La vraie fin de Dark Souls 3

La vraie fin de Dark Souls III

… Où la suite non-officielle d’une réflexion de l’article C’est beau quand c’est cassé. Si Dark Souls 3 est selon moi si réussi malgré ses redites, son fan-service, ou sa très relative fainéantise, c’est parce que derrière cet épais brouillard de relatives déceptions, se cache en effet une fin magistrale. Une fin comme je n’en ai eu que peu. Une fin qui a un goût de Kotor II, un goût de jeu incomplet. Sauf qu’ici, Dark Souls 3 boucle la boucle, et fait sa petite synthèse de ce que les Souls-like ont apporté jusqu’ici, quitte à avoir l’air d’être le moins bon de tous, quitte à être le plus impersonnel. Dark Souls 3 n’est pas un mauvais jeu. Il est même globalement plutôt excellent, mais il nous est venu avec une humilité qui aurait pu ne pas supporter le poids des attentes qui l’auréolaient. Sauf que Dark Souls 3 n’est jamais rien que le point final d’une trilogie qui avait probablement déjà tout dit ; comment donc apporter une belle conclusion à cela ?

 

C’est cyclique. Les jeux vont et viennent. Les histoires se concluent et reprennent. La flamme s’éteint et se ravive. Dark Souls 3 se fini du mieux possible lorsqu’il vous montre sa dernière braise s’éteindre, à l’instant où le soleil rend lui aussi l’âme. L’âme, ce message subliminal ; bien plus qu’une mécanique de gameplay, c’est tout le sens de la trilogie qui s’incarne dans cette dernière. L’âme, ou comment animer un jeu, comment animer une œuvre, comment animer un personnage sans nom et sans but précis autre que celui de continuer à se battre contre. Lutter. C’est là le sens de la série. Lutter contre la fatalité, contre le destin, contre les malédictions, contre ce cycle qui semble éternel. La mort l’emporte toujours sur la vie, mais la vie le nargue en se renouvelant.

Pourtant, la meilleure fin de ce dernier volet, c’est celle où, enfin, le cycle prend fin, où la dernière flamme se consume, et avec elle la dernière étincelle de vie, la passion, et la rage cédant à la tristesse ainsi qu’au vide, lorsque le joueur prend conscience que son chemin n’a été pavé que de souffrances et de victoires dues au fait d’avoir repoussée l’échéance. Encore et encore. Ce que le joueur ne voit pas quand il est pris au jeu, justement, c’est que plus il vainc, plus il se tue, et plus il se tue en tant que joueur de Dark Souls. Chaque pas que nous faisons, chaque pas que nous arrivons à placer devant le précédent, est une distance de plus vers le début d’une histoire, nous rapprochant petit-à-petit du moment où il ne restera que nous-mêmes et les souvenirs d’une aventure éprouvante. Dark Souls se vivra alors dans le cœur, jusqu’à accompagner – s’il en a été digne – l’humain qui l’a accueilli en son sein jusqu’à ce que sa propre fin arrive.

Vivre avec le poids de ce qui se conclue. Je ne m’étais pas fait la réflexion, mais les jeux cassés n’ont pas eu une vie complète ; ils sont inachevés, comme tronqués, car le sort ne leur a pas été favorable. Toutefois, Dark Souls a eu tout le temps de s’épanouir, au point d’avoir subit des jugements comme « c’était mieux avant  » . Mais là où un auteur ou une œuvre se débattraient pour nier l’évidence, Dark Souls 3, qui avait déjà eu sa conclusion dans le grand final si similaire du tout premier opus, admet avec fatalité que c’est vrai. Dark Souls 3 n’est jamais que la conclusion rallongée du premier. Une conclusion léchée, au rythme fantastique, bien que ce ne soit plus des flammes qui consument son monde, mais des cendres qui finiront par étouffer la vie qu’il reste. Peut-être également redonner vie.

