Rise Of The Argonauts

Rise Of The Argonauts

Les seconds couteaux, les side-kicks rigolos, les acteurs de secondes zones ; bien souvent ce ne sont pas eux qui font le sommet de l’affiche. Pourtant, ce sont ceux qui nous marquent le plus, parce qu’à être moins exposés, ils s’efforcent de se faire remarquer. Cela peut s’avérer malheureux dans certains cas, et heureux dans d’autres. Mais qu’importe, l’intention est toujours superbe, car il n’y a rien de plus beau qu’un « regardez-moi » qui vient du cœur. Aujourd’hui, nous allons regarder avec tendresse l’un de ces oubliés, Rise of the Argonauts (ROTA). Je lui dois bien ça.

 

 

Une aventure épique, à la hauteur du mythe

ROTA est donc un jeu d’action / aventure, avec de légers accents de jeu de rôle via une petite gestion des statistiques, des choix d’équipement, ainsi qu’un système de dialogue dont découle des options de dialogue qui influenceront légèrement l’expérience. Il fait parti de cette future tendance des jeux hybrides, qui piochent ce qui les intéresse chez les autres genres, au mépris des cases. Le titre affiche donc des ambitions réelles et impressionnantes : proposer l’épopée de Jason et des Argonautes au sein de la mythologie grecque. Rien que cela. Un cri d’amour aux laissé-pour-compte qui aimeraient bien un jour voir cette période traitée de manière franche et passionnée. Et malgré bien des écarts, ROTA s’avère être un jeu fidèle à sa vision d’origine ; l’ambiance et le contexte rappellent bien cette période fantasmée, avec son lot de créatures étranges, de situations oniriques, de batailles épiques, viscérales et dynamiques.

Avant toute chose, il faut dire que le jeu est correctement écrit, bien narré, et maintient un rythme soutenu durant l’aventure. On s’attachera au héros Jason, et à sa quête pour parvenir à trouver la toison d’or et sauver sa bien aimée des griffes de la mort. Il sera pour cela accompagné des Argonautes, bien moins nombreux qu’il l’espérait. En effet, à peine trouverons-nous cinq camarades pour occuper l’Argo, navire que Jason en tant que roi d’Iolcos, s’est offert et il usera du bateau « navire ! » afin d’arriver à ses fins. Ses camarades d’infortune sont tous intéressants, et leur apparence est globalement correcte, même si Hercule le bodybuilder aura tôt fait d’en faire rire plus d’un.

Et pour ne rien gâcher, des quêtes secondaires – en plus de la principale – s’avèrent correctement écrites elles-aussi, permettant de gonfler une durée de vie jusqu’à vingt heures de jeu. Cela peut paraître peu pour un jeu d’aventure, mais en toute honnêteté, le titre ne souffre pas de sa durée et s’avère même si bien rythmé que la décevante fin arrive à point nommée. Décevante, car expédiée, au même titre qu’une introduction un brin rentre-dedans. On notera tout de même que la mise en scène des dialogues reste tout à fait sommaire et ne va jamais vous surprendre ; le même angle de caméra revient éternellement. Dommage quand on sait que la grosse moitié du titre se compose de dialogues.

Pour en revenir au ressenti générale de l’aventure, il est très bon, l’addition des personnages intéressants, d’éléments mythologiques, d’un contexte assez fouillé et d’ambiances soignées, donne à l’aventure une véritable force. Difficile de se détacher du jeu une fois l’aventure lancé tant les scénaristes ont su maîtriser le potentiel de leur histoire du début à la fin, le jeu sait rythmer son contenu et arrive à capter l’attention du joueur à chaque nouvel environnement, et c’est un exploit, car le jeu ne manque pas de défauts agaçants comme je vais les présenter au fur et à mesure de la critique.

Je tiens aussi à dire et signaler à quelques critiques lues ça et là, concernant la fameuse « fidélité au matériel d’origine ».  Car les libertés prises par le jeu par rapport au mythe sont nombreuses et cela a été critiqué. Hors je trouve cela tout à fait stupide. Rise of the Argonauts n’a pas ambition de nous apprendre quelque chose, mais d’utiliser une ambiance, une époque et ses fantasmes afin d’en extirper le plus de choses qui rendent un jeu vidéo agréable. ROTA prend les éléments qu’il souhaite du mythe afin de le réécrire pour l’adapter au média. C’est un choix qui relève plus de l’intelligence que de l’irrespect. Il faudrait déployer des moyens bien plus imposant que ceux du jeu pour s’approcher fidèlement du mythe, ROTA ne fait qu’utiliser des personnages et réécrit le mythe afin de faire un but plus facilement à même d’amener de nombreux affrontements et plus de voyages au joueur. C’est un choix de game design avec tout ce qu’il comprend en coupures et transformations nécessaires.

 

 

Une bande son fabuleuse, salie par l’incompétence

Cette aventure épique et bien rythmée est soutenue par une bande sonore de haute volée, exécutée par le talentueux Tyler Bates. Si vous êtes un mordu de soundtrack de qualité, vous saurez sûrement que c’est le compositeur de la musique du fabuleux film 300. Il est aussi, depuis 2014, devenu le guitariste de Marilyn Manson… Comme quoi. Le bruitages manquent un peu de pêche par contre ; rien de choquant ou de frustrant, mais on aurait sans doute apprécié un peu plus de puissance et d’impact dans des affrontements pourtant bien mis en scène.

Je m’arrête plus longuement sur la musique afin de souligner l’investissement et le travail déployé afin de la réussir la plus parfaitement possible. Pour le coup, Rise of the Argonauts marque un excellent point. Là où les productions secondaires voient en leur soundtrack une simple façon de meubler l’exploration (Lords of the Fallen entre autre) ROTA sait pourquoi la musique est là. Accompagner et soutenir le joueur dans sa quête. Je salue la travail du compositeur qui n’a pas choisi de mépriser le média et a rendu copie parfaite à quelques compositions ennuyeuses près. Mais, ce léger bémol n’est rien comparé au plus gros défaut du jeu.

Franchement, qui s’est occupé des doublages français ? Je veux dire, dites-moi qui s’est occupé du mixage sonore que je lui brise la nuque ! Comment peut-on avoir des doubleurs globalement corrects et saloper leur travail en faisant n’importe quoi ? Les voix sont en sourdine pendant deux minutes et une seconde plus tard, cela hurle en grésillant. Ah mais non en fait, ça grésille constamment, et les voix ne sonnent jamais de façon naturelle, comme s’il les avait modifié afin qu’on ait l’impression de revenir dans les premières années du doublage des jeux vidéo. A votre bon souvenir, le fameux “tu veux qu’on se tire l’oreille ?” de Metal Gear Solid premier du nom. Monsieur « je n’sais pas qui« , la prochaine fois, fais bien ton boulot, ou change de métier.

 

https://loutrage.fr/wp-content/uploads/2015/11/Rise-Of-The-Argonauts-Clash-Of-Champions-Soundtrack.mp3

 

Une beauté Spartiate

La réalisation graphique quant à elle s’en sort avec les honneurs, même si énormément de bugs graphiques sont à déplorer (en même temps, c’est de l’Unreal Engine 3…). Et vas-y que ça clignote, que ça apparaît au dernier moment, que ça disparaît. Préparez des lunettes de soleil également, parce qu’un changement de zone est naturellement suivi d’un éclairage changeant qui a le bon goût d’exploser vos yeux. Merci pour mon ophtalmo, ROTA. Hormis ces défauts dû en majeure partie à la jeunesse du moteur graphique, l’ensemble s’avère de bonne facture, avec des textures et des éclairages corrects malgré leur tendance à briller comme une bombe nucléaire à leur chargement.

Les environnements sont plutôt bien modélisés malgré la relative pauvreté en termes de détails. On ne peut pas en dire autant des personnages secondaires – franchement laids – qui possèdent une fâcheuse tendance à disparaître une fois que vous vous situez à dix mètres d’eux. Cela dit, les adversaires sont nombreux, variés et font preuve d’une modélisation globalement réussie. Vous devrez faire sur console avec un framerate quelque peu limite. En effet le 30 fps nous fait très rarement le plaisir de sa présence ; si vous êtes sensible à la fluidité, veillez à vous faire violence avant de vous lancer dans cette aventure.

