Otter’s Dial #3 – Torment : Tides Of Numenéra

Otter’s Dial #3 – Torment : Tides Of Numenéra

Version presse Xbox One fournie par Koch Media

 

Cela faisait un bail que nous n’avions pas fait une critique à plusieurs sur Loutrage, notamment en raison du fait que nous étions bien souvent sur la même longueur d’onde, ou bien que nous ne jouions tout simplement pas aux mêmes jeux. Et il aura fallu le très attendu successeur spirituel de Planescape : Torment parmi la populace RPGesque pour susciter un peu de débats en interne, avec Torment : Tides Of Numenéra, développé par Inxile. Mais voilà, comme on n’aime pas vraiment faire les choses comme les autres, je défendrai une version que j’ai acheté sur PC, tandis que Marcheur enverra quelques giclées d’acide à travers une version presse sur Xbox One. Au bout du bout, vous devriez savoir à peu près quoi penser de cet objet vidéoludique. C’est parti !

 

Marcheur : Torment: Tides of Numenéra, c’est un jeu que je n’ai personnellement pas backé, parce qu’Inxile sont des fumistes qui ne tiennent ni les délais, ni les promesses, et ont sorti un jeu que je juge comme « correct sans vrai plus  » nommé Wasteland 2. Aujourd’hui, ils abusent de Kickstarter, Fig ou autre connerie, et ont gentiment pris les joueurs pour des cons, selon moi. Mais, malgré tout, j’avais une attente et une sympathie pour Torment, et j’ai donc fait demande d’une copie presse à Toupilitou, et cette dernière a gentiment été fournie par Koch Media.

Toupilitou : Je n’ai personnellement pas backé le titre, parce que je ne participe à aucune campagne de manière générale. Qu’Inxile abuse de ce système, et qu’une foule de gens se branle sur des promesses en giclant du pognon bien frais, et ce malgré le fait qu’il soit de notoriété publique qu’Inxile a fait un portage foireux de Wasteland 2 sur console, à la limite, je m’en contrefous. C’est leur problème, et je fais un joli pas-chassé pour esquiver tout ce merdier. Entre nous, pour tout te dire, je trouve cela un peu space de jouer à un cRPG verbeux sur console, mais après tout, je joue moi-même aux jeux de baston avec un clavier, alors ma foi, pourquoi pas ? Mais avant que l’on ne rentre dans le vif du sujet, j’aimerais autant que l’on évacue rapidement tout ce qui est problèmes techniques, bugs, et soucis de traduction sur nos versions respectives, afin qu’on l’on puisse parler, l’esprit enfin libéré, du fond. Et comme je suis un peu foufou, je vais commencer.

De nos jours, les jeux qui sortent vraiment propres le jour J se font très rares. Torment : Tides Of Numenéra ne déroge pas à la règle, mais je dois avouer que, sur PC, j’ai déjà connu bien pire. Sur 40 heures de jeu, les commandes ne se sont complètement figées qu’une seule fois, et j’ai dû Alt + F4 pour relancer la sauvegarde automatique. Je n’ai rien perdu, et ce n’est pas survenu à nouveau. Non, le plus « gros » souci, se situe au niveau de la traduction. Un code couleur mal placé qui fait apparaître le code lui-même dans le texte, une lettre ou un mot manquant, une lettre remplacée par une autre (… changeant parfois le sens d’une phrase à l’insu de son plein gré), quelques fautes d’accord… Il est clair que tout n’est pas très propre, mais c’est franchement à relativiser au regard de la masse de texte ; oui, il y en a bien quelques-unes, on les voit, mais on est vraiment très loin de l’invasion de Google Trad’, ou d’un mec qui roule sa tête sur son clavier pour écrire. En clair : rien qu’un patch ne serait corriger. Et on ne va pas se mentir, dans ma carrière de correcteur, j’ai déjà vu bien pire. Quoi qu’il en soit, de ton côté, ça donnait quoi la version Xbox One au niveau technique ?

Marcheur : Eh bien, si j’étais d’une parfaite mauvaise foi, j’aurais dit : « de la merde, de la merde, de la merde de la merde de la ooooh !  » . Mais comme j’ai déjà fait cette blague, je vais juste dire ceci : techniquement, le titre est à peine plus solide que la version Xbox One de Wasteland 2 : Director’s Cut, qui était un étron poussif. Mais explicitons un peu le propos, vu qu’on en est au vidage de sac : le jeu a une latence de deux secondes entre chaque onglet du menu du personnage, le framerate est inconsistant en ville… soit pendant une bonne moitié du jeu. Le plus drôle étant que l’on commence le titre avec un taux de rafraîchissement à soixante images par seconde, avant de vite déchanter en arrivant dans la première zone remplie de PNJ, en chatouillant tendrement une sensation de fluidité assez proche de l’époque Playstation 1. Cela permet de mieux apprécier des animations assez laides cela dit. Non, sinon, on a droit à des latences lorsque le texte défile (… et ça défile beaucoup), deux trois bugs graphiques (… cela dit rien de grave), de l’aliasing lorsque l’on zoom, et de quoi constater d’ailleurs que si de loin le jeu passe, de près, c’est déjà plus complexe.

Ce qui m’a « choqué  » , c’est le fait que les ombres soient de faible qualité. Ça, c’est proprement incompréhensible. On est en face d’un jeu en 3D isométrique dans des zones très étriquées, qui peut pousser au niveau des effets / textures / éclairages (… on peut presque parler de tableaux dans le cas présent), et le machin arrive à te faire croire qu’il ne tourne pas en ultra sur ta machine. Je veux bien que Inxile ne soit pas habitué aux hardware des consoles, mais merde, quand même quoi ! Même le système de sauvegarde est stupide ; la sauvegarde la plus récente apparaît en dernier dans l’écran de chargement. Ça fait quoi, dix ans qu’on ne voit plus ce genre de connerie ?