Car Dark Souls 3 peut aussi se conclure sur une ouverture selon le profil du joueur. Néanmoins, Hidetaka Miyasaki l’a dit « C’est mon dernier Dark Souls  » , et comme c’est son dernier, c’est le dernier de l’arc qui débute alors que cela se conclue par le premier. Dark Souls 3 a donc été pensé pour être vécu comme un dernier moment avant le grand départ, avant ce moment où les souvenirs se tordent et se reconstituent pour devenir une part de vous-même. Que vous le fantasmiez meilleur ou moins bon, une fois conclu, Dark Souls vit auprès de vous, dans votre mémoire, et c’est sans doute là qu’il a réussi son pari. Après vous avoir fait violence, il a réussi à pénétrer un être vivant. Le mort-vivant, ou la carcasse que l’on a toujours joué, a enfin accompli ce pour quoi il ou elle se battait depuis le départ. Vous êtes envahi.

Il fut le dernier de sa série, pour le meilleur comme pour le pire, dans une fureur macabre, dans une noirceur implacable, s’étiolant en cendres à mesure qu’on le parcourt. A la fin, il ne reste plus rien pour le consumer ; il n’y a plus que vous et la mémoire qui lui ont survécu. Une aventure avec un grand A, une leçon de game design, une histoire qu’on ne racontera pas de vive voix, mais qu’on préférera inviter à vivre pour la grandeur de ses douleurs, la douceur de ses repos au coin du feu, la chaleur des braises que l’on a ravivé dans l’espoir d’arriver au bout… Et quand on est au bout, partir en acceptant que ce que l’on vient de laisser derrière nous, jamais nous ne le retrouverons à l’identique.

Dark Souls s’est éteint dans un silence assourdissant, laissant derrière lui d’autres créateurs être investi par son âme, et les joueurs à la passion ravivée. Le silence est le plus beau des cadeaux que l’on puisse faire pour une série qui s’est achevée dans la fureur, mais dont l’agonie fut l’expression la plus pure de la paix. La série mérite surement son point final, mais l’amour des joueurs n’est probablement qu’à ses débuts. Merci Dark Souls

 

Yuka Kitamura – Dark Souls III – The Ringed City : Epilogue

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

3 Commentaires sur “La vraie fin de Dark Souls 3”

  1. Andariel dit :

    J’ai encore l’arrière goût de déception dans la bouche après ce Dark Souls 3. Le fan service poussif, le level-design abêti, le manque d’inspiration général dans tout ce qui est design, le lore et l’histoire qui se repose trop l’auto-congratulation de DS1 et qui choisit la solution de facilité du recyclage (littéral) prétextant la facilité narrative du « le temps est alambiqué », même si le jeu possède quelques moments forts, un gameplay plus raffiné et que j’ai quand même eu du plaisir à le parcourir. Ce n’est franchement pas le souvenir que je voulais garder de cette série unique en son genre.

    Mais hé, on s’en tape de ça Andy, il y a de la difficulté, des grosses épées, de la difficulté, du multi, de la difficulté et des memes de Solaire, c’est ça Dark Souls. Me rétorquerons la majorité des amateurs des Souls… Après, je ne dénigre aucunement ça. Chacun aborde l’oeuvre comme il l’entend et son expérience est tout à fait légitime. Mais je ne peux pas m’empêcher de trouver ça dommage qu’on ait retenu que les superficialités qu’on retrouve dans plein d’autres jeux (par exemple, les Monster Hunter, au pif) au dépend de ce qui transcende vraiment l’oeuvre comme le world/level design, la narration environnementale, l’ambiance et le thème sous-jacent…

    Là avec un peu de recul, je me dis que c’est peut être finalement Miyazaki qui refait dans ce DS3 le même coup qu’à fait Kojima dans MGS 2. Ben oui, il faut savoir que Miyazaki avait estimé qu’il avait accompli ce qu’il voulait accomplir dans DS1 et qu’il ne voulait pas de suite. Le fait qu’il quitte le développement du 2 en est la preuve mais le succès inattendu du truc a fait que Bandai Namco (ou Namco Bandai, je sais plus) a trouvé le filon trop juteux pour laisser passer la franchise et les fans insistants (allant jusqu’aux menaces de mort parfois. Je suis sérieux) n’ont pas aidé. Et du coup, vu qu’on lui a forcé la main pour gérer DS3, il s’est un peu vengé en s’auto-sabotant dans un délire meta à la Kojima genre « vous vouliez du more of the same ? Vous allez être servi, mes salauds ! » *s’auto-flagelle*.

