Final Fantasy XV

Final Fantasy XV

Mesures exceptionnelles à jeu exceptionnel ? La question peut se poser en amont. Final Fantasy XV est un jeu développé et édité par Square Enix, qui aurait peut-être dû rester mort. Du moins, c’est un peu particulier et compliqué. Comme pour Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, nous avons ici affaire à un monstre bicéphale. La première partie du jeu n’a absolument rien à voir avec la seconde. Et quand je dis, rien à voir, c’est que cette fois c’est vraiment deux jeux différents. Appelons la première Final Fantasy XV, jeu de 2016 dont les ambitions clairement affichées sont d’être un open world japonais essayant une formule intéressante. La seconde, Final Fantasy versus XIII, jeu d’on ne sait quand, un titre qui joue sa chaotique partition en essayant de donner des émotions aux joueurs. Commençons par ce qui va comme on dit, pour une fois.

 

Cet article étant assez long, les deux parties qui le composent ont été regroupées dans différents onglets disponibles ci-après, à l’intérieur desquels vous pourrez naviguer : Final Fantasy XV – Final Fantasy Versus XIII

 

Final Fantasy XVFinal Fantasy Versus XIII

 

Final Fantasy XV

Qu’on se mette bien d’accord : j’ai cité The Phantom Pain, OK. Mais le jeu de Square Enix n’a absolument rien à voir avec le jeu de Kojima Productions. Là où le titre édité par Konami était un projet brillant voulant aller trop loin, celui de la firme Square Enix est un projet loin d’être excellent qui se dirigeait nulle part. Sauf dans sa première partie, la bien nommée Final Fantasy XV. La construction de cette critique n’est pas un moyen d’étayer la sauce ou quoi que ce soit, c’est juste la seule solution que j’ai trouvé pour parler le plus clairement du jeu auquel nous faisons face.

Maintenant, démarrons. Je commencerai par ce qui m’a le plus convaincu : le côté buddy movie du jeu, tout à fait perturbant dans un premier temps parce que « Salut je m’appelle Prompto et je suis photographe  » Maxine ?  » Je porte une tenue intégralement noire en simili-cuir  » Oh non ! « Et j’escorte le prince Noctis qui a un physique d’androgyne  » Oh la la mais non ! « Qui doit aller se marier avec une princesse, et pour se faire, je suis accompagné d’un guerrier qui porte une veste ouverte sur son torse nu musclé, et un autre gars sapé comme un majordome qui fait trop bien la cuisine  » NON ! Non ! On arrête tout. Pourquoi ? Pourquoi y a un boys band avec le blondinet qui cherche à se faire remarquer chaque seconde, le prince qui a l’air trop D4rk mais qui en vrai « Bah tu vois, en fait, euh… je m’en bas les couilles frère  » , le guerrier qui a l’air de faire la bise à son corps musclé tous les quarts d’heure, et enfin le mec sérieux qui joue la maman pour le reste du groupe ?

Bah vous savez quoi, on ne sait trop par quel hasard ni par quelle magie, mais on fini par s’y faire et par s’attacher à ces personnages. Ce n’est certainement pas grâce à l’écriture globalement médiocre, voire infecte (attendez qu’on parle des quêtes secondaires…), qui a cela dit quelques pics de justesse pour remonter un niveau bien bas. Alors, comment est-ce que ça marche ? Les animations. Chaque instant est intimement lié à la relation qu’entretiennent les personnages entre eux ; quand on se pose pour camper (… ce qui amène à choisir le repas qui donnera des bonus au groupe, mais aussi à admirer les photos prises dans la journée par Prompto, et également à engranger l’expérience acquise dans la journée), on les voit silencieusement discuter, se marrer, se frapper du poing comme des potes. Alors, au début c’est vraiment bizarre, ce boys band « entre couilles  » sapé comme des amateurs de SM sous prétexte que « Euh bah c’est l’uniforme officiel de l’armée tu vois  » . Toutefois, leurs micro-interactions lorsqu’ils se baladent et se parlent tout en jouant des mains, le fait qu’ils se relèvent en combat en cas de difficulté ou se check quand ils réussissent un coup d’éclat, et finalement s’envoient des vannes même en plein danger… Même en appréciant aucun personnage du lot (… même pas Noctis, putain !) on fini par s’attacher au groupe.

