The Last Of Us

Savez-vous ce que signifie la “hype” en langage presse vidéo-ludique ? Déjà, je préfère le terme “engouement” en bon français, mais passons. La hype, c’est le trop plein d’enthousiasme légèrement douteux qui entoure la sortie d’un titre. Bien souvent, le titre en question est à très gros budget, édité par des gens avec beaucoup de gros sous, et créé par un studio plus ou moins talentueux. Cette introduction a pour but de vous dire simplement que la sortie de The Last of Us fut comme l’arrivée du messie, tant la presse lèche-botte et la fin de génération accentuait l’impact d’une exclusivité aussi fortement vendue.

Mais tout ceci, c’était en 2013, et aujourd’hui, nous sommes fin 2015. Les nouvelles générations sont installées, et le temps a donné raison aux quelques irréductibles qui n’ont pas été complètement happés par cet engouement. Aujourd’hui, The Last Of Us n’est ni un classique, ni un titre légendaire…

… Mais qu’on ne se trompe pas, c’est surtout un très bon jeu.

 

Quand la masse répand la mauvaise parole

Gears Of War 3 est une déception. Uncharted est trop peu interactif. Fable 3 a perdu l’esprit de la série. Mario s’encroûte. Eh oui, j’admets ne pas trouver Naughty Dog infaillible, surtout depuis la septième génération. Par le passé, les petits Dogs ont en effet brillé par de fabuleuses séries, comme Crash Bandicoot, Jak and Daxter (… ses suites étant bonnes, sans vrai plus), et par un premier Uncharted assez frais. Mais pour ma part, c’est à peu près tout. Je n’ai pas énormément de respect pour un studio qui tourne, au fur et à mesure du temps, le dos au gameplay afin de mettre toujours plus en avant des scripts, de la narration et du cinéma à peine correct. Voilà, si je devais résumer Uncharted 2 et 3, je dirais que le 2 maîtrise un peu mieux la formule et est magnifique, tandis que le 3 est tout pareil que le 2, mais n’apporte rien. Et rien que pour cela, l’engouement entourant la sortie de Last Of Us… Bah j’étais loin de le partager, et quand vint la sortie, je fus un peu surpris… Enfin, pas qu’un peu pour le coup.

Des 10/10, des 9,5/10, des 99/100, et des éloges, des éloges partout, tout le temps, sans arrêt… Bordel les gars, un peu d’amour-propre, pitié ! Sérieusement, comment peut-on claquer tant de notes dithyrambique afin d’arriver à une moyenne de 95/100 sur Metacritic ? N’allez pas me faire croire que le jeu a plu à tant de monde que personne ne tente de rétablir un minimum la vérité sur le titre. Parce que contrairement à ce qu’on a essayé de nous faire croire, ce n’est pas le meilleur jeu de la génération, ni de tous les temps. Parce que de un, sans vouloir lancer de débat, Bioshock l’écrase, Fallout : New Vegas aussi, ainsi que d’autres titres également.

L’amnésie est un grave problème vous savez ; ce n’est pas parce qu’un jeu sort en dernier qu’il est forcément meilleur que tous les autres. Reste que ce constat de l’impact du simple fait de récence sur l’opinion publique reste assez terrifiant. Un peu comme l’impact de la nostalgie sur l’opinion d’un jeu censé être moderne… Enfin, assez tergiversé, sinon cela va partir en guerre ouverte, et je pense avoir déjà assez de problèmes avec les lobbys défendant les vieilleries. Aujourd’hui c’est The Last of Us, avec ce qu’il faut de guitare sèche, et suffisamment de pompage sur le cinéma post-apocalyptique pour en outrer Life is Strange.