Bref, je passe sur les icônes énormes d’interactions qui ne compensent pas une maniabilité au pad « passable  » , et l’interface esthétique mais peu pratique. On est loin d’un Wasteland 2, mais quand même, on est en droit d’attendre une meilleure finition pour un jeu qui a pratiquement mis quatre ans à voir le monde. C’est sans doute un sujet qu’on abordera plus tard, mais Fargo doit absolument se mettre dans le crâne qu’il ne peut pas décemment continuer comme ça, à restaurer ses jeux sortis en enchaînant trois productions dans le même temps. D’abord, on sort un produit fini et qualitativement au point, après on se met à développer autre chose. Enfin, c’était mon plus gros coup de gueule, et je pense qu’on peut enchaîner sur l’esthétique globale du titre, parce que je pense qu’on peut en dire quelque chose n’est-ce pas ?

Toupilitou : Ah bah on va en parler, t’inquiètes ! Je voulais néanmoins rebondir sur ton propos. Vu que t’as l’air dans le mood, je vais te choquer à nouveau : s’il y a bien un truc dont je ne me suis absolument pas préoccupé, ce sont les ombres. Quant au framerate, ça roule tout seul en ultra sur mon PC. Même l’ordre de sauvegarde n’est pas problématique sur PC, même si je fais rarement des chargements, et que je reprends toujours la dernière disponible en cliquant sur continuer. Cela est dû en partie à la difficulté, mais on en reparlera tout à l’heure. Néanmoins, là où je te rejoins par contre, c’est sur la taille des icônes d’interaction, qui ne sont pas très pratiques non plus, y compris à la souris. Et si par malheur il y a un portrait de personnage, ou un personnage tout court devant, la sélection va être un vrai merdier.

Je me suis d’ailleurs retrouvé une fois face à un élément que je ne pouvais pas looter, car situé tout en bas de l’écran et de la map, fort opportunément pile-poil sous tous les portraits. Ce n’est pas tant que j’avais loupé un truc de fou, car cela devait probablement être deux-trois babioles perdues sous des rochers, mais c’était assez frustrant. Ce n’est néanmoins arrivé qu’une seule fois. Pour résumer, comme tu l’as si bien dit, une interface esthétique, mais peu pratique. Pour ce qui est la stratégie de la boîte, et même si je ne connais pas le détail des délires d’Inxile, de manière générale, laisses-moi te dire que je ne suis pas sûr que ta boîte vive longtemps si tu ne penses pas au coup d’après, ou alors tu vires une partie de tes effectifs entre chaque jeu. Mais si on commence à dévier sur ce sujet, on va finir dans les contrées pas si lointaines des pavés indigestes pour nos lecteurs. Aloooors, l’esthétique…

Ma première réaction, je pense que ça a été de l’étonnement. Étonnement, car même si la forme isométrique est des plus éculée, j’étais face à quelque chose disposant d’une identité forte à travers une direction artistique haute en couleurs. Non pas que ce soit amazing comme on pourrait le lire à droite ou à gauche, mais le rendu final est assez frais, coloré, avec une touche tout à fait bienvenue de surréalisme au démarrage du jeu. Je ne sais pas toi, mais j’ai souvent eu une impression de dépaysement par rapport à ce qu’on peut retrouver d’habitude dans les cRPG. Par contre, pour ce qui est des modèles de personnages, on va dire qu’on a vu mieux, et que ce qu’affichent les portraits ne correspond pas aux modèles 3D. Mais là encore, c’est un détail qui ne m’ennuie guère, car je joue constamment avec un dé-zoom total. Toutefois, je ne peux m’empêcher de pester contre la caméra, dont la lenteur de déplacement avoisine celle d’une tortue neurasthénique, alors que le jeu s’obstine à vouloir la centrer constamment sur notre avatar dès lors qu’il se déplace.

Marcheur : Il y a, il est vrai, quelque chose dans l’esthétique de ce Torment qui rafraîchi, notamment la mémoire où l’on peut se souvenir de Planescape Torment, mais aussi certaines couleurs crasseuses évoquant les premiers Fallout. Il y a une vraie recherche dans les décors, avec des structures tout droit sorties d’un enfer artistique, des constructions torturées aux multiples influences, des couleurs vives tranchant avec un sol globalement terne. Il y a de la recherche et du travail. Nul doute qu’Inxile s’est attaché à construire un univers cohérent sur l’idée des générations successives. Il y a donc une vraie recherche de cohérence visuelle à mettre en lien avec le contexte, ce qui aurait pu être une bonne chose. Maintenant, très sincèrement, je ne suis pas pleinement convaincu par le rendu global.

Déjà, la réalisation technique laisse à désirer, et le jeu ne s’apprécie que de loin, questionnant la présence d’un zoom qui est hautement inutile et permet de se rendre compte des imperfections. Ensuite, la cohérence visuelle prend, selon moi, un sacré coup dans les dents lorsque l’on combine des structures élégantes avec des éléments très grotesques, voire parfois tellement kitsch et fluo qu’il ressort que l’image semble l’œuvre d’un moddeur à ses débuts. Alors oui, il y a de la recherche, oui, il y a de la réussite, mais je trouve aussi que, contrairement à son illustre prédécesseur que je me lasse de citer, il n’y a pas en tout point cette cohérence, ce mariage du visuel afin de créer un univers. C’est peut-être moi, mais j’ai beaucoup de mal à me faire à cette invasion d’éléments surréalistes parfois beaucoup trop remarquables pour former un tout cohérent.