    Ou c’est peut être juste une panne d’inspiration, hein. Bon, ok, c’est une présomption tirée par les cheveux qui ne change rien à mon opinion (d’ailleurs, MGS 2, c’est toujours une daube même en ayant conscience de la volonté zarbi’ de son créateur) mais qui me rend encore plus triste vis-à-vis de la vision de base de Dark Souls qui a payé les frais de son succès en passant de « jeu d’auteur » à « jeu pour les fans ».

  2. Toupilitou dit :

    … Pouvaient-ils seulement faire autre chose que du fan-service ? Même s’ils pouvaient faire différemment, on les aurait traité d’hérétiques s’ils avaient transformé l’expérience. Y’a qu’à voir, comme tu dis, les menaces de mort qu’il a reçu… Dingue d’être fanatique à ce point-là ^^

    (… C’est Bandai Namco )

  3. Marcheur dit :

    « mais qui me rend encore plus triste vis-à-vis de la vision de base de Dark Souls qui a payé les frais de son succès en passant de « jeu d’auteur » à « jeu pour les fans ». »

    Bah oui, c’est ça. Miyasaki s’est vu contraint de faire un autre Dark Souls, qu’il a présenté comme son ultime Dark Souls et les faits sont là : c’est jamais rien que du fan service du premier Dark Souls.

    L’ennui avec Miyasaki c’est qu’il a fait trois chef d’oeuvre d’affilée (Demon’s Souls, Dark Souls et Bloodborne) chacun avec sa propre vision, mais il s’est vu commander une suite à une suite d’ores et déjà non désirée. Dark Souls II avait pour lui une autre vision car réalisateur différent, mais Miyasaki n’a jamais voulu achever sa série sur autre chose que le final du premier Dark Souls.

    Ton analogie avec MGS 2 est fort juste, on voit bien que Miyasaki n’est pas à l’aise pour faire une suite au premier Souls, alors évidemment que le troisième sera du fan service et du plus, parce qu’on le lui a demandé. Mais il n’en reste pas moins que quand j’ai parcouru Souls III, j’ai ressenti la même émotion que fasse au boss final du premier Dark Souls, certes y avait clairement pas le sel du world design du premier (mais aucun Souls ne l’a, le plus solide de ce côté est Bloodborne, mais il en reste loin) mais il y a tout de même une atmosphère de fin de cycle, de fin de quelque chose qui est encore plus pesant que le premier.

    Donc ouais, la redite clairement, maintenant est-ce que c’est pas justement tout ce qu’il y avait à faire d’un Dark Souls III ? Quand tu fais une suite à un jeu qui n’aurait pas dû en avoir d’après la vision de son auteur, le troisième opus fait par celui-ci fait naturellement écho au premier, vu que c’est le même message, la lassitude en plus.

    Le jeu n’en reste pas moins bon d’ailleurs, sur le plan ludique je le met même un cran au dessus du premier (je te rassure, niveau jouabilité pure hein, loin de moi l’idée de contester le world design dingue du premier) mais il vient avec cette triste idée qu’il faut tourner la page, et quitte à la tourner, autant le faire dans un dernier opus cynique et mélancolique, et pour le coup, Dark Souls III est un coup de maître à mon sens, il finit le cycle, encore, mais cette fois il est possible de laisser mourir la flamme pour qu’elle ne soit plus ravivée.


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