 

Ce n’est pas un garçon cette fois…

Grossièrement: c’est l’histoire d’un quarantenaire taciturne et sombre (… encore), et d’une adolescente qui vont traverser les États-Unis afin de peut-être produire un vaccin permettant de sauver l’humanité. Un homme qui escorte une fille dans un univers post-apocalyptique, personnellement ça me rappelle La Route (1), dans un monde rempli de simili zombies / infectés / on-s’en-tape ça me rappelle The Walking Dead de Telltale (2), avec une solution mondiale au problème tout à fait pompée sur l’immunité au virus comme dans 28 semaines plus tard (3)…

Bon, jeu, je te préviens direct, j’aime pas les coïncidences bien trop nombreuses. J’aime qu’on me raconte une histoire qui a au moins la décence de ne pas ressembler à tout ce que j’ai pu lire / jouer / voir auparavant. Tu n’arrives pas à esquiver les stéréotypes, soit. Tu n’arrives pas forcément à être original dans ton gameplay, passe encore… Mais fait au moins en sorte que cela ne soit pas aussi évident. Merci beaucoup !

Donc, maintenant que vous êtes introduit à la plupart des éléments du scénario du jeu, et que vous avez sûrement vu à mille lieux ce qui allait globalement se passer, venons-en à la qualité de l’ensemble. Oui, The Last Of Us est bien écrit et traite la relation entre les deux protagonistes de manière cohérente à travers un ton crédible. Oui, The Last Of Us réussit à véhiculer à l’occasion des émotions assez fortes, arrivant même à impliquer le joueur au point de lui faire haïr des personnages. Oui, il bénéficie d’une atmosphère riche et travaillée qui permet à l’aventure de bénéficier de moments de grâce. Est-ce que le jeu est malgré tout original dans son approche ? Non.

Est-ce qu’il fait bien ce qu’il propose ? Oui. Mieux que la majorité des autres jeux, sans souffrir d’ailleurs de concurrences sérieuses en matière de triple A grands-public. Il souffre par contre, selon moi, d’un problème assez gênant de rythme ; une introduction fracassante (… et assez osée, pour le coup), deux premiers tiers un peu trop plats, voire carrément prévisibles et ennuyeux par moment, avant de décoller vers les plus hauts niveaux dans son dernier tiers maîtrisé d’une main de maître. The Last Of Us fait donc parti de ces nombreux jeux qui nécessitent de se faire violence pour en tirer le meilleur, un peu comme “l’infâme” Two Worlds 2 en son temps (… je t’aime mon ami, rappelle t’en jusqu’à ta disparition de tous marchés).

Donc est-ce que niveau écriture et tout ce qui concerne cette classification le jeu est juste bon ? Non heureusement, sinon rien n’aurait pu justifier la critique unanime. The Last Of Us profite d’un ton tout à fait singulier ; il y a un naturel dans la narration, dans les dialogues, dans l’univers, où tout est crédible… au point d’en être troublant, jusque dans le jeu d’acteur. Le jeu permet de montrer un exemple de projet compris et bien entouré. Tous les acteurs nécessaires à la création du titre semblent avoir compris où il fallait aller, à commencer par les graphistes et le directeur artistique qui ont rendu une copie au visuel bluffant, simplement bluffant, mais je vais en parler dans une autre partie.

 

Comme un parfum de perfection apocalyptique

La PS3 était mourante, tout le monde attendait la nouvelle génération, les jeux s’enchaînaient et n’arrivaient pas à frapper fort. Alors les Dogs ont décidé de frapper une dernière fois un grand coup en exploitant au mieux leur moteur préféré maison. Si le jeu a des soucis techniques évidents (… un temps de chargement affreusement long au démarrage, un framerate très souffreteux, un problème de surchauffe de la machine poussée à bout) il propose ce qui s’est fait de mieux sur la septième génération avec Red Dead Redemption, Halo 4 et Beyond Two Souls.

Sur le plan réalisation graphique, le jeu profite d’un affichage photo-réaliste très crédible, avec des bâtiments à l’échelle parfaitement respectée, des textures précises malgré un flou un peu trop prononcé. On regrettera bien sûr un crénelage prononcé mais le déchirement de l’image est inexistant. En dehors de cela, l’eau est magnifique, la végétation très correcte, et la disposition des lieux et la direction artistique s’avère parfaitement réussie. Cette dernière propose une conception des niveaux très crédible, à défaut d’être efficace, mais j’y reviendrai.

