Le foutoir de Steam

Valve - Steam

La plateforme Steam de Valve est hégémonique. Je n’apprend rien à personne en balançant cette affirmation. En France il y a quelques années, pour le marché PC, les développeurs et éditeurs avaient pour interlocuteur principal la FNAC. Dorénavant, c’est la plateforme à vapeur. Côté joueurs, les habitudes de consommation ont énormément changé. Tout ceci a profondément bouleversé l’industrie du jeu vidéo, et c’est ce que nous allons survoler ensemble. C’est parti !

 

Pour que l’on puisse se rendre compte très simplement de l’importance qu’a pris cette plateforme, considérons simplement que le nombre d’utilisateurs Steam est plus grand que celui de la PS3 et PS4 réunis, tout comme il doit probablement être plus grand que celui de toutes les itérations de la Xbox. C’est énorme et c’est véritablement représentatif d’une inversion de tendance ; alors qu’il y a une décennie, le marché PC était considéré comme petit au regard de celui des consoles, incontrôlable du fait de l’occasion et du piratage, Valve a spectaculairement fait faire un backflip à toute l’industrie.

Et ce de manière mondiale ! Alors que de nombreuses entreprises évitaient comme la peste le marché Russe, la plateforme y est fortement implantée. Cela est certainement dû à leur modèle économique qui fait sens au niveau local. Et même s’il reste des pays où cette firme n’est pas encore bien implantée, tels que bon nombre de pays asiatiques, cela ne saurait probablement pas tarder.

Créée dans un premier temps en 2003 afin de distribuer ses propres jeux avec un verrou d’activation, Valve a élargi sa base à d’autres studios, petit à petit, en rajoutant une surcouche logicielle marchande et communautaire. Pourtant, d’autres firmes s’y sont essayés, mais sans arriver à se démocratiser ; Ubisoft avec Uplay, ou EA avec Origin, n’ont finalement réussi qu’à s’attirer les foudres des joueurs. Une fois considéré comme un référent, l’ouverture de la plateforme s’est opérée auprès des indépendants, avec leur système Greenlight, mais aussi avec l’ouverture au monde iOS et Linux. Et dernièrement, Valve souhaite titiller les géant que sont Sony, Microsoft et Nintendo sur leur terrain, à savoir, la place dans le salon, pile poil sous la TV.

Là où les consoliers se démarquent, c’est qu’ils contrôlent avec un très gros degré d’exigence tous les jeux vendus sur leurs supports ; peu de chances que vous voyiez arriver sur PS4 ou Xbox One un jeu conçu avec RPG Maker ! Et c’est un peu là que je voulais en arriver, car après que votre humble serviteur eut épluché les 6000 et quelques jeux du catalogue, le nombre de sorties mensuelles de jeux vidéo a triplé ces derniers mois, pour atteindre le chiffre record de 300 ! (cf. tableau ci-dessous)


Évolution des sorties de jeux sur Steam (hors DLC, logiciels et vidéos)

Valve part en effet du principe que si un studio sort un jeu pété de bugs, ou bien qu’il soit tout simplement inintéressant, eh bien c’est le problème des développeurs. Pas le leur. A partir de là, le catalogue Steam est progressivement devenu un foutoir ingérable. D’ailleurs, en essayant de me mettre à la place des développeurs indépendants, je n’arrive tout simplement pas à concevoir comment il est possible de disposer d’une visibilité suffisante pour rendre son jeu viable sur cette plateforme. Même s’il serait tentant de dire que l’explosion du chiffre des jeux disponibles ne serait due qu’à la multiplication des indépendants et des amateurs, cela est également dû à tout l’industrie du jeu vidéo, où les vieux jeux consoles retrouvent une deuxième jeunesse après un portage plus ou moins foireux vers le monde PC.

Soit dit en passant, les développeurs de jeux sur smartphones et tablettes sont en train d’emprunter le même chemin, afin de profiter du même effet d’aubaine, et je ne vous cache pas que je tremblerai d’effroi lorsque Steam me recommandera Candy Crush Saga sur ma page d’accueil. Par ailleurs, il est  clair que tous les éditeurs, quels qu’ils soient, doivent raffoler des soldes Steam autant que les joueurs, afin de pouvoir boucler leur année fiscale en fonction de leurs prévisions.

