Bound By Flame

Bound By Flame

Mes très chers compatriotes, il est temps de sortir de la domination américaine pour parler d’un produit bien de chez nous, dont le titre est en Anglais. Aujourd’hui, nous allons parler de Bound By Flame, jeu développé par Spider, et sorti le 9 mai 2014 dans une période creuse. Ce titre a su attirer l’attention sur lui grâce au modeste succès de son prédécesseur spirituel, Mars : War Logs, petit RPG / Action tout à fait recommandable sorti l’année précédente. Grâce à son statut de RPG “AA” donc, à plus gros budget, l’attente est différente, et l’accueil plus sévère. Car si Bound By Flame est effectivement plus ambitieux que son aîné, il est aussi bien plus cher ; passer d’un tarif de 20 à 50 euros fait de ce Bound By Flame un projet censé tutoyer les blockbusters sans grande honte. Voyons s’il rempli la tâche sans faillir.

Non, ce n’est pas un titre de film érotique

Bound By Flame est un jeu de rôle et d’action se déroulant dans un univers d’heroïc fantasy au bord de l’anéantissement. Les méchants Seigneurs du froid, qui sont très très méchants, sont sur le point de finir la glaciation du monde de Vertiel, ce qui n’a évidemment pas grand chose de positif. Les humains reculent face aux assauts de la Mortarmée, composée des esclaves morts-vivants des Seigneurs du froid. Chaque fois qu’un soldat meurt, il se relève sous la forme d’un zombie, ce qui bien vite provoque la chute des royaumes humains. Tout semble perdu, tandis que les Elfes ne s’impliquent pas dans le conflit en restant neutres et retranchés dans leur capitale Caraldthas.

Vous êtes un mercenaire d’une troupe nommé les « lames franches ». Vous pouvez incarner un homme ou une femme, ce qui n’a aucune incidence sur les capacités de votre personnage. Vous êtes chargé de la protection d’un groupe de magiciens de pacotille qui n’ont pourtant rien à voir avec Gandalf – sauf leur chef, chauve et avec une bien belle barbe grise – qui ont pour objectif d’accomplir un rituel permettant de contrer l’avancée des Seigneurs du froid. Problème : le rituel tourne mal, et quelque chose rentre dans le corps de votre personnage. Il s’avère que cette chose est un démon on ne peut plus différent de l’image qu’on en a sur le plan de ses intentions, vu que cette créature compte bien vous aider, à sa manière…

Notre mercenaire maîtrise dès lors le feu, et l’histoire peut débuter… pour finalement ne jamais vraiment décoller ; il n’y a pas de moment franchement épique, pas un instant de bravoure particulièrement frappant. Pour ainsi dire, le scénario n’aligne pas, ne serait-ce que pendant un instant, un moment mémorable en ce qui concerne une mise en scène qui fait pourtant des efforts par rapport à son prédécesseur. On sent le studio mal à son aise dans un scénario trop épique et convenu, qui n’arrivera pas à s’avérer complexe. Il fera même l’erreur de tomber dans un manichéisme plus qu’énervant. Les méchants sont méchants, parce qu’ils veulent du pouvoir pour un objectif tout à fait méchant. En gros, c’est des méchants. Il n’y a pas grand chose d’autre à dire. Pourtant, les races esquivent le côté manichéen avec un certain talent ; les hommes sont braves mais trop impulsifs, tandis que les elfes sont intelligents et réfléchis, mais trop égoïstes.

Si l’on sort de ce scénario convenu et parfois franchement ennuyeux, on peut s’intéresser à un univers qui semble davantage être une ébauche que quelque chose de réfléchi et profondément travaillé. Les elfes ont l’air d’avoir une histoire riche, mais elle n’est jamais plus approfondie que dans ce qui sert à la narration. On sait ce qu’est la capitale du royaume elfe, mais quid de leur histoire, de leur culture ? C’est artificiellement développé dans des quêtes pas forcément brillantes, mais qui ont le mérite de donner de la matière. Mais, même avec cela, on ne se sent jamais immergé dans l’univers. Mention spéciale pour l’humanité, qui brille par son manque de détails sur une quelconque peuplade, excepté sur celle de l’un des personnages.