Mais ne restons pas au visuel quand je brûle de parler du travail de Mark Morgan, de retour dans Torment, après l’avoir quitté dix huit ans plus tôt. Le retour à la maison se fait teinter de réminiscences de Planescape, mais aussi des deux premiers Fallout. Toutefois, Mark Morgan semble avoir presque tout dévoilé lors de son teasing en 2013, lorsqu’il révélait quelques musiques du futur Torment ; beaucoup de sonorités industrielles, et un air qui deviendrait presque iconique s’il avait été mieux utilisé. Toujours dans le douloureux comparatif, Mark Morgan, à l’instar de Wasteland 2, ne retrouve pas sa flamme d’antan, tandis que sa composition de qualité est ternie par une volonté très moderne de faire oublier la musique au profit d’un environnement sonore.

On se retrouve donc avec des nappes musicales agréables qui font un excellent travail, surtout lorsqu’il est question de faire revenir des sensations que l’on croyait coincées à jamais dans un jeu désormais vieux de dix huit ans, mais quand vient le moment où l’on demande des thèmes puissants, la bande-son complète n’en a qu’un à proposer. Un triste constat qui m’a accompagné lors de mes cinq écoutes de cette soundrack, que l’on appréciera uniquement en contexte, et peu en écoute seule. C’est d’autant plus dommage que le thème du jeu aurait pu soutenir et mettre en valeur de bien meilleure manière des événements en jeu.

Donc ouais, petite déception. Petite impression d’un Mark Morgan qui fait ce qu’il sait faire, mais ne sait plus où aller pour évoluer. Un constat imputable à une époque sans doute révolue, mais je garde espoir qu’Inxile travaille sur un jeu qui ne voudra être le successeur spirituel ni la suite de personne pour que Mark Morgan brille une nouvelle fois. Côté doublages, il y en a très peu, et globalement, c’est un travail sans génie comme souvent. Les bruitages et l’environnement sonore, par contre, fonctionnent assez bien, et c’est tant mieux, car cela aide les décors à dégager de la vie, là où les PNJ, désespérément statiques, n’ont que leurs histoires à raconter pour nous convaincre qu’ils sont bien vivants.

Toupilitou : Bon, pour la musique, comme à mon habitude, je ne l’écoute pas, donc je ne vais pas en rajouter. Les doublages, pas mieux ; il n’y en aurait pas eu que cela ne m’aurait absolument pas dérangé. Mais c’est tout de même intéressant ce que tu dis plus haut sur le manque de cohérence. Je me demandais, sans vraiment relever le troll sur le moddeur débutant, ne serait-ce pas aussi parce que le surréalisme n’est tout simplement pas ta came ? Pour ma part, lorsque je joue, et majoritairement quel que soit le jeu, je n’aime pas me raccrocher à la raison. C’est également pourquoi l’archétype que je préfère incarner est celui du chaotique neutre. Là, pour le coup, j’ai envie de te dire que je me sens un peu comme chez moi, à me balader dans un ensemble quelque peu désordonné.

Pour autant, la ville de Sagus n’est pas un grand n’importe quoi ; elle évolue de manière cohérente dans un univers chaotique. Par exemple, prends le quartier où les maisons sont nichées au bord d’une falaise, alors que des bestioles creusent le sol juste en-dessous. Tu as un moyen d’avoir une description au fil du temps de ce quartier, alors que le temps présent n’est que ruine, misère, et délabrement, tout cela à côté d’une ville propre, lumineuse, agréable à parcourir (… outre le Terrier). Maintenant, rajoute à cela la révolte citoyenne face auxdites bestioles sur fond de politique foireuse, mise en parallèle avec l’innocence enfantine, et tu obtiens un cocktail tout à fait sympathique. J’aurais souhaité que cette ville soit plus vaste, qu’il y ait davantage de zones visitables, que la taverne du coin soit un peu plus vivante (… bien que son concept soit diablement original), que l’on puisse pleinement tout visiter sans restrictions, mais ce n’est pas vraiment le cas. Dommage, mais pas rédhibitoire pour autant.

Pour le reste, même si l’on parcoure cette ville pendant un bon moment comparé aux zones suivantes, les paysages sont relativement variés et, encore une fois, amènent une touche assez particulière à chaque grande phase du jeu, ainsi que l’ambiance qui va avec. Le grand cimetière est également sympathique (… son concept l’est tout autant), alternant entre paysage désolé et aride alentours, avec à l’intérieur un contraste via la modernité du complexe et de ses tombes (… mention spéciale à ce connard de Tantalum !). Je salue d’ailleurs l’intégration des commentaires des backers sur lesdites tombes, ce qui n’est pas intrusif et évite d’avoir à se les coltiner par erreur. En somme, on a au final un empilement de concepts pouvant être cohérents si on les met dans cet univers précisément, et j’estime que la direction artistique s’y accorde à merveille.

Ensuite, un peu plus tard dans le jeu, il y a un court passage dans un refuge caché, puis dans le Biophage, un ensemble organique faisant office de lieu de vie. Sans vouloir spoiler quoi que ce soit, il semblerait d’ailleurs que l’on y arrive par un orifice ressemblant comme deux gouttes d’eau à un trou du cul. Cela reste malgré tout pour moi la meilleure zone de ce jeu. Après, on retrouve également le Labyrinthe, représentant ton esprit, mais j’ai un peu moins accroché ; cette partie me semble clairement sous-exploitée, dans le sens où un esprit foisonne sans cesse d’idées, de réflexions, de souvenirs, etc… mais celui qui est représenté est d’un vide extrême. Quitte à aller dans le surréalisme, autant y aller jusqu’au bout. Si tu savais à quel point je me serais tellement vu me balader dans un tableau surréaliste à la place…