Un autre chiffre pourrait être relativement inquiétant : plus d’un tiers des jeux présents dans chaque bibliothèque de joueur n’est pas lancé. Cela peut s’expliquer par le fait que le jeu en question était compris dans un package, ou bien donné par Steam pour x ou y occasion. Cela peut également s’expliquer avec les vagues régulières de soldes, où des jeux sont vendus pour trois fois rien, accumulés avidement par des joueurs, comme s’ils avaient peur de manquer. Je serais bien en peine de critiquer ce comportement, puisque, au grand dam de ma banquière  j’agis à peu près comme cela afin de vous proposer un contenu diversifié sur Loutrage. Mais il est clair que je ne vous apprend rien en disant qu’il est devenu courant auprès de nombreux joueurs d’attendre justement cette période de soldes pour acquérir des jeux en masse, délaissant les autres périodes de l’année.

Sans partir sur des prévisions hasardeuses de comptoir vis-à-vis du futur de l’industrie du jeu vidéo, il est clair que Valve est devenu un mastodonte incontournable du secteur, et que tous les acteurs devront composer avec ; il n’y a qu’à voir tout le vent qui est brassé à chaque mise à jour de la politique de Steam. Quoi qu’il en soit, la plateforme à vapeur, à force de vouloir toujours tout et trop proposer – jusqu’à la vente de films en streaming, finira à mon avis par perdre globalement en crédibilité du fait d’un certain manque de visibilité pour les développeurs et éditeurs, et du fait d’un manque de clarté pour les utilisateurs finaux, à savoir nous, les joueurs.

 

Car dans le fond, si Valve est devenu ce qu’il est aujourd’hui, c’est en majeure partie à cause de nos habitudes de consommation. En tant qu’acteur de cette industrie, nous disposons donc d’autant de poids pour influencer Valve, qu’il n’en dispose pour transformer ce marché. Malgré tout, sans prise de conscience et d’action collective, nous ne saurons être que des spectateurs de ces évolutions, qu’elles soient positives ou négatives.

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A propos de l'auteur : Toupilitou

Loutre hyperactive et webmaster de https://loutrage.fr

8 Commentaires sur “Le foutoir de Steam”

  1. abouni dit :

    c’est exactement ça Toupi.progressivement, on assiste à ce que certain appelle l’Indiepocalypse.
    Steam n’est plus une vitrine ou s’expose n’importe quel indie pour lui donner plus de visibilité, mais un énorme supermarché, celui de l’abondance de titres indie.Du coup, on obtient l’effet inverse.C’est toute la perversité du portail.Pour contrer cet indésirable conséquence, Valve a certes mis en place différent outil, comme les Curators, qui permettent de catégoriser tout un tas de titres en fonction des communautés susceptible d’être intéressées, mais je doute que l’effet obtenu atteigne les objectifs désirés, d’une parce que les consommateurs ont leurs petites habitude à la vie dure (je ne consulte moi même jamais ces listes curator, et je doute être le seul), et de deux parce que ces petites choses la pullulent comme pas possible, du coup, on retrouve encore cet effet indie-sirable : passage de la lumière à l’obscurité.

    Steam-spy Guy vient de sortir une chouette analyse de la shituation des indés sur Steam : « On indiepocalypse, what is really killing indie games »

    https://medium.com/steam-spy/on-indiepocalypse-what-is-really-killing-indie-games-3da3c3a1ea76

  2. Toupilitou dit :

    Intéressant l’article Abouni ! 🙂

    Et je te rejoins sur le système de curateur de Steam ; alors que c’était l’inverse au moment de son lancement, cela n’est quasiment plus utilisé par les joueurs. Là encore, pour une raison toute simple : il y a beaucoup trop de curateurs, et la lisibilité en pâtit grandement, ce qui a eu pour conséquence un désintéressement progressif des gamers.

  3. redd dit :

    Moi j’aime bien les hypermarchés ! Je compte par contre sur les autres sites pour me donner un avis de la came à acheter, et celle à refuser. Pour l’instant ça fonctionne bien !