Les dialogues, parlons en. Ils sont parfois bien sentis, les doublages étant de manière générale corrects, mais on regrette une traduction en retrait… Une traduction en retrait dans un jeu français doublé uniquement en anglais et en allemand. On ne va pas être copain ! Pour expliquer les errements de cette traduction, il suffit de réfléchir ; studio pas très important, petit budget, direction internationale… Vous l’aurez compris : le jeu a été écrit en anglais, puis traduit en français par un traducteur qui, vraisemblablement, ne s’est pas rendu compte des incohérences qu’il a créé. Un exemple simple : dans une conversation, vous avez le choix de ne pas mentionner un personnage afin de ne pas l’incriminer, et plus tard dans la conversation du héros, dans un excès de zèle, il révèle l’identité de la personne que vous aviez, précédemment, choisi de protéger. Abruti va !

Parlons de ces choix de dialogues. Là aussi, il y a des problèmes, à part deux-trois décisions importantes, vos choix sont soient désamorcés sans aucune forme de justification – c’est toujours plaisant – ou alors n’ont tout simplement pas d’incidence. Le plus incroyable étant que le jeu considère très souvent que refuser une quête est un choix. Bon, pourquoi pas, mais il choisit quand même de nous la mettre dans notre répertoire de quête. Si je dis “non”, je ne veux pas le même résultat que “oui”. C’est binaire pourtant ! Je ne vous demande pas de gérer un arbre de conversation de quinze branches avec influence des choix à la clé, juste de considérer un “non” comme ce qu’il veut dire !

Bon, les choix qui ont des incidences en ont tout de même des lourdes, notamment un choix à la fin de l’acte un qui condamnera votre personnage à se transformer ou à rester lui même. Ce même choix débloquera deux fins différentes, et il aura des incidences sur l’acte deux. Un autre choix, à la fin de l’acte deux, déterminera le sort de deux de vos compagnons et s’accompagnera de dialogues différents dans le très décevant et dernier acte.

Car oui, si on pardonnera au jeu ses errements lors des deux premiers actes franchement bons et plutôt bien rythmés, le souffle épique que l’on aurait pu ressentir, pardon, que l’on aurait  ressentir, ne vient jamais, ce qui a le don de m’énerver. Le jeu n’a que son histoire épique à proposer pour relever le niveau de son scénario, et se plante au moment où il aurait du s’envoler. Je ne pardonne pas ce dernier acte, car il plombe tout. C’est navrant, c’est énervant, on aurait pu avoir un scénario au moins efficace, mais finalement rien. C’est d’autant plus dommage dans la mesure où on sent que Spiders a essayé de bien faire en s’inspirant d’une multitude d’univers, et en soignant du mieux qu’ils pouvaient le visuel.

 

Fauché, mais pas laid

Après un Mars : War Logs assez austère, un Of Orcs And Men mignon mais dirigiste… Eh bien nous voici devant un Bound By Flame mignon et un peu moins dirigiste mais quand même cloisonné. Qu’on s’entende ; les couloirs débouchent forcément sur des arènes pas bien grandes, et l’ensemble ne s’élargit jamais vraiment. Malgré tout, on a tout de même un minimum de liberté au sein d’un acte, et vous pourrez ainsi l’explorer à loisir – ou presque –  dans son ensemble. Mais, comme le jeu propose une exploration très limitée (… mais pas inintéressante pour autant), disons que cette liberté de mouvement est très gadget.

Si l’environnement est un tout petit peu moins limité que par le passé, il en est de même de la direction artistique qui a fait preuve de bien plus de soin que dans leurs précédents titres. Hormis le prologue du titre évoquant bien trop Mars : War Logs, et l’acte trois (grrr), l’ensemble s’avère soigné ; chaque zone possède un environnement qui lui est propre, avec un marais convaincant, une capitale elfe gelée très soignée – bien que trop morcelée par de trop nombreux temps de chargement.