Cet aspect est par ailleurs renforcé par le décalage entre notre perception sous l’angle de la découverte, et la normalité que cela représente pour les PNJ. Donc, non, tu l’auras compris je ne suis pas vraiment d’accord avec toi sur le manque de cohérence. Par contre, oui, les PNJ semblent malgré tout comme « importés  » dans l’univers avec pour unique but de nous parler ; il n’ont pas vraiment d’agenda, et il n’y a d’ailleurs pas de cycle jour / nuit. Cela me donnait l’impression d’être dans une bulle hors du temps, la seule utilité du repos étant de récupérer les points des réserves et notre santé. Là encore, c’est dommage, car cela aurait pu être exploité. Je pense notamment à la grosse bestiole en cage avec un nom impossible sur le Parvis ; elle est constamment enragée, alors qu’il semblerait qu’il soit possible de communiquer avec la nuit, selon les dires de ceux qui l’ont capturé.

Marcheur : Surement une question de sensibilité personnelle alors. Comme je l’ai dit, je ne savais pas si c’était moi, mais désormais, je suis un peu plus éclairé sur la question. Par contre pour ce qui est de cette impression de se retrouver dans une bulle temporelle, je ne sais pas ce qu’il en est, vu que ce n’est pas spécifié par des personnages pourtant bien bavards. Mais effectivement, ce côté statique ainsi que ce chaos organisé / désorganisé donne effectivement l’impression d’être dans une enclave d’un monde plus vaste. C’est une impression aussi agréable que désagréable, probablement involontaire, mais tout de même pertinente dans un univers comme celui-ci.

Maintenant, je pense qu’on a assez tartiné sur une réalisation globale qui est assez inégale, tant sur le plan artistique que sur le plan technique. Je tiens tout de même à signaler des freezes qui ont simplement forcés le bon Marcheur à relancer la console ; pas jojo ça Inxile. Maintenant, on va aborder un thème qui me tient à cœur avant de parler de l’écriture : c’est le gameplay, ainsi que la gestion du rythme de celui-ci. Alors là, préparez-vous à du sang et de la tripaille parce que votre serviteur a été très frustré. Pour une fois, un studio a essayé de mettre en place un système de jeu social dans tout ce que cela sous-entend ; gestion des connaissances des personnages, intimidation, persuasion… Marcheur, il était content, au début. Parce que si cela représente un challenge de réussir tous ces jets de dés au début du titre. Néanmoins, très vite, l’arrivée de compagnons pouvant répondre à notre place avec leurs propres compétences déséquilibre la donne.

De plus, si au départ faire ces actions coûte des efforts avec une jauge dédiée que l’on peut augmenter en montant de niveau, et qu’il est difficile de les récupérer par la suite (… il faut se reposer, ce qui coûte de l’argent dans un monde où cela ne sert pas à grand chose), comme nous nous enrichissons sans efforts, se reposer devient une habitude, et l’économie d’efforts ne se fait plus. Mention spéciale à un personnage qui, si vous lui rendez service, vous laissera gratuitement dormir dans le dernier hub… Paye ton grosbill. On pourrait croire que le système à côté de ça est plus abouti, mais que nenni… Le système d’évolution ne s’accorde que peu avec la dimension très sociale du titre, et il vous sera fréquemment demandé de choisir une compétence martiale. Or, les combats sont affreusement mauvais.

Ils sont brouillons, basés sur des chances de toucher qui bug comme dans Wasteland 2 (… le 100% de chance ne signifie pas que vous allez toucher, où cela m’est arrivé à trois reprises après avoir dépensés des points d’efforts pour y parvenir, merci le jeu), tandis que la promesse de pouvoir tous les passer en usant de l’environnement et de vos compétences sociales est un simple gimmick ne s’appliquant que sur les combats majeurs du titre. Le reste sont des affrontements misant sur vos capacités martiales. Un conseil : évitez les affrontements comme la peste. On s’y emmerde, il n’y a aucun rythme, la personnalisation du personnage par l’équipement est d’une pauvreté ahurissante, et plus globalement : pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’on voudrait se battre dans Torment : Tides of Numenéra, alors que le jeu a tellement plus à offrir ? Je ne sais pas si Toupi est de cet avis, mais pour ma part, les combats ont besoin d’un sérieux rééquilibrage, et surtout, surtout, de proposer plus d’alternatives à la non violence dans bien des cas.

Toupilitou : Je n’irai pas jusqu’à dire que les combats sont mauvais, même si je suis d’accord sur le fait qu’il y a un soucis au niveau de l’équilibrage, et donc de la difficulté de manière plus globale. Néanmoins, tu dis que tu t’y emmerdes, mais cela ne m’étonne pas vraiment, et je vais résumer ça très simplement : le tour par tour te sort autant par les yeux que moi le die & retry. Tu n’as pas franchement d’affinités avec ce système puisque tu penches plutôt du côté du temps réel, alors qu’il s’agit pour moi d’une préférence. Maintenant, pour ton histoire de 100 % foiré, tu oublies de préciser que tu combattais contre des fragments d’affliction pendant un moment très particulier de l’histoire, alors qu’elles étaient entourées de l’aura de l’Affliction elle-même. Le chiffre t’as induit en erreur, mais du point de vue de la cohérence, ça ne me paraît pas déconnant pour autant. Malgré tout, je reconnais un certain manque de rythme par moment (… oui-oui, il peut très bien y avoir du rythme dans du tour par tour !). Quant aux alternatives à la non-violence, j’ai envie de dire que j’ai été servi.

Pour ma part, j’ai fait deux runs. Dans le premier, j’incarnais un salopard manipulateur qui faisait tout pour esquiver les combats afin d’arriver à ses fins, y compris en recourant au chantage, à la tromperie, et au mensonge. Dans mon deuxième run, j’incarnais une jeune femme impulsive autant limitée intellectuellement que puissante physiquement. J’ai ainsi pu constater la multitude d’alternatives bien souvent proposées au joueur. Pour reprendre mon exemple un peu plus haut, celui du quartier dévasté avec ses maisons qui s’effondrent et où se trame une révolte. J’ai dénombré par moins de cinq manières de résoudre ce conflit, en fonction de nos découvertes et de nos compétences. Et même si cet exemple ne reflète pas toute la multiplicité des solutions à travers le jeu, cela reste malgré tout bien souvent le cas. D’ailleurs, parmi ces cinq choix, cela sort de l’habituel manichéisme en couvrant un spectre plus large de nuances. Sur un ordre d’idées similaires, dans le même quartier, il y a également une quête avec une nana. Là encore, on est face à une multitude de choix, allant d’une résolution normale et raisonnable, à une incitation au suicide, en passant par une tentative de tromperie (… et plus si affinités), bien que toutes ces options ne soient pas forcément visibles au cours d’un même run.

Afin de représenter toute la palette des choix que l’on fait, il y a d’ailleurs le concept de Flux, qui est selon moi un concept relativement sous-exploité. En tant que reliquat du Dieu Changeant, nous allons être en mesure de manipuler des flux en fonction de nos choix et de notre personnalité. Il sera parfois possible de les exploiter pendant des discussions pour tenter d’infléchir les positions de notre interlocuteur, mais leur nature, représentée par leur couleur (bleu, indigo, or, argent, rouge, …), n’a a priori aucune incidence sur le gameplay. Si tu réagis de manière impulsive et passionnée, ton flux sera représenté par la couleur rouge, tandis que si tu agis de manière plus réfléchie, ton flux sera de couleur bleue. Mais, lorsque tu utilises ledit flux, sa couleur n’a strictement aucune importance. C’est bien dommage, car cela pourrait représenter des mécaniques très intéressantes en jeu. A défaut, cela sert d’indicateur au joueur pour avoir une tendance globale sur le comportement de son avatar. Useless ? J’ai bien l’impression que oui, ou alors j’ai loupé un (gros) truc.

Par contre, là où je ne te rejoins pas, c’est sur la notion de challenge. Vouloir jouer à Torment pour être face à un défi hors-norme, ou bien pour enfiler des combats comme des perles, c’est un peu comme vouloir jouer à Dark Souls pour ses énigmes. J’ai fait le même constat avec Tyranny finalement ; il ne faut pas jouer à Torment : Tides Of Numenéra en cherchant à optimiser quoi que ce soit, ou bien à vouloir réussir à tous les coups tous ses jets de dés. Il faut y jouer de manière intuitive et roleplay. Pourquoi ? Car l’échec dans un jet de compétences sociales n’est pas forcément synonyme d’impasse. L’échec amène parfois à d’autres solutions, d’autres possibilités qui n’étaient tout simplement pas disponibles avant cela. Effectivement, on peut faire en sorte de réussir l’intégralité des actions que l’on entreprend, mais cela n’amènera au bout du bout qu’à de la frustration, qu’à une impression de rouler sur tout. Je suis par contre d’accord avec toi sur le fait qu’ils auraient bien mieux pu réussir à cadrer cet aspect-là, notamment en excluant les compétences des compagnons pendant les dialogues. D’ailleurs, outre le fait de pouvoir jouer avec d’autres compagnons, j’estime que cela nuit même grandement à la rejouabilité. Mais je m’étale… Tu as peut-être autre chose à rajouter sur le gameplay ?

Marcheur : Ouais, notamment sur le fait que tu parles des alternatives nombreuses, mais tu cites des cas qui arrivent tôt dans le titre, et je trouve que cela s’appauvrit tout de même par la suite (… je ne vais pas te rappeler les deux infâmes et heureusement courtes zones qui suivent la première), et même pour le hub final c’est relativement pauvre. Mais oui, comme toi, je ne peux qu’encourager la rejouabilité, et je dirais même que c’est là le principal intérêt du jeu avec une écriture qui sait faire des merveilles, mais aussi faire du moins bon (… promis on en parle après). Pour ce qui est du « min-maxage  » ou autre connerie, ce n’est pas vraiment le sujet ; le fait est que l’on peut personnaliser son personnage et changer son équipement, mais il y a une telle pauvreté dans le choix de certaines catégories (… les vêtements ou l’armure du personnage) qu’on se questionne sur l’utilité de son emplacement. Pourquoi ne pas avoir priorisé le nombre d’armes et de cyphers, et de simplement mettre à la trappe les armures et autres ? Cela aurait eu une meilleure visibilité dans l’inventaire, et aurait évité cette étrange impression qu’il manque du contenu (… ah mais merde, c’est le cas, n’est-ce pas les trois compagnons en plus prévus à l’origine ?)

Pour ce qui est des flux, il y a un personnage dans le run complet qui m’y a fait référence. Un. Genre, même Technomancer et son système de factions assez superficiel a fait plus travaillé. Pour le coup, juste représenter graphiquement l’alignement du personnage est un gâchis complet. Cela aurait pu, pardon, dû influer sur les réponses possibles, le comportement des gens vis à vis du héros… Bref, on a encore beaucoup à apprendre d’un KOTOR 2 ou d’un Alpha Protocol sur ce point. D’ailleurs, les compagnons sont très difficiles à se mettre à dos ; ils m’adoraient tous sans que je pige pourquoi. Pourtant, ma préférée, c’était la boulet du groupe : Rhin, « Rhininou comment qu’elle est chou !  » … Houla, je viens vraiment d’écrire ça moi ?

Toupilitou : Aaah, la petite Rhin ! Je me rappelle l’avoir abandonné dans une ruelle sombre et malfamée… Touchante, en effet.

Marcheur : Bon, je pense que toutes personnes qui sont réellement intéressées par Torment : Tides of Numenéra l’ont soit déjà acheté, soit attendent que l’on parle de ça. Je pense qu’ils ont été patients et méritent qu’on leur donne une réponse. Alors, est-ce que ce titre est digne de son prédécesseur Planescape en termes de qualité d’écriture et de propos ? Bien sûr que non. Est-ce que le jeu est parfait dans son script ? Bien sûr que non. Est-ce qu’il s’agit d’une déception ? Bien sûr que non. Malheureusement, lorsqu’on fait le courageux choix de prendre la relève d’un Chris Avellone, qui écrit avec un talent immense, et qui arrive très aisément à mêler réflexions philosophiques, enjeux intéressants, rythme efficace, et personnages presque palpables tant ils donnent l’impression d’être en vie, on est un moment confronté à la comparaison. Mais pour autant, je ne me permettrais pas de rabaisser Torment : Tides of Numenéra à une tentative de singer l’écriture d’Avellone, ou encore pire, une copie éhontée de Planescape, parce que le fait est que Colin McComb, écrivain du scénario sous les conseils d’Avellone ainsi qu’Inxile, a pris soin de drastiquement différencier les deux œuvres.

Ainsi, j’ai le droit de le dire, parce que j’ai fini Torment : Tides of Numenéra : c’est la meilleure histoire que j’ai lu (… parce que vous allez vous bouffer du pavé de trente kilomètres) depuis… oh, bah, vu qu’on est dans un moment de pure sincérité, disons Fallout : New Vegas ? Non pas que je mette ce Torment au dessus du Fallout d’Obsidian, mais tout de même, ça fait plaisir de pouvoir se dire que, moi, grand défenseur de la narration environnementale et des histoires contées sans paroles, j’ai trouvé Torment : Tides of Numenéra beaucoup plus convaincant que tous les RPG sortis depuis maintenant presque sept ans, Witcher 3 et Game Of Thrones compris.

Mais ça, c’est mon ressenti après avoir terminé le titre, car il ne faut surtout pas s’arrêter à Sagus, certainement pas aux deux zones suivantes où on peut lire ce genre de catachrèses : « Elle vous regarde avec des yeux de la couleur des mers autour de Sagus  » , ou lire ce genre d’obscure traduction de merde de termes propres à un univers avec « Murmuverrou  » . C’est sûr que si vous vous arrêtez là (… ce qui représente une belle grosse moitié du jeu au terme de la troisième zone), vous aurez à peine posé les enjeux, effleuré l’univers, et surtout, à peine appris à connaître vos compagnons, ces derniers ne délivrant leur plein potentiel que dans la dernière partie, même s’ils restent sous-exploités. Maintenant, je renvoie la balle à Toupilitou. Alors, la loutre, t’en as pensé quoi de l’écriture ?

Toupilitou : Globalement, j’ai apprécié l’écriture, et oui, il faut aimer lire pour jouer à ce jouer à ce jeu, sinon, fuyez en courant ! Alors, certes, je ne peux m’empêcher de noter que l’on démarre encore une fois la partie avec un personnage amnésique ; la corde est usée, mais soit, prenons-la. Et comme tu l’as souligné, il y a parfois des formulations dans les parties descriptives qui peuvent laisser à désirer ; que ce soit un problème de traduction ou d’écriture, cela fait tâche, mais ce n’est pas comme si le jeu en était truffé dans tous les sens.  Néanmoins, je ne peux non plus m’empêcher de souligner que ce Torment est basé sur l’univers du JDR Numenéra, tandis que le Torment de 1999 l’est sur celui de Planescape. Suite spirituelle veut dire « inspiré de  » sur la forme, mais pas sur le fond (… bien qu’il y ait malgré tout des similitudes, ainsi que des easter eggs du genre de celui d’Adhan). Le point commun serait avant tout sur l’utilisation de certains concepts (… par exemple, les portes de Sigil VS les gueules du Biophage), ainsi qu’avec un soupçon d’étrangeté, de saleté, et parfois d’une couche un peu glauque.

Pour resituer dans le contexte, il s’agit donc d’un univers se déroulant plusieurs millions d’années par rapport à aujourd’hui, sur ce qui est appelé le Neuvième Monde (… les huit autres mondes faisant référence à des ères successives). La Terre est retournée à un stade quasi-antique où règne un sentiment de fin du monde, et où des artefacts du passé refont surface de temps à autre. Pour autant, certains peuples sont toujours dotés de technologies avancées. Ici, on incarne ce qu’on appelle un reliquat du Dieu Changeant, qui est en quelque sorte le réceptacle temporaire de l’esprit d’un homme (… le fameux Dieu Changeant). A son départ, tous ceux qui ont hébergé cette conscience deviennent alors immortels et sensibles aux Flux. Et évidemment, au bout de quelques siècles, notre paternel a semé quelques centaines de ces reliquats, ces derniers se foutant joyeusement sur la tronche dans ce qui est appelé « la guerre sans fin  » . Le seul lien, vis-à-vis de celui que beaucoup appellent dans le jeu notre géniteur, est matérialisé par des souvenirs qui affleureront parfois à la surface, sans réellement déterminer s’il s’agissait d’un souvenir vécu par notre propre enveloppe corporelle, ou celui d’une mémoire antérieure d’un autre corps (… via la compétence d’Anamèse). J’étais régulièrement happé par ces souvenirs, éclairant bien souvent d’un jour nouveau une situation auparavant inextricable.