C’est vraiment le groupe qui est mis en avant chaque fois. Il faut dire que, du long, ils ne sont que rarement séparés, et quand c’est le cas, c’est pour donner lieu à des séquences… meh, on y reviendra. C’est bien là le seul élément qui peut vraiment faire accrocher au récit, parce qu’à côté de ça, Final Fantasy XV n’est jamais crédible. Entre les personnages importants survolés qui ne font qu’une ou deux apparitions dans le récit, alors que parfois ils sont le ressort principal de l’intrigue (… le général de l’armée ennemie, la promise du héros, l’empereur de la faction adverse, le protecteur du roi Régis… ont environ une minute d’apparition sur tout le jeu, quand même). La première partie du jeu ne se soucie en fait presque jamais de la trame principale « Oh les gars, on est poursuivi par un empire qui nous en veut à mort, et on est sur son territoire, mais PUTAIN, NOCTIS, Y A DES POISSONS DANS CE LAC ! PÊCHES-LES ! PÊCHES-LES !!!  » . Rien n’a de foutu sens ; tous les citoyens savent que vous êtes le prince Noctis poursuivi par l’empire, vous vous attendez à quoi comme réaction de leur part ? Soutien de leur prince ? Collaboration ? « Eh Noctis, tu pourrais pas aller me chopper une livre de haricots ? Ou une grenouille ? Tu voudrais pas vider cette zone des insectes qui font trois mètres et te mettront en danger de mort ? Tu voudrais pas aller me chercher cette pièce de moteur à l’autre bout du continent pour améliorer ta voiture ? Ah et tu devras payer pour l’amélioration faut pas déconner, c’est pas comme si tu étais un prince hein ? HEIN ?  » .

Partant de là, on fini par jeter la cohérence en l’air, on lui tire dessus avec un lance missile. C’est bon quoi, putain, laissez-moi me balader avec mes potes, on va mater des meufs, faire deux-trois actions pour faire chier l’empire, de temps en temps progresser un peu dans un récit qui tient pas debout, et surtout rendre service à n’importe qui le demandant… surtout ce chat, fin gourmet, qui refuse de manger un poisson si celui-ci n’est pas préalablement préparé. Je veux dire : c’est ça Final Fantasy XV. C’est l’anti Final Fantasy XIII. La cohérence de l’univers ? Rien à foutre. Monde ouvert avec activités annexes partout, tout le temps, jamais travaillées. Même les donjons qu’on m’a vendu comme des tueries, eh bien, en fait… c’est des couloirs moches copier-coller pour faire vaguement un donjon, avec à la fin un boss craqué dans une arène minuscule où la caméra fait nawak.

Maintenant qu’on a abordé le sujet, l’est comment le monde ouvert ? Disons qu’il s’agit de quatre régions (… dont deux que vous avez déjà exploré dans la démo  Episode from Duscae, ainsi qu’une autre dans la démo Judgment Disc, ce qui fait donc que vous connaissez déjà environ 40% de la map en ce cas), connectées par des grands couloirs, avec des bouts de décors clairement modélisés qu’on ne peut pas explorer, parce que… mur invisible ! Tu aimes les murs invisibles ? Bah Square Enix, si. Partout du mur invisible. Un rocher à côté d’une route clairement atteignable ? Mur invisible ! Tu es sur une route suspendue et veux rejoindre le sol le plus rapidement possible, même si ça fera mal à ton personnage ? Mur invisible ! Tout le temps. Partout. C’est insupportable. Vous comprenez quoi dans le concept « monde ouvert  » ? Même Gran Pulse de Final Fantasy XIII était plus ouverte que ça. Le jeu propose finalement une grande étendue explorable, qui n’a pas grand chose d’un monde ouvert parce qu’il y a peu de vie dedans. Heureusement qu’on peut compter sur un bestiaire se déplaçant un minimum, parce que dans les deux seules villes du jeu (… deux villes, dont une où il n’y a rien à faire), les personnages sont statiques, et seuls les dealers de quêtes ont quelque chose à dire. On en est là.

Alors, est-ce qu’on prend plaisir à arpenter ce « monde ouvert  » ? Cela dépend comment ; si vous le faites à pied, vous aurez vite compris ce qu’est le concept « d’affreusement vide  » . Sérieusement, on dirait que Square Enix n’a joué à aucun open world auparavant pour offrir un environnement aussi vaste pour du beurre. Il faudra donc apprendre à utiliser la voiture qui ne peut rouler que sur les routes ; interdiction formelle de faire du off road. Et si vous vous dites « la conduite est comment ?  » . La conduite est complètement automatisée. Si vous restez appuyer sur la touche d’accélération, vous n’aurez même pas besoin de tourner le volant. Le jeu gère l’essence, alors prenez la peine de dépenser 10 gils pour faire le plein, et pourquoi pas acheter une potion à 500 gils, ou une carotte à 100 gils… Attendez, quoi ?

Le meilleur moyen de locomotion reste tout de même le Chocobo, le gros poulet jaune que l’on débloque à Duscae et qui est pile assez rapide pour nous permettre de nous déplacer convenablement dans cet espace mal-pensé. Comble de l’emmerdement, il faudra descendre à chaque fois de celui-ci pour récupérer un objet sur le terrain, ce qui fait perdre trois secondes pour descendre de la monture, ainsi que cinq pour remonter et reprendre une vitesse convenable. Donc, la navigation dans Final Fantasy XV est affreusement contraignante, vous l’aurez compris, mais le pire reste la résolution des quêtes secondaires. Elles demanderont un aller-retour à chaque fois. Sachant qu’elles sont inintéressantes, vous irez voir le dealer de quêtes qui vous donnera un objectif, et il faudra revenir le voir une fois rempli, sachant qu’ils aiment vous faire voyager. Puis, quelques secondes plus tard, au milieu d’une quête principale, on vous appellera sur votre téléphone portable que vous ne jugerez jamais bon d’utiliser pour prévenir votre contracteur secondaire que vous avez accompli la tâche qu’il vous a donné, parce que… vous aimez marcher probablement ?

Sinon, vous aurez droit à des quêtes de chasse très nombreuses, peu intéressantes, qui n’apporteront rien à l’expérience, et qui arrivent même à être moins contextualisées que les quêtes secondaires. Un pur moyen d’allonger la durée de vie du jeu. D’ailleurs, vu qu’on en parle, il vous faudra environ une dizaine d’heures pour clore la quête principale de la première partie du jeu, une vingtaine de plus pour les quêtes secondaires rarement intéressantes, et surement autant de plus pour les contrats d’aller-retour… pardon, de chasse. Sinon, vous pourrez vous infliger les quelques donjons, dont le seul intérêt est leur level design, et leur boss final potentiellement intéressant. Pour tout faire de cette première partie, pariez sur environ soixante heures, peut-être moins pour les pressés (… on peut les comprendre), sachant que Square Enix met à disposition des événements temporaires dans son jeu, comme dans un MMO. D’ailleurs, vu la finition du titre, attendez-vous à ce qu’il connaisse une mise à jour mensuelle pendant encore une trotte.

Square Enix traite son jeu comme il le fait avec Final Fantasy XIV, montrant une décomplexion totale vis-à-vis de l’état actuel, car pour Tabata, le titre est un jeu complet. Laissez-moi vous dire que, vu ce qui est ajouté dans les mises à jour (mode fluidité, mode finesse, et mode stable… à 30 fps, encore heureux), comme par exemple des épées pour des événements temporaires, ou encore des éléments de décor destructibles, ou même une séquence pour combler des trous dans le gruyère narratif. Bien sûr, il y a aussi des corrections de bugs, mais tout cela donne vraiment l’impression d’être sur une bêta ouverte payante.

Parlons du visuel maintenant. Le monde ouvert du jeu souffle le chaud et le froid. Parfois techniquement complètement à la ramasse (… les textures de roches et du sol nous ramènent aux premières heures de la septième génération, voire à la fin de la sixième), et s’avérant estomaquant sur les effets techniques en de rares endroits (… pyrométrie, volumétrie, physique, effets de lumière, modélisation des personnages et du bestiaire), Final Fantasy XV brille visuellement. Si vous jouez sur la version PS4 Pro (la master race quoi), c’est le mode fluidité que je vous conseille (comptez entre 40 et 50 fps environ), car le mode finesse n’est pas vraiment plus fin, ne cache pas l’alliasing et vous infligera un framerate dégueulasse. Du frace pacing (effet de latence) et des micro-freezes fréquents. Donc, à moins que vous ayez une télévision 4K, préférez vraiment le mode fluidité qui est assez agréable.