Si artistiquement l’ensemble tient la route, on ne peut pas dire de même pour la technique. Les animations sont ridicules, les modélisations vont du très bon (… héros principal, quel que soit son visage) au minable (PNJ secondaires absolument infects). Ce manque de constance se retrouve globalement dans tous les titres du genre, jusqu’à The Witcher 3 qui abuse des clones afin d’économiser le travail de modélisation. Mais, Bound By Flame souffre beaucoup plus de ce problème parce qu’en plus d’être laids, les PNJ sont souvent clonés.

En dehors de cela, on notera des textures baveuses (surtout sur les infâmes versions 360 et PS3), des temps de chargement un peu trop nombreux et trop longs, une mise en scène des dialogues franchement plate la plupart du temps, et un manque d’effets modernes… s’expliquant par le fait que le jeu a été fait pour une console de septième génération, et que son portage sur PS4 est purement opportuniste. C’est d’ailleurs cette version ainsi que celle du PC que je conseille.

En dehors de ces défauts techniques évidents, il faut noter qu’un soin particulier a été apporté sur la modélisation des armures, armes et équipements qui sont loin d’être laids. On appréciera aussi le simple fait que l’ensemble semble globalement constant en matière de qualité, ce qui permet au jeu de ne pas souffler le chaud et le froid techniquement. S’il y a des disparités artistiques, des problèmes techniques, l’ensemble n’est jamais moche, ni jamais vraiment beau. Mais, globalement, le jeu est mignon, et c’est tant mieux !

Dommage une nouvelle fois que le framerate soit assez inconstant, sans que l’on puisse se l’expliquer en considérant un visuel pas vraiment fabuleux – en particulier dans la zone d’introduction. Par contre, les musiques sont magnifiques. Voilà je n’ai pas grand chose à ajouter d’autres que : Olivier Derivière. J’en ai déjà parlé lors de la critique de Of Orcs And Men, mais ce gars est génial ! On notera aussi des bruitages assez percutants, mais qui ont buggué un peu par chez moi (foutue version 360 !). Au niveau du son, c’est donc – hormis les dialogues parfois – d’assez bonne facture.

Allez juste parce que Derivière est génial, je vous partage les deux meilleures musiques du jeu :

 

Life

 

 

Quand on est un développeur fauché, on doit prendre soin de réussir le principal dans son jeu. Oui, cela s’appelle un jeu, et donc on va parler de jouabilité et de mécaniques ludiques, enfin !

 

Des rixes élégantes et techniques

Je vais t’écraser le crâne avec mon marteau ! Larder ton ventre de coups avec mes dagues ! Te fendre en deux avec mon épée longue ! Et tout ça juste pour le plaisir !

Voilà, maintenant que vous pouvez avoir vraiment peur de moi, sachez que Bound By Flame est particulièrement tourné vers l’action. Il adore vous donner l’occasion de briser des os, écraser des crânes, arracher des entrailles, ect… Le système de jeu est donc plus que largement concentré sur l’action, voire quasi exclusivement sur elle. Il n’y a pas de compétences sociales, et les traits de personnages sont très rarement utiles lorsque vous taillez une bavette. Vous voilà prévenus : les plus hardcore d’entre vous peuvent se tourner vers Wasteland 2 et Original Sin afin de trouver leur bonheur, ou même vers Pillars… Bon OK, j’arrête de parler de lui. Les autres, vous pouvez rester si vous aimez les RPG “light” (… avec de l’aspartame dedans et tout).

Les bases sont simples : il y a deux styles de jeu incarnés par le choix de deux postures. La posture dague et la posture à deux mains, proposant à la volée deux styles de jeu : l’un véloce, basé sur la rapidité du personnage et la vitesse des dagues, et l’autre basé sur la puissance lourde de vos équipements à deux mains, et l’assise solide que ceux-ci vous offre. Les double dagues permettent aux personnages d’esquiver les attaques ennemies avec aisance et classe, et si vous le faites bien, vous aurez l’occasion de placer une contre-attaque qui peut s’avérer décisive. Les dagues permettent aussi, avec certaines améliorations, de causer des dégâts de poison très efficaces, mais aussi d’asséner de nombreux coups critiques. Elles sont à privilégier face aux ennemis rapides, qui nécessitent une réactivité autrement impossible avec l’arme à deux mains.

