Ce que pourrait signifier l’annulation de Scalebound

Ce que pourrait signifier l'annulation de Scalebound

J’ai la haine, et c’est normal. Je commence l’année par une soirée un 9 janvier, où l’on m’annonce l’annulation de Scalebound. J’étais beaucoup trop optimiste ces derniers temps faut croire, un peu trop de bien à dire, et là, en environ une heure de doutes, de murmures, et de rumeurs, Scalebound meurt, fruit d’un développement de trois ans et demi, et d’autant de temps d’attente pour ma part. J’avais une Xbox One un peu (… beaucoup) pour lui. J’attendais 2017 avec impatience notamment pour lui. Maintenant, la couleur de l’année est donnée : une immense partie du potentiel ludique de Microsoft Studio s’en est allé dans le désespoir de l’un de mes game designers préférés : Hideki Kamiya. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

 

D’abord des raisons internes

J’aurais aimé vous offrir un autre article sur Platinum Games avant celui-ci, mais l’annonce de l’annulation de Scalebound change la donne, et ma vision de la boîte est désormais bien plus sombre vis-à-vis de son avenir. Scalebound est en développement au moment où Platinum Games sombre dans les projets de commandes après avoir prôné la créativité. Scalebound est la seule lueur d’espoir dans ce sombre paysage pour un studio à l’origine brillant. Mais aujourd’hui, le jeu n’est plus. On sait que Kamiya a mal pris la décision, comme tout le monde, mais il semble que les rumeurs d’une dépression de sa part sont abusés « And… I took time off for my mental Health ?… me ?! No way. « 

Ce changement de politique est plus ou moins venu après la sortie de Vanquish et le départ de Mikami qui a commencé à faire bouger les choses. L’Éden que représentait le studio pour la crème des développeurs du Japon commençait à ressembler à autre chose, direction artistique incertaine, des créatifs plus contraints par le marché et ses demandes, et des exploitations de licences pour le compte d’Activision. On aurait aimé croire que cela n’était que transitoire, et les contrats signés avec Nintendo pouvait faire penser que c’était le cas (… la résurrection de Bayonetta 2, The Wonderful 101), et surtout l’annonce d’un Kamiya gonflé à bloc pour Scalebound. Aujourd’hui, Platinum Games prévoit de faire un jeu console adapté d’un même manga (Grandblue), et produit le projet de commande Nier Automata… que dire ? Seul Nier Automata est animé d’une bonne intention.

Est-ce que ce changement de politique drastique ne donne pas déjà un indice sur ce qui aurait pu se passer pour Kamiya avec le projet Scalebound ? Effectif réduit à mesure régulière (… les projets s’enchaînent, et malgré quelques équipes, de l’effectif a forcément dû être absent), manque d’enthousiasme à l’idée de sortir un jeu trop ambitieux, développement qui piétine avec un moteur nouvelle génération gourmand devant proposer un visuel sublime pour un univers gargantuesque ? Des raisons internes, oui, surement. Peut-être est-ce un peu de cela lorsqu’il est question d’annuler le titre.

 

Un Microsoft toujours moins concerné dans sa Xbox

L’annonce de la Xbox Scorpio était peut-être aussi un prétexte pour masquer l’intention de Microsoft de se retirer du marché console, en mettant en place la politique pourtant saine de rendre accessible leurs jeux sur PC. La One n’était après tout qu’un PC gamer de salon bas de gamme et accessible à tous, sabordée par son kinect obligatoire. La Scorpio est juste une version boostée de cette console, rien ne change, sauf la direction, du moins en théorie. Qui montrer du doigt en telle situation ? Quand on voit dans quel état est sorti Recore, on se demande s’il n’est pas sauvé de l’annulation par la branche Xbox qui craint une nouvelle restriction des budgets, qui craint de devoir annuler un autre projet parce que Microsoft investi de moins en moins. La décision était peut-être d’oublier les nouvelles licences ambitieuses après la débâcle successive d’un Ryse : Son of Rome, Sunset Overdrive, et Quantum Break. Peut-être y avait-il cette volonté de se concentrer sur les licences fortes comme Halo, Gears of War, et Forza, ainsi qu’investir pour des exclusivités temporaires tel Rise Of The Tomb Raider et Dead Rising 4 pour donner un peu de sex appeal à la machine pour le grand public.

Alors la solution serait des Recore, des Ashen, des Ori, des Cuphead des Tacoma, des D4 peut-être aussi, soutenir des productions inédites, mais toujours moins chères, et les élever en tant que triple A lorsqu’il s’agit de les marketer. Après tout, on a réussi à nous faire croire jusqu’à l’annonce du prix que le jeu d’Armature, Comcept et Asobo nommé Recore était un jeu ambitieux à gros budget. Elle est désormais révolue cette époque où Xbox mettra des gros sous pour faire de gros jeux quelques peu inédits, on ne s’étonnera d’ailleurs pas du prix annoncé pour Sea of Thieves sur Amazon espagne, 25 euros en précommande, signe d’une production modeste mais carré, du moins sommes nous en droit de l’espérer.

Mais pouvons nous vraiment en vouloir à la branche Xbox pour le coup ? Difficile d’être Phil Spencer en ce moment qui doit jongler entre les demandes des actionnaires, les souhaits des joueurs et trouver de l’argent entre les investissements ahurissants pour des jeux comme Forza Motorsport 7 (!) Halo 6 (!) et Gears of War 5 (!) qui ont déjà pour certains largement débuté leur développement. La solution serait de revoir à la baisse l’ambition de ses gros titres, ou améliorer la durée d’exploitation des précédents opus pour laisser des fonds pour le reste de la production, parier sur les micro-transactions et l’attachement de la communauté pour « financer » l’attente supplémentaire entre chaque opus. Moi même j’aurais été d’accord de repousser Halo 6 de deux ans encore pour pouvoir toucher à Scalebound, ils auraient même pu l’annuler cet Halo. Mais reste qu’il est toujours plus facile de vendre un nouvel opus d’une licence installé qu’une nouveauté, Recore et Quantum Break ne diront pas le contraire.

 

Une stratégie qui a ses limites clairement identifiables

Commercialement, Scalebound aurait été un cuisant échec. Le Japon ne consomme pas Microsoft et ne l’a jamais fait, alors Scalebound se serait vendu dans les niches de joueurs occidentaux, alors qu’il était vendu depuis toujours comme un blockbuster aux ambitions dantesques. Annuler le jeu est donc d’un point de vue commercial assez logique ; on stