Unrest

Unrest

Kickstarté avec succès, et disponible sur Steam et GOG, Unrest de Pyrodactyle Games est présenté comme un jeu d’aventure / RPG. Il avait été annoncé que vous pourriez faire l’intégralité de votre aventure sans vous battre ne serait-ce qu’une seule fois. La promesse est-elle tenue ? Est-ce un jeu de qualité ? C’est ce que je vais essayer de déterminer. C’est parti !

 

Une fois n’est pas coutume, l’histoire prend place dans la ville de Bhimra, presque au centre de l’Inde. Après un an de sécheresse, cette ville a subi de plein fouet une terrible famine et toute son économie en fut déstructurée : chômage, pauvreté et maladies se sont développés à grands pas, les bidonvilles se sont agrandis, et la révolte gronde chez le petit peuple n’appartenant pas à une caste. En effet, dans la tradition Indienne, la société est structurée de telle manière que les castes ne se mélangent pas ; l’ordre établi est ainsi immuable, restant inégalitaire génération après génération.

Afin de couper court à toute menace de guerre civile, la famille royale a décidé de signer un traité avec la race des créatures reptiliennes nommées Nagas. Ces derniers disposent d’énormes ressources agricoles et sont en mesure de pallier aux manques en nourriture des humains. Bien que crevant la dalle, les habitants des bidonvilles sont opposés à ce traité, pensant que le chômage explosera encore davantage et assimilant l’arrivée des Nagas à une invasion. Quant à la caste des marchands, ils ne souhaitent pas briser leur monopole. À l’arrivée des reptiles, des révoltes éclatent donc afin de manifester une opposition à cette signature.

C’est dans ce contexte que vous commencerez votre partie dans la peau de la princesse Asha, héritière naïve de la famille royale. Par contre, ne croyez pas que vous incarnerez cette jeune fille tout du long de l’aventure ; vous incarnerez au fil de l’histoire différents protagonistes avec leur personnalité propre, qu’ils soient humains ou Nagas, de haute ou basse naissance. Des événements prédéfinis surviendront quoi que vous fassiez, mais leur dénouement dépendra des choix que vous pourrez faire.

 

Mais… Mais… Ce RPG a l’air génial !

Et c’est là à mon sens la grande force de ce jeu : la narration, de très bonne facture, vous permettra de mesurer les conséquences de tous vos choix. Certains personnages que vous contrôlerez ne modifieront pas d’un iota la trame principale, mais ils ne sont pas superflus pour autant. Ils prennent une part importante dans l’immersion. Ils permettent également de réaliser à quel point les castes inférieures sont isolées du reste de la société.

Vous l’aurez compris, ici, oubliez immédiatement vos fantasmes de puissance. Point de flamberge à enfoncer dans des crânes, ni de boule de feu dévastatrice à incanter. Il n’y aura pas non plus de chevalier héroïque avec un sourire ultrabright, bombant le torse avec fierté sur un cheval blanc au galop. Exceptés les Nagas, tout droit sortis de la mythologie hindoue, vous ne trouverez pas de dragons et autres créatures bizarroïdes. Et comme indiqué dans le synopsis du jeu, il n’y a pas de mauvais choix. Il n’y a également rien de manichéen : un personnage que vous incarnez pourra dans un même dialogue être bon, généreux, sarcastique, résigné, fourbe, courageux, manipulateur, etc.

A contrario, il est un peu déconcertant de prendre en main des personnes ayant des visées complètement opposées ; c’est un peu comme si dans Game of Throne, on vous proposait de jouer alternativement les Stark, les Lannister, les Baratheon et les Targaryen. Certes, vous avez une vision globale d’un seul et même problème, chacun ayant ses propres objectifs. Mais il est tout de même difficile de ne pas être partie prenante pour l’un d’entre eux. Malgré tout, ma session la plus intéressante a été celle où j’ai incité chaque personnage à ne viser que ses propres objectifs, indépendamment des actions des autres.

 

… Ou pas !

Quoi qu’il en soit, tout ceci représente une sacrée bouffée d’air frais lorsqu’on vous bourre le mou à tout bout de champ avec des elfettes, des orcs et compagnie, le tout enrobé de concepts stéréotypés et convenus jusqu’à la moelle. Tous les protagonistes que vous prendrez en main devront défendre leurs intérêts et ne seront pas forcément « mauvais » de leur point de vue, ce qui amène de la crédibilité au titre. Il convient alors de jouer intelligemment en étant pragmatique plutôt qu’en fonction du feeling : vous ne pouvez décemment satisfaire les désirs et envies de tout le monde.

Là comme ça, vous vous dites probablement qu’il s’agit d’un super RPG. Mais ce serait oublier bien d’autres aspects du jeu qui viennent contrebalancer ce sentiment. Tout d’abord, il n’y a pas de création de personnage, ni de points de caractéristiques ou de compétences. Vos personnages auront seulement un background et des traits de caractères qui pourront évoluer en fonction de vos choix. À ce titre, il est donc davantage un jeu d’aventure qu’un RPG.