Mode fluidité qui ne sera pas de trop pour admirer les superbes combats du jeu. Le gameplay est au poil lorsqu’il y a peu d’ennemis à l’écran dans un espace ouvert ; c’est fluide, superbement animé, simple à l’usage, et impactant dans les actions. Dommage que les magies soient réduites au rang de simples grenades à usage peu importants (… gros dégâts, mais impossible d’en stocker énormément). Les rixes sont superbement esthétiques, et il est dommage qu’elles connaissent de gros problème de ciblage lorsque l’ennemi lévite (même un peu) et que l’adversaire est trop grand, sachant qu’il y a un manque de réactivité du personnage à de nombreuses reprises quand on lui demande de se protéger, ce qui peut être très frustrant. Pour compenser les imprécisions du gameplay, il faudra user et abuser du très stylé et jouissif assaut éclipse que je vous laisserai découvrir, mais aussi d’objets de toutes sortes… même s’il faut bien admettre que l’argent vient vite à manquer lorsqu’on abuse des objets de soins.

On signalera aussi le système de progression qui ne nécessite pas de monter de niveau pour améliorer son personnage. Vous gagnerez, avec diverses actions importantes, des points de compétences à investir dans plusieurs sphériers parfois très gourmands en points pour pas grand chose. Mais le système s’avère plutôt addictif, même si l’on regrette que l’effet en combat ne soit pas si important. Bémol, les armes et équipements sont peu nombreux, ce qui laisse présager de nombreux DLC à venir.

Malheureusement, les combats de boss tirent souvent sur la longueur et peuvent même terminer en festival de QTE répétitifs. Pour un peu qu’on gère trop l’affrontement, on aura bien vite l’impression de trop maîtriser le système de combat, et pour cause : il manque de profondeur et de stratégie. Cruel de se rendre compte que la grande qualité du titre soit ternie par un manque d’approfondissement cruel, qui finit par rendre les combats vraiment barbants alors qu’ils étaient au départ jouissifs. Mais rendons à Caesar ce qui lui appartient, Final Fantasy XV n’a copié sur personne, et l’a fait de manière assez honorable.

Gros point fort, les musiques sont fantastiques. Yoko Shimomura a mis du cœur à l’ouvrage, et sa composition paraît complètement divine, ce qui… pose problème dans un sens face à la banalité du récit et les scènes sensées être fortes, alors que seule la musique l’est. Dommage une nouvelle fois, mais on ne peut pas dire que c’est un mauvais point. Shinomura donne à elle seule une bonne raison de jouer au titre. Les doublages quant à eux sont très bons en français, étonnamment discutables en anglais. Oui-oui, les doublages français sont tout à fait dans le ton, malgré une localisation parfois chaotique. D’ailleurs je vous conseille la VF, même si la voix de Noctis colle moyennement lorsqu’il est calme, mais est absolument grandiose quand il s’énerve. Félicitation à l’équipe : vous avez forcé mon admiration.

 

Alors, que penser de Final Fantasy XV ? Eh bien c’est un jeu intéressant; malheureusement très mal fini, qui peut toutefois encore être amélioré par des patchs. J’ai pris du bon temps sur le titre car, malgré tout, on peut écouter la BO des autres Final Fantasy, et même deux musiques issues de Nier et Nier Automata ( <3 ), le système de combat fonctionne et il y a une vraie bonne ambiance buddy movie. Malheureusement, il faudra accepter de trop nombreuses tares, et surtout, il ne faut pas prendre le bateau. Ne prenez pas le bateau, ne touchez pas au bateau, n’effleurez pas le bateau, ne pensez pas au bateau, le bateau n’existe pas, ne…

« Prendre le bateau  »

 

 

« Retourner dans Final Fantasy XV, vous n’avez jamais pris le bateau  »

 

Vous avez donc pris le bateau ? Vous êtes stupides ou quoi ? Bordel, tu vas chopper un virus avec ton appareil en prenant le bateau. Pourquoi tu as fait ça ? Tu connais surement le concept de l’enfer, non ? Parfait, tu viens de t’infliger le descriptif des cinq heures les plus douloureuses de mon année 2017, avec une surprise dans le final. J’ai lu une critique de ce titre-là, Final Fantasy XV, qui me disait de ne jamais prendre le bateau. Moi je l’ai pris, et je peux te décrire ce qu’il se passe lorsque tu prends le bateau. Je te donne la version courte, puis la version longue.