Donc, si vous traversez The Last Of Us, vous serez constamment époustouflé par la réalisation technique qui écrase une immense partie de la concurrence, et s’avère suffisamment dingue pour convaincre une grosse partie des joueurs qu’il s’agit du plus beau jeu de la septième génération. On peut lui opposer Halo 4 pour le plaisir, mais le débat devient subjectif. Là où ça l’est moins, c’est dans le character design, ou même le design en règle générale, des infectés notamment… Eh bien je trouve cela très plat, et pas transcendant pour un sou ; ce sont des infectés avec des mutations sur la tronche, et cela n’a rien de surprenant. C’est très froid, mais c’est crédible.

Ce que je souligne, c’est que The Last Of Us n’essaye pas d’être superbe, d’être visuellement fantaisiste ; c’est d’un réalisme et d’une crédibilité plaisante. Ce qui en fait un point fort, à mettre en relation avec la performance de chaque acteur du titre, qui se sont efforcés d’avoir l’air de survivants dans un monde parallèle et dans la lignée du nôtre, un futur post apocalyptique sans fantaisies. Froid et brutal, c’est bien cela.

Au niveau de la mise en scène, elle s’avère assez excellente, s’inspirant des grands classiques du cinéma d’horreur, une mise en scène appuyée par les musiques efficaces de Gustavo Santaolala. Pour sa première collaboration avec un studio de jeux vidéos, il offre un travail surprenant, avec quelques réussites impressionnantes, et des morceaux bien plus plats. Inconstant, un peu comme le rythme du jeu. Sans compter que le mixage sonore s’avère assez chaotique, bien trop faible dès lors que le jeu arrête ses cinématiques… Aïe. Sinon les bruitages sont assez réussis (… les claqueurs, souvenez-vous des claqueurs !) et font un travail très correct, permettant d’appuyer un peu plus l’ambiance survival horror / road trip du titre.

Pour vous donner une idée plus précise de ce qu’est la musique de The Last Of Us à son meilleur, voici un extrait :

 

 

Et parce qu’il faut bien le dire, la musique du jeu à son plus bas niveau, c’est cela :

 

 

L’essence du jeu vidéo laissée pour compte

Vous êtes un triple A, vous êtes développé par les Dogs, c’est à dire les gars qui ont pondu le premier Jak and Daxter. Vous vous attendez logiquement à déchirer la baraque niveau gameplay… Ah mais oui, mais non en fait, car Uncharted est passé par là…

Après, un gameplay simple peut être tout à fait réussi (Halo premier du nom), et je ne porte pas de jugement sur la nécessité d’un gameplay riche pour faire un bon jeu, mais tout de même ! The Last Of Us n’invente une nouvelle fois rien, et se contente de regarder la génération passée en se disant “et si on faisait du survival horror action avec un mode concentration ?” Résultat, le corps à corps est simplissime et enrichi de QTE (… ils ont osé, putain), les affrontements au pistolets sont lourdingues, et l’intégralité de l’équipement ne dépasse pas les 10 armes qui ont un feeling globalement plat.

Bien évidemment, à cela se greffe une pseudo infiltration qui envahit les jeux triple A sans jamais vraiment se justifier. Elle est à peine agrémentée d’une vague gestion de l’ouïe des adversaires, que vous bernerez avec des bouteilles et des briques à jeter. En dehors de cela, vous aurez aussi un système de craft basé sur la récupération d’objets pas très variés (… avec animation de ramassage hilarante à la clé, étant donné que le héros pince littéralement tout ce qu’il trouve). Cela s’avère à l’usage tout de même pratique et permet de créer quelques bombes. Pas de quoi varier le gameplay cela dit, vu que j’en suis certain, les Dogs n’ont pas misé dessus.

A côté de cela, durant les quelques rixes qui ponctuent l’aventure, vous vous confronterez à l’une des intelligences artificielles les plus stupides que j’ai pu voir. Face à l’échec évident dans la création de celle-ci, les développeurs ont décidé de rendre vos alliés invisibles aux yeux de l’ennemi, car vos compagnons passent leur temps à faire n’importe quoi. Quand vous vous cachez d’un ennemi, il n’est pas improbable que votre attardé de compagnie vienne lui aussi se cacher devant l’ennemi, à la lumière d’un feu, en marchant sur des coussins péteurs et en hurlant un conseil à votre attention. Votre adversaire regardera la scène avec la plus grande lassitude du monde, en se disant mentalement “et pourtant, je ne vois pas cet abruti”.