Marcheur: Globalement intéressants, les souvenirs peuvent parfois être franchement lourdingues, ce qui pose problème pour les personnes comme moi qui, bien souvent, aimeraient que le jeu revienne dans le concret. Bien souvent, on a cette impression qu’un personnage raconte sa vie au milieu d’une conversation importante, ou qu’un souvenir prenne en compte un micro détail pour te couper dans le flot de l’histoire. Enfin, le flashback, toussa…

Que ce soit le personnage du Dieu Changeant, les reliquats et leur guerre sans fin, le concept d’immortalité via la possession d’enveloppes corporelles, les réflexions autour de la valeur d’une vie (… et pour cela, certains compagnons sont définitivement mieux conçus que d’autres, Erritis en tête), l’impression que l’humanité et ses dérivés (les mutants, les abhumains, les IA, etc…) ne sont en réalité que des parasites lorsqu’ils se retrouvent à l’intérieur de l’organisme biologique géant qu’est le Biophage… Autant de ressentis que j’ai trouvé excellent, et c’est en majeure partie grâce à la qualité d’écriture, qui, je te l’accorde, peut sembler inégale par moments. Toutefois, je me suis rarement retrouvé avec le sentiment de devoir me taper des kilomètres insipides de lecture, et le tout s’est enchaîné de manière assez fluide. Pour faire une comparaison qui apportera peut-être davantage de clarté, je n’ai pas eu cette impression de « forcing  » que j’ai trouvé omniprésente dans Pillars Of Eternity.

Par ailleurs, je sais pertinemment que tu exècres toutes les parties descriptives, mais tu avoueras qu’elles sont néanmoins fortement nécessaires, notamment pour la compréhension d’un monde complexe et de ses particularités. De plus, avec le choix d’une vue isométrique, il y a peu d’autres moyens de faire comprendre au joueur les mimiques que peut faire un PNJ, ou bien encore les détails d’un objet que l’on manipule. Il y a évidemment dans ces parties un style globalement neutre, mais également parfois inutilement pompeux comme tu l’as souligné. Pour le reste, elles sont présentes en surabondance dans la ville de Sagus, devenant ainsi une béquille pour le joueur dans la compréhension d’un univers qui lui est grandement étranger. Par contre, tu remarqueras que la partie du jeu se déroulant dans le Biophage en a nettement moins, cette section se contentant essentiellement de dialogues, amenant au passage un peu plus de dynamisme à l’ensemble. Une évolution du rythme qui est d’ailleurs accompagnée d’une augmentation de la fréquence de possibilités de combats. J’admets que ce changement, bien qu’il soit bienvenu, peut sembler intervenir légèrement à la bourre.

Marcheur : En effet le changement de rythme, ainsi fait, pose un certain problème, parce qu’on a littéralement l’impression que le jeu démarre passée les vingt premières heures. Une désagréable sensation qui s’accompagne d’un assez fantastique constat : le jeu fait en moins de dix heures bien plus qu’un autre ne l’aurait fait en une quarantaine, grâce à de la lecture cette fois beaucoup plus condensée (… les descriptifs, je ne les haïs pas tous ; le fait est qu’ils sont souvent extrêmement bourratifs, pas toujours nécessaires à la compréhension de l’univers, ils auraient davantage leur place dans un codex), avec des dialogues qui s’envolent enfin, et des personnages qui gagnent en intérêt… mais on aurait clairement voulu un dernier chapitre pour qu’ils libèrent leur plein potentiel.

Ce qui est dommage avec ce Torment, c’est que son introduction est inutilement lourde, avec des figures de style qui alourdissent brutalement la narration. Puis, Sagus ouvre ses portes, et on découvre pêle-mêle des personnages intéressants avec des répliques franchement bien écrites côtoyant des descriptifs parfois affreusement lourds mais qui peuvent aussi briller. On a aussi droit à pas mal de quêtes intéressantes, bourrées d’alternatives bien qu’elles soient malheureusement assez vite expédiées (… vu la richesse des possibilités, cela ressemble à une concession ; court mais rejouable à mort), et une ambiance soignée. Le point fort de cette zone, c’est ce fourmillement d’interactions, de gens, de quêtes, de dialogues, de descriptions, de choix. C’est rare d’avoir un hub aussi riche, et malheureusement, cette richesse cède à la pauvreté pour les deux zones suivantes, avant de retrouver une certaine richesse dans son final.

Il y a pour moi un vrai soucis d’homogénéité, de contenu, et de rythme ; le titre aurait sans doute profité plus que largement d’un rééquilibrage de son contenu, avec une durée de vie faisant plus le parti sur autre chose que le texte. Il y a largement assez de textes actuellement pour faire en sorte que le jeu dure cinquante heures. Il manque juste plus d’énigmes, plus de crises davantage intéressantes à gérer, plus d’exploration… On peut d’ailleurs relever le faible nombre d’environnements, ce qui pose un certain problème lorsqu’on a cette impression de passer sa vie dans les mêmes zones. Mais il ne faut pas non plus que je minimise les qualités du titre et ce que j’en pense.

J’ai rarement autant lu d’un bloc dans ma vie, et rarement autant pris plaisir dans certaines séquences, avec de vrais morceaux de contenu superbement écrits et bien mis en scène. Mention spéciale à toutes les thématiques que traitent le jeu, l’identité, l’héritage, l’affiliation, la guerre, le remord, la mélancolie, la relativité du temps, l’amour. Enfin bref… tellement de thématiques qui ne sont pas qu’effleurées, et qui sont réellement considérées comme une mécanique du récit. Torment passe vraiment à peu de l’excellence dans son écriture. On sent un très grand potentiel dans la plume de McComb, mais il a alourdi son style qui, une fois libéré de ses lourdeurs, est vraiment à un niveau très différent, dans le bon sens du terme, des autres écrivains.