    Le seul truc qui me fait peur ,c’est pas tant qu’ils me proposent un jour Candy Crush (rien ne m’oblige à l’acheter, on est pas des moutons, merde ! ^^), c’est plutôt le SAV. Je crains le fait qu’un jour , certains jeux soient retirés du catalogue et me soient inaccessibles. Je crains cette dépendance à une plateforme qui un jour se fichera totalement du fait que je leur ai acheté une tonne de jeux.

    Mais bon, pour autant, j’ai plus confiance au dématérialisé qu’au support physique. Après tout, j’ai l’air malin avec mes boites de jeux en carton contenant mes 20 disquettes 3 »1/4. Et mon dvd the witcher acheté en 2007 est rayé. Au final, je dois les racheter en dématérialisé si je veux y jouer., donc merci le démat.

    • abouni dit :

      Redd, pour ton DVD rayé, tu sais qu’avec le code barre, tu peux récup ton titre gratuitement sur GoG?Bon okay, ça ne marche que pour The Witcher, donc, l’exemple ne vaut pas argument, mais merde, le physique bordel, le vrai, le pur, le dur faut pas qu’il foute le camp.Pas celui d’un dvd steam key, mais le vrai DRM free.C’est tellement rare de nos jour, que je salue toute la sphère résistante (Pillars of Eternity backer boxed edition, yeah I say!), même si ici il se fait massacrer

  4. Toupilitou dit :

    @Abou : Si tu savais le nombre de jeux que j’avais en CD / DVD et qu’au final je n’ai plus parce que je n’en prend pas super soin. C’est de ma faute, c’est sûr, mais que je veux -tu ; je ne suis qu’une loutre 🙂

    @Redd : Même si des jeux sont retirés du catalogue, ils restent disponibles pour ceux qui les ont achetés. Je pense par exemple à Fable 3. Il n’est plus disponible sur Steam, mais ceux qui l’on acheté peuvent toujours le télécharger (j’ai profité du partage familial avec un pote pour y jouer du coup… hehe)

    D’ailleurs, vous en pensez quoi de ce fameux partage familial sur Steam ?

    • abouni dit :

      il n’empêche que je ne me ferais jamais à cette impression de ne pas vraiment posséder quelque chose d’immatériel, si ce n’est un simple code.Du coup, je ne me sens plus propriétaire d’un produit que j’ai acheté, mais simple utilisateur, et ça, ça me dérange énormément.Alors que j’ai le choix, je prends en format tout dur.Et pour une boite, même si son contenu est perdu, cassé, inexpoitable, il reste au moins le plaisir des yeux, du visuel.Va essayer de regarder un emballage immatériel, c’est surnaturel (c’est aussi une des raisons qui me freine à vraiment rentrer dans le système GoG, une étagère en pixel, c’est encore trop peu sensoriel).C’est une des raisons qui m’a poussé à me faire plaisir sur un truc que j’attends depuis long longtime (tu auras compris de quoi je parle) et dont je pourrais j’espère pleinement profiter dans quelques jours, et pour une duré indie-terminé

      Après pour le coté partage familial, je n’ai jamais essayé cette chose, donc, je ne pourrais pas en parler

    • Toupilitou dit :

      Figures-toi que, autant je me fous comme de ma première chemise de posséder la version physique d’un jeu, autant je me fais les mêmes réflexions que toi avec les liseuses ; je n’arrive pas à lire là-dessus !

      En tout cas, le tout -démat’, c’est bien pratique pendant les déménagements, parce que là, je suis grave en train de douiller avec les bouquins justement… hehe

  5. Ninheve dit :

    On peut critiquer steam pour ce qu’il est devenu, mais pour moi, ça a sauvé le marché des jeux pc. J’ai pesté comme pas possible lorsque en achetant un jeu en dvd il m’a été demandé dinstaller steam…puis finalement j’ai réalisé qu’au moins j’y trouvais mes jeux . ensuite gog est arrivé 🙂
    bref, j’aime avoir mes dvd et blueray mais il fut une periode de transition où la version physique d’un jeu devenait pratiquement impossible à trouver en magasin…

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