Parlons de celle-ci d’ailleurs. Elle permet de donner de puissants coups, mais aussi de mieux stabiliser le personnage, lui permettant de moins chuter et de subir moins d’interruption lorsque vous attaquez. En outre, cette posture permet de donner de lourds coups de pied à l’adversaire, qui feront chanceler les ennemis les moins massifs, et pourront interrompre les autres. Il est conseillé cela dit d’étudier les stratégies de l’adversaire, afin de savoir quand parer, et quand placer une botte. Mieux vaut ne pas penser que l’immobilisme est une bonne stratégie, bien au contraire, mais c’est une habitude à prendre, car il faut aussi savoir se placer au mieux pour éviter le fatidique encerclement.

A côté de cela, vous trouverez des pouvoirs du feu conférés par le démon, permettant de simplifier votre tâche en enflammant vos armes, en créant une boule de feu puissante, ou même une onde de choc repoussant les ennemis proches et leur infligeant des dégâts sur la durée. Vous pourrez également vous protéger en créant un bouclier de flamme. Mais ne rêvez pas ; vous ne pourrez pas jouer un pyromancien sans utiliser d’arme à côté ; il s’agit simplement d’un complément important. En autre complément d’ailleurs, vous pourrez compter sur votre arbalète, bien utile face aux adversaires à distance. Vous pourrez également piéger vos adversaires à l’aide de mines, mais aussi de bombes à jeter.

Le gameplay et les combats s’avèrent donc dynamiques et bien pensés, même si vous devrez faire avec une IA stupide, et un déséquilibrage assez important – surtout dans l’acte trois qui vous propose d’affronter, en guise d’ennemi classique, les boss sur lesquels vous aviez lutté tout le long du jeu. Vous pesterez aussi sur l’infâme boss de fin, qui représente un challenge intéressant pour tout amateur de Dark Souls dans le dernier niveau de difficulté. Vous pourrez regretter un level design assez plat, quoique satisfaisant dans l’acte un et deux, mais beaucoup moins dans… Ah nan j’en ai marre, j’ai assez parlé d’acte trois aujourd’hui !

Le système d’évolution fonctionne du tonnerre ; on monte assez rapidement en niveau, et on acquiert à chaque palier franchi deux points de compétence à investir parmi trois arbres (pyromancie, guerrier et roublard)… ainsi qu’un précieux point de trait à investir afin de spécialiser notre personnage dans des domaines plus divers – au hasard la récupération, le marchandage, les dégâts infligés par les pièges ect… Vous aurez aussi la possibilité de fabriquer des objets, ainsi que de modifier vos armes et armures afin de les personnaliser et de les orienter vers votre style de jeu. Un système de jeu très riche qui n’a pas vraiment le temps d’être parfaitement exploité par le joueur car, en ligne droite, le titre se boucle entre huit et douze heures, entre quinze et dix huit avec les quêtes secondaires, et pour les perfectionnistes, en une vingtaine d’heures. On était en droit d’attendre mieux d’un gros titre, mais l’ensemble est fluide, le rythme est bon, et globalement on ressort satisfait du jeu, en ayant débloquer une des trois fins… D’ailleurs, pourquoi ne pas toutes les faire ?

 

Alors Bound By Flames, c’est comment ? Eh bien c’est rassurant d’un côté (actes un et deux) et décevant d’un autre, car les ambitions du studio sont une nouvelle fois étouffées par un manque de temps et de budget. On n’est plus au niveau artisanal d’un Mars : War Logs (… ça perd en charme aussi d’ailleurs), mais une maîtrise toute autre ressort de ce A-RPG. Avec plus de temps et d’argent, peut-être aurions nous eu un très bon jeu. Nous devrons nous contenter d’un jeu correct, qui augure du meilleur pour le vrai projet de Spider, c’est à dire The Technomancer. Affaire à suivre en 2016, et il va de soi que je vous en ferai un retour !

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

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