Et c’est pareil pour les affrontements. Si vous êtes accompagné de trois alliés, bombardant la gueule de vos adversaires avec des couteaux / balles / grenades / bombes nucléaires, vos ennemis ne les attaqueront pas, car ils vont se concentrer sur vous et vous seul… quand bien même vous êtes caché derrière le champ de bataille, avec un camouflage et planqué dans les hautes herbes. Et tout ça parce que l’IA ennemi part du principe qu’elle est dans un jeu vidéo, et que le game over passe par la mort du héros principal et rien d’autre. Autant dire que pour l’immersion, c’est raté ! Je ne cacherai pas les autres problèmes de l’IA, dont le champ visuel est quasiment nul, et l’ouïe complètement éteinte, à croire qu’elle est équipé de boule Quies, en plus de profiter de l’expertise visuelle d’un Ray Charles. Autant vous dire que le jeu n’est pas super réussi en infiltration, d’autant que la difficulté est peu élevée.

Heureusement, The Last Of Us ne propose pas que ses joutes pour amuser le joueur, il lui arrive fréquemment de reposer sur des lieux plus calmes, propices à une exploration assez poussée, avec nombre de petits recoins à dénicher. Ces moments de calme sont d’ailleurs les meilleurs du jeu, car ils permettent de saisir le soucis du détail qui a animé les Dogs, de constater que la PS3 en a dans le bide, et de voir le jeu sous son meilleur jour : un road trip post-apocalyptique réaliste et étrangement reposé. Et cela permet au jeu d’avoir une réelle identité lorsqu’il propose de la contemplation au lieu de l’action en elle-même. Je vous l’accorde, cela en fait un jeu singulier, vu que le contemplatif l’emporte sur le ludisme pur et dur. C’est une tendance qui a du mal à s’inverser, ce qui est dommage pour le public amateur de gameplay, mais bienvenu pour celui préférant la narration.

Personnellement, je continue à croire que, à la manière d’un Journey, il est possible de raconter une histoire sans trop de cinématiques, et sans ralentir le jeu. Mais ce n’est pas le débat. Comptez environ quinze heures pour finir le titre, dont six de narration en cinématiques. Cela reste tout à fait honorable, pour un jeu porté par de bonnes intentions, mais qui aurait sûrement gagné à bénéficier de plus de soin sur le côté ludique. Mais le fait est que The Last Of Us m’a presque arraché quelques larmes dans son dernier tiers, et rien que pour cela, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il est un indispensable. A noter que je n’ai pas testé le multi, car le gameplay ne m’intéresse pas, ni la version PS4, parce qu’elle ne m’intéresse pas non plus, mais il reste bon de le noter.

 

Pas le jeu de l’histoire, pas le jeu du siècle, pas le jeu de la génération, mais peut-être le jeu de l’année. Voilà comment je répond à toutes les déclarations un peu trop enflammées de la presse de 2013, et de son public. Cela dit, rendons à Caesar ce qu’il lui appartient : The Last of Us est un très bon jeu, muni d’intentions bien exécutées, bien écrit, porteur d’un rythme particulier, d’une ambiance intéressante, et d’un jeu d’acteur formidable. Il reste un titre parfaitement dans son bon droit d’être un des excellents jeux de la septième génération. J’attendais les Dogs ailleurs, mais leur maturité d’écriture m’a fait relativiser la déception de leurs nouveaux codes. Peut-être arriveront-ils à concilier la narration et un brillant gameplay un jour. En attendant, bien joué les gars, vous accouchez d’un des meilleurs jeux narratifs avec ce titre. Un encouragement à l’acquisition pour ma part.

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

Un commentaire sur “The Last Of Us”

  1. redd dit :

    intéressant d’avoir un avis qui tranche un peu avec l’unanimité qu’on peut voir dans la presse !
    bon en même temps, c’est une exclu console donc je pourrai jamais y jouer, donc ‘m’en fous smile
    mais intéressant quand même !


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