De plus, les traits de caractère n’ont pas un réel impact sur l’histoire. Ils ne sont au final qu’une interprétation de vos actions, permettant de vous souvenir de ce que vous avez fait. Je pense qu’il aurait pu être intéressant d’exploiter davantage ces traits afin d’ajouter un peu de complexité dans le gameplay. Il en est de même avec les objets de votre inventaire. Certains sont là pour compléter le background du protagoniste, mais n’ont absolument aucune utilité. Vous ne trouverez également aucun objet à ramasser par terre : tous ceux que vous aurez seront obtenus lors d’une conversation. Le gameplay se résume donc à des déplacements d’un point A à un point B, et à parler aux gens que vous croiserez.

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Il est light mon gameplay… Il est light !

En parlant des déplacements, j’ai lâché l’affaire rapidement avec le déplacement à la souris car le pathfinding est souvent à la ramasse. Il est donc heureusement possible de se déplacer directement au clavier. Par contre, selon les personnages et les surfaces, un bug survient : le personnage se trouve ralenti. Par exemple, dès que je faisais emprunter la descente d’un escalier à un de mes avatars, ce dernier se déplaçait à deux à l’heure.

Parlons maintenant des dialogues. En haut à droite de votre écran, vous verrez trois barres de couleur (verte, bleue et rouge). La verte indique l’empathie, la bleue mesure le respect qu’a la personne à votre égard. Enfin, la rouge détermine s’il est intimidé ou non par vous. En fonction de vos options de dialogue, ces trois barres évolueront à la baisse comme à la hausse. En début de partie, tout le monde ou presque est amical, mais plus vous avancerez dans l’aventure, plus il vous faudra choisir vos réponses avec soin. Un personnage amical pourrait devenir hostile et couper court à toute discussion si vous l’offensez.

Et si vous l’avez vraiment énervé, alors surviendra une phase de combat. Là non plus ne vous attendez pas à quelque chose d’extraordinaire. Le système est très simpliste, risible et injouable : vous aurez la possibilité d’attaquer ou de bloquer via deux boutons. À chaque fois que j’ai tenté un combat, je me suis fait lamentablement poutrer. Il arrive même parfois que l’issue d’un combat soit certaine : je me suis à un moment retrouvé entouré d’un nombre élevé d’ennemis que j’avais taquiné, tout intrépide (inconscient ?) que je suis, et au lieu d’engager une bataille, je me suis retrouvé directement avec un écran détaillant ma mort. Une chose est sûre : le jeu n’a clairement pas été pensé pour combattre, mais il aurait été plus intéressant de ne pas du tout intégrer cet aspect lorsque l’on voit comment celui-ci a été réalisé. Pour autant, la mort de votre personnage ne signifie pas un game-over. Vous passez seulement au protagoniste suivant.

Pour ce qui est de la patte graphique d’Unrest, malgré qu’il soit dessiné à la main, on peut légitimement se poser la question du décalage entre l’aspect très gai, les couleurs vives typiques de l’Inde, et la trame scénaristique relativement sombre. Peut être était-ce volontaire, mais cela m’a tout de même laissé une impression bizarre. Quant à la musique, je l’ai trouvée par moment beaucoup trop répétitive ou sans véritable lien avec l’expérience vécue, et j’ai fini par la couper pour me mettre une playlist personnelle. Enfin, malgré un potentiel de rejouabilité en explorant les différents cheminements de l’histoire, Unrest est relativement court : comptez de quatre à cinq heures pour une partie.

Pour conclure, j’ai trouvé un fil de discussion des développeurs, où un joueur s’interroge à propos de l’aspect purement RPG d’Unrest. Pour eux, il s’agit d’un RPG car il y a des choix et vous incarnez différents personnages tout en contrôlant (de manière raisonnable) leur destin. Le fait qu’il n’y ait pas de feuille de personnage, de points de caractéristiques / talents / compétences, ou bien encore de combats épiques ne rentre pas en ligne de compte ; ils s’appuient sur le fait que certains JDR procèdent de la même manière. Après plusieurs parties, je reste tout de même, pour ma part, moyennement convaincu par ces arguments.

 

Techniquement non-abouti, tant dans les animations que dans l’ambiance sonore, ce jeu m’a laissé une impression bizarre. Son histoire tient la route avec une narration et des choix ne vous laissant jamais indifférent, et il sort des sentiers battus en esquivant avec brio le traditionnel côté manichéen. Mais, pour ma part, bien que l’opinion des développeurs soit honorable, je ne le considère que comme un jeu d’aventure, tant les véritables éléments RPG sont sous-développés. Il ne me reste donc plus qu’à espérer que des mods viendront changer la donne.

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A propos de l'auteur : Toupilitou

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