 

Final Fantasy Versus XIII

Les royaumes dorment
Et les enfants sont sacrifiés jour après jour

Jusqu’à ce qu’ils soient éteints
Et ils ne se réveilleront jamais.

Cette tragédie a détruit
Devant eux, tout ce qu’ils ont aimés.

Et cette nuit qui se perpétue
Regarde là
Cette réelle vision depuis la limite
Je te verrai
Et au prochain matin, le temps ce sera éveillé.

Ainsi sont les mots qui viennent à l’esprit quand on a fini la corvée et la souffrance de la seconde partie de ce jeu découpé. Final Fantasy Versus XIII n’est pas mort, Square Enix n’a pas pu le tuer, n’en a pas eu le temps. Ce qui s’amorce dans Final Fantasy XV n’a qu’une petite conclusion noyée dans un océan d’horreurs de développement, censé apporter des éclaircissements à une histoire dont vous ne comprendrez rien. Les cinq heures qui suivent le voyage en bateau ne sont qu’une succession d’événements incohérents, dont le peu de sens que vous pourrez tirer n’ira jamais étoffer le récit original. Quelque chose démarre à partir de la fin de ce voyage, une sorte de voyage initiatique dans l’enfer du développement du jeu. On y voit une multitude de personnages, d’événements incompréhensibles, parsemés d’ellipses violentes et forcées qui laisseront place à des DLC tirés du chapeau qui n’éclairciront sans doute pas une histoire qui ne fait pas sens.

Ah, et avant toute chose, je suis vraiment sérieux, pour ce que vous avez à y gagner, mieux vaut ne jamais prendre le bateau. Toutefois, comme je critique un jeu dans son entièreté, il fallait que je parle de cette partie. J’en étais au point où j’avais envie de lâcher la manette et d’oublier le jeu auquel je jouais, tant cela devenait absolument gerbant. Vous vous retrouvez brutalement dans un couloir, qui n’a rien de relatif. Un couloir qui débouche quelque fois sur un donjon, sans contenu annexe, avec une narration totalement éclatée, incohérences se succédant, personnages qui disparaissent, reviennent en Deus Ex Machina en veux-tu en voilà. On en arrive même à ne pas comprendre les motivations d’un antagoniste pourtant tout à fait réussi dans la première moitié du jeu. L’horreur est telle que lorsque Noctis redevient celui qu’il était en 2006 lors de l’annonce du projet Versus XIII : on ne le comprend même pas. Ses réactions sont alarmantes tant elles sortent de sa personnalité développée peu avant, un personnage qui a certes connu un traumatisme, mais qui n’a plus rien à voir avec lui-même, capable de se ressaisir en un instant grâce à la puissance de l’amitié, comble de l’imposture.

Final Fantasy XV nous a été volé, Versus XIII tente d’exister durant cinq heures de couloirs infernaux, débouchant sur des situations où on est abasourdis par l’amateurisme du projet ; les séquences s’enchaînent, le peu de repères qu’on avait disparaissent à vu d’œil, les cartes se redistribuent aléatoirement. La dernière mise à jour a amené des scènes sensées éclaircir l’histoire, on y voit en fait que des morceaux de cinématiques mal foutues, sortant tout droit de carnet de développement d’un prototype abandonné. Que quelqu’un vienne en finir, que quelqu’un en finisse avec ce couloir infernal qui arrive même à nous exhiber au loin, des zones entièrement modélisées, paraissant explorable, alors que non. Non, jamais. Alors, on a un peu envie de devenir fou comme Noctis, on veut se réveiller de ce cauchemar sans fin, avant qu’enfin, nous comme lui nous réveillons de cet enfer ludique, pour revenir dans la carte de Final Fantasy XV, l’espace d’un instant… pour constater qu’elle aussi a été maltraitée, transformée en paysage terne, rempli d’ennemis aux niveaux hétérogènes. On traverse ce no man’s land d’intérêt ludique, nous rappelant encore de la précédente cinématique que le jeu nous a infligé, sans doute perturbante par son côté bas-budget, alors que le jeu nous dégueule du spectacle de mauvais goût depuis cinq heures.