Cela sent un peu la conclusion pour ma part, d’ailleurs je pense que je n’ai plus grand chose à dire. Mais putain, Inxile, revoyez la copie ; y a pas tant à faire. Réparer la technique sur console, corriger le peu de fautes dans les textes, les oublis ou autres, et surtout, mettez les trois autres compagnons. Faites pas cette impasse ! Je serais d’ailleurs content que le jeu connaisse un add-on pour étendre son propos, rééquilibrer ses possibilités, et pourquoi pas, amorcer une suite largement sous-entendue par un final qui peut s’avérer vraiment habile et audacieux. Donc, recommandation ? Si vous aimez lire et qu’un vrai RPG bien écrit ça vous manque, vous pouvez foncer. Si vous êtes un fanatique de Planescape Torment, foncez aussi.

Mais si tous les défauts cités vous rebute, sachez qu’il est parfois vraiment douloureux de passer au-dessus malgré les qualités, et je ne saurais trop conseiller à la majorité d’attendre quelques mises à jour, voire une Director’s Cut pour les plus sages. Et pour les joueurs consoles, vous n’êtes pas forcés de faire l’impasse, mais il faut vraiment en vouloir et ne pas être trop gêné par les défauts techniques ; ça fait beaucoup de conditions, mais selon moi, les grandes qualités de ce Torment : Tides Of Numenéra en font un jeu qui a des couilles et qui les portent jusqu’à son final. On peut parler de coup de cœur, et ça n’a vraiment rien à voir avec un Pillars Of Eternity.

Mon plus gros reproche finalement, c’est ce constant jeu de contradiction qui se fait au fur et à mesure du jeu, on aimerait souvent que le prenne son envol et lâche tous ses gimmicks pour enfin proposer ce qu’il sait faire le mieux. C’est surement pour cela que ma participation à cet article est si partagée, je n’ai jamais vraiment su si j’ai haï ou aimé le titre, mais je pense finalement que cela penche du côté de l’amour, juste pour la réussite globale dans l’écriture, c’est surement tout ce qu’on était en droit de lui demander.

Toupilitou : Au contraire, il y aurait encore beaucoup à en dire, notamment sur l’intérêt des Crises qui, bien que peu nombreuses, ne sont pas forcément synonymes de combats ; il s’agit bien de phases au tour par tour, mais dont l’objectif peut être bien différent d’un affrontement. Pour cela, je citerai la Crise se déroulant dans la station spatiale, qui est tout aussi surprenante qu’intéressante. Il y aurait également encore beaucoup à dire sur le fond, car la majeure partie des thématiques sont loin d’être survolées, tandis que l’implication du joueur est sans cesse renforcée au fur et à mesure de l’avancement dans le jeu. Mais en parler davantage signifierait surtout de rentrer dans le spoiler pur et dur, ce qui ne serait pas sympathique étant donné que le jeu vient tout juste de sortir.

 

Finalement, même si on observe effectivement quelques points de désaccords entre nous, les points de convergence ne sont pas absents pour autant. L’écriture est en effet de très bonne facture, ce qui n’est clairement pas négligeable dans un cRPG verbeux, tandis que les idées et concepts abordés chatouillent sans cesse les neurones des joueurs. Néanmoins, malgré une forte rejouabilité, on sent ici que Torment : Tides Of Numenéra n’a pas véritablement délivré son plein potentiel, en particulier dans ses mécaniques de gameplay, mais également dans l’équilibrage de sa difficulté. En clair, il y a du bon, du très bon, et du mauvais dans ce jeu ; rien qu’un patch ne saurait corriger, et qu’un DLC ne saurait magnifier. Le chapitre n’est donc pas clos, et nous aurons fort probablement l’occasion d’en reparler plus tard ! Quoi qu’il en soit, cher lecteur, quelle impression t’as laissé ce jeu ?

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A propos de l'auteur : Toupilitou

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2 Commentaires sur “Otter’s Dial #3 – Torment : Tides Of Numenéra”

  1. fnX dit :

    Hé ben ! Ca c’est du pavé ! Mais comme en gros y’a 2 test et 2 points de vue différent c’est compréhensible ^^

    Très intéressant en tout cas, vous mettez en pratique une réflexion que je me suis souvent fait, càd que les test sont souvent … pas très objectifs dans le sens ou on a tous des feeling et des attentes différentes, et qu’un test d’un jeu sera fait en fonction des affinités personnelles. Qui changent pour à peu près chacun d’entre nous laugh

    Du coup c’est cool d’avoir les 2 points de vue comme ca, ca permet vraiment de se faire une meilleure idée et de s’identifier un peu à celui qui porte attention aux même points que nous, lecteurs. Voir même de retrouver nos envie en mix dans chacun de vos points de vue ^^

    Du coup ca confirme que j’ai meilleur temps d’au moins commencer par planescape torment avant d’essayer celui-ci ^^

  2. Marcheur dit :

    Content que la formule te plaise ^^ Ce qui est marrant c’est que d’habitude quand on prend ce genre de format, y a une attaque et une défense, dans le cas présent on a tous les deux aimés mais pas forcément de la même manière :p
    La critique objective c’est un fantasme qui est né de cette vision quasiment « scientifique » que l’on a mise autour du concept des « tests » et « critiques » face à un produit à peu près tous les avis sont bons quand ils sont argumentés… sauf quand ils s’opposent au mien.
    Je dirais même plus, faire Planescape Torment avant Tides of Numenera permet d’autant plus apprécier ce dernier, c’est deux jeux fondamentalement différent mais ils sont si proches (McComb rend vraiment hommage à Planescape) que les faire à la suite pourrait être une expérience des plus étranges et intéressantes :p


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