Malgré cela, la direction artistique s’avère assez bonne, faisant varier les couleurs (ce qui est un exploit en soi, vue la fâcheuse tendance du moteur à proposer du gris ou du gris) et les ambiances. Les environnements se renouvellent également sans cesse, proposant ainsi une narration par le décor assez intéressante, et permettant à l’aventure de ne jamais s’avérer répétitive. Un petit tour de force qui devrait inspirer certains titres modernes ! Il faudra tout de même – malheureusement – faire avec des environnements peu vastes et constitués de couloirs. Leur variété permet de faire passer le dirigisme assez prononcé de l’histoire, même si vous pourrez à tout moment retourner sur une île déjà visitée afin d’y accomplir une quête secondaire, et peut-être étoffer votre collection d’armes et d’armures. Ces dernières influencent vos statistiques de combat.

 

 

Une jouabilité efficace à défaut d’être originale

Parce que oui, on y fait quoi dans les couloirs / arènes de ROTA ? Bah on distribue des tatanes comme dans tous les jeux d’action. Avec son système de combat brutal, dynamique et franchement jouissif, le jeu n’est pas vraiment ennuyeux. Au contraire même, il propose trois types d’armes : l’épée courte, la lance et la masse – en plus du bouclier du héros. Il faudra apprendre à parer, esquiver, adapter son arme à l’adversaire (une masse aura tôt fait de briser une garde un peu trop efficace contre une épée), et gérer parfois plusieurs ennemis. Les rixes s’avèrent assez faciles mais trompeuses ; elles connaissent d’occasionnelles piques de difficulté pas forcément bienvenues. Mais, globalement, les affrontements s’avèrent extrêmement plaisants, et ne tombent jamais vraiment dans la redite. ROTA profite d’ailleurs de finish particulièrement gores, et donc savoureux à regarder… Mais n’oubliez pas : tuer, c’est mal.

Petite déception tout de même : vos adversaires ne sont pas des flèches.  En ce sens, ne les imaginez pas réactifs, puissants ou même rusés. Et en dehors de cela, vous aurez droit à des dialogues entièrement mal doublé, et à un système de réponses multiples très pertinent. En effet, il existe quatre dieux qui soutiennent Jason dans sa quête, et qui sont : Athena, Arès, Hermès, et Apollon. Chacun vous propose un type de réponse qui ira dans un sens différent. Chaque réponse en accord avec un dieu renforcera votre lien avec celui-ci, et vous permettra d’améliorer vos capacités dans leur domaine de prédilection. Ceci en fait un des systèmes d’évolution les plus pertinents que j’ai eu la chance d’expérimenter ! Malheureusement, comme le titre s’avère extrêmement branché action et beaucoup moins exploration (très sommaire, en effet) les seules améliorations dont vous profiterez n’influeront que peu les affrontements.

Cela dit, le fait que la jouabilité et la forme des combats s’accordent avec la direction artistique montre un soin certain apporté par les développeurs. Il est toujours plaisant de sentir que ce que l’on fait est directement influencé par ce que l’on voit et entend. ROTA est brutal comme l’époque qu’il dépeint, au même titre qu’un 300, il s’avère grotesque parfois afin de coller aux dimensions épiques de l’aventure. C’est une forme de soucis du détail plus rare qu’il n’y paraît. On peut aussi noter que le système de dialogue fait relativiser le dirigisme de l’aventure, car on a vraiment l’impression de pouvoir choisir l’allégeance du personnage envers un ou plusieurs dieux. Cela fini par tromper la répétitivité et améliore la globale fluidité de l’aventure, achevant le travail du studio à rendre le jeu addictif et globalement très recommandable.

 

 

Rise of the Argonauts est un jeu avec d’énormes défauts surement rédhibitoire pour beaucoup de joueurs, mais c’est aussi et surtout un jeu qui est une adaptation et une réécriture intelligente d’un mythe. Reprenant la dimension épique et créant de nouveaux enjeux tragiques, ROTA propose une aventure plaisante et bien écrite qui ravira les amateurs de belles histoires, mais aussi ceux qui savent apprécier des ambiances travaillées ou même des A-RPG tout à fait recommandables. Peu connu à sa sortie, et peu connu après, il est le typique exemple des jeux qui passent au dessus de tous les publics, et qui mériteraient beaucoup plus d’intérêt. Un jeu que je recommande vivement.

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

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