Puis, on nous reconduit aux personnages que l’on a lâché dans Final Fantasy XV, certains sensés être présents sur place et même évoqués ne sont en fait même pas là, absents pour des raisons de budget ou d’incompétence de l’équipe de Square Enix. On est encore sous le choc, marqué par les cinq terribles heures qu’ils ont passés avec nous, ainsi qu’avec l’une des ellipse les plus brutales et mal foutue de l’histoire du média. On nous dit « ça va se terminer  » . « On est dans la dernière ligne droite » . Malheureusement, on a oublié comment l’histoire a débuté. Kingsglaive paraît un lointain et fabuleux souvenir d’un potentiel complètement sacrifié. Final Fantasy XV nous manque alors que l’interface de la console nous dit que nous sommes toujours en train d’y jouer. Notre intérêt est mort avec Final Fantasy XV, mais il faut y aller.

Alors on y va.

On fonce dans ce dernier morceau, un nouvel environnement, pas trop mal foutu. On sent une tension, quelque chose se passe. On voit Noctis adulte, habillé comme un roi, ses amis de toujours à ses côtés. Le moment est grave, la musique est fabuleuse, la mise en scène est sobre. Il y a de la grandeur dans la scène ; on ne sait pas vraiment comment on est arrivé ici, le voyage et son souvenir ne nous appartiennent pas, le jeu auquel on est en train de jouer n’a jamais existé. Nous sommes dans une fin sans le jeu qui l’accompagne. Pourtant, une réminiscence naquit de ce lieu, et on se souvient de l’annonce du projet. C’est vraiment toi Versus XIII ? Et c’est alors que le jeu donne tout.

A mort cet open world foiré, à mort cette mesure, à mort cette légèreté. Si Versus XIII n’a jamais existé, au moins aura-t-il sa conclusion, les émotions prennent alors les tripes des personnages en présence, Noctis sait où il va, l’antagoniste apparaît alors, et on voit où le projet originel allait. Alors on joue, on se débat contre ce système de combat capricieux, l’histoire s’envole, oublie ses incohérences, et déchaîne alors tout ce que le jeu nous avait refusé : une grande conclusion d’une escalade d’émotions à laquelle on a jamais eu droit. Shinomura est surement en train de pleurer à la baguette quand l’orchestre enchaîne des musiques grandioses, les équipes de Square Enix veulent finir l’enfer dans lequel ils se sont plongés en reprenant de zéro en 2013, désormais contraint de reprendre des éléments de l’ancien projet. Au moins soigneront-ils ça. Tabata veut donner une dernière chance à son jeu cassé, rendre hommage au travail de l’homme à qui il a succédé. Tetsuya Nomura assiste le développement, conscient que c’est sa chance de laisser apparaître l’espace d’un bref instant ce qu’était Versus XIII.

Puis, tout s’arrête, sur une merveilleuse cinématique, où l’on comprend la détresse et la tragédie du récit, sans en avoir goûté les développements. Puis, après un générique qui rappelle par une simple photographie prise par Prompto qu’il y a eu un Final Fantasy XV, il se passe quelque chose de terrible. Nos quatre personnages que l’on a appris à aimer sont assis autour d’un feu de camps, ils sont blessés moralement, mais vont bientôt à la bataille finale. Ils se retrouvent comme on retrouve Final Fantasy XV, puis il y a un long silence. Noctis a quelque chose à dire, alors on attend qu’il trouve les mots, et quand ils sortent, il se passe enfin quelque chose. C’est autour d’un feu de camps que Final Fantasy XV signe sa plus grande réussite. Même s’il nous inflige un tourment de cinq heures, c’est un jeu mal fini qui n’aurait certainement pas dû sortir avant au moins encore deux ans. Même si sa deuxième partie paraît irrécupérable, il arrive à cet instant à être profondément intimiste et humain. Mais là où il y a une vraie tristesse et un vrai sentiment de trahison, c’est lorsqu’on se dit que la seule vraie chose qui anime Final Fantasy XV, c’est la suivante :

 

Nous faire ressentir, l’espace d’un instant, ce qu’aurait du être Final Fantasy versus XIII.

 

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

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