement, des engrais, des pesticides, du stockage, un agrandissement du bâtiment, du personnel, et de la décoration. Évidemment, tout ce que vous pourrez acheter vous permettra de moins… cliquer. Sauf que voilà, pour arriver au stade où l’on a les moyens de s’acheter tout ce qui va bien, vous aurez chopé une crampe à l’index bien avant. Au bout de cinq heures de jeu, j’avais réussi tant bien que mal à acquérir du mobilier et des pots afin de faire pousser dix plantes en même temps. Pour chacune, j’avais installé une pompe à eau, permettant de moins spammer le clic de la souris. A l’occasion, lorsqu’il y avait des infections, j’achetais des pesticides au nom fleuri afin de génocider à l’arme chimique toutes les vilaines bêtes qui auraient eu l’idée saugrenue d’aller vivre parmi mes plantes. Toute de même, il ne faudrait pas avoir à se casser le cul avec une quelconque réglementation ou bien avec des normes écologiques. Bah ouais, c’est une simulation, man ! Dans la vraie vie, tout le monde se fait dessus alors qu’une contamination au fibronil s’est répandue dans nos œufs européens. Moi, au même moment, j’arrose comme un salopard mes récoltes avec des produits douteux, récoltes que je vendrai ensuite en quantités industrielles dans mon dispensaire… médical.

J’avais également recruté trois personnes : une pour faire office de vigile, l’autre pour rameuter les gens dans ma super boutique, et une dernière pour servir de vendeur. En effet, il est possible que certaines personnes mal intentionnées arrivent à l’improviste pour vous dérober toute votre précieuse récolte. Comment les repérer ? C’est un délit extrêmement flagrant, puisque ce seront les seules personnes qui se baladeront accroupis. Dès qu’ils se mettent accroupis dans votre boutique, votre stock de beuh ou d’argent va progressivement diminuer, jusqu’à ce que vous n’ayez plus rien, ou que vous leur ayez donné un bon coup de batte dans les dents. Quoi ? Tu as cru pouvoir gérer cette situation par le dialogue ? Pauvre fou ! Ce sera le dépouillement intégral ou la violence, et rien d’autre. Le ciblage étant ce qu’il est, il m’est arrivé de frapper par inadvertance d’honnêtes clients, perdant par la même occasion une bonne partie de la réputation que j’avais engrangé auprès de cette personne. Le mec de la sécu, lui, c’est son taff ; il ne loupera pas sa cible… Pour peu qu’il ne soit pas en pause en train de fumer votre stock.

Afin de décompresser de tous ces clics effectués, vous aurez l’occasion de vous balader un peu autour de votre boutique, située sur un bord de mer en Californie. Dans leur grande mansuétude, les développeurs ont royalement modélisé… 300 mètres d’une promenade piétonne, avec un accès à autant d’espace de plage. Le tout est rempli de choses diverses et variées avec lesquels vous ne pourrez pas interagir. Au delà de ce périmètre à partir duquel tous les potentiels clients proviennent, des barrières invisibles vous empêcheront d’avancer. De là, vous pourrez… inciter les gens à venir claquer leur paye dans votre boutique en leur offrant des pétards. Ces derniers, vous pourrez les acheter ou bien les confectionner dans votre arrière-boutique (… Si vous avez le matériel adéquat) à travers un « mini-jeu  » des plus époustouflants : il vous faudra… cliquer le plus rapidement possible. Ouais, même les QTE d’un Telltale sont (parfois) beaucoup plus palpitants.

En réalité, ce qui frappe dans cette représentation, c’est que tous les passants sont des fumeurs invétérés, et que jamais, au grand jamais, ils ne refuseront un pétard que vous leur offrez. On a l’impression que, dans cette rue où vous tenez un dispensaire (médical, je le rappelle), il s’agit du rendez-vous de tous les Rastas un peu glauques de la ville. Tous leurs vêtements seront à l’effigie de cette plante, tout comme l’intégralité de leurs dialogues. Tous ces personnages vivent pour la beuh, avec la beuh, et peut être que certains pensent finir en engrais pour plantes de ganja à leur mort. De même, outre les interactions avec les PNJs, vos seules activités annexes seront de rouler des joints, des les fumer, voire de taper une douille. Et, si vous fumez trop, vous aurez des hallucinations visuelles. Eh merde, encore un type qui a confondu l’acide avec le THC… En clair, on se coltine une somme incalculable de clichés à deux balles autour de la fumette.

Les graphismes sont aussi pauvres que le contenu du jeu, tandis que les animations ne relèvent pas le niveau. Le pathfinding des PNJs est aussi décérébré que la complexité du gameplay, et passer l’encadrement de la porte de votre boutique va parfois être une véritable gageure pour certains, dès lors qu’il y a beaucoup de monde qui y transite. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’un groupe de PNJs soit bloqué à l’entrée de la zone où ils apparaissent. Le seul moyen de débloquer le bouchon est de les bousculer afin de les bouger, voire leur mettre un bon coup de batte dans la jambe, bien qu’ils ne risquent plus de mettre ladite jambe dans votre boutique de sitôt. Enfin, un mot rapide sur la musique, car, une fois n’est pas coutume, je l’ai écoutée. Bon, on ne va pas se mentir : le type qui a eu l’idée de mettre un sample Reggae de dix secondes en boucle infinie et qui en plus a trouvé ça cool, est un véritable connard. Vraiment.

 

Les mécaniques ludiques sont répétitives et laborieuses, le gameplay se résume à cliquer sans fin, tandis que l’ambiance et l’immersion sont vomitives. Non, vraiment, j’ai cru qu’à un moment j’allais faire une crise d’épilepsie. « Ouuuuaaaais, mais c’est un meme ! T’as rien compris la loutre !  » . Écoute bonhomme, si, je l’ai bien compris, mais il y a des memes marrants, et parfois même bien conçus. En clair, ce « jeu  » , qui n’a de simulation que le nom, n’est qu’une sombre bouse ne méritant pas que l’on claque le dixième de son prix de vente, à savoir 9,99 €. Fort heureusement, je ne l’ai pas acheté. Toutefois, bien que cela parte d’une mauvaise intention tout à fait louable, et au risque de recevoir des lettres de menace sentant fortement la frite et la bière, je n’irai malgré tout pas jusqu’à remercier la personne qui me l’a offert. A la limite, quitte à vouloir se prendre pour un Pablo Escobar virtuel, autant jouer au Drug Lord qui tournait sous DOS. Pour les nostalgiques, c’est bel et bien le même jeu qui pouvait s’installer sur une calculatrice afin de pouvoir jouer peinard pendant un cours de maths un peu trop soporifique. A bon entendeur…

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A propos de l'auteur : Toupilitou

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Un commentaire sur “Weed Shop 2, ou le Howard Marks du pauvre”

  1. Andariel dit :

    Avec cette chronique, je crois que je viens de passer dans le camp des opposants à la légalisation du chanvre. Parce que j’aimerais pas vivre dans le monde de Weed Shop 2. Du moins, pas plus que le temps d’un spliff.

    Sur ce, https://www.youtube.com/watch?v=_h-Nud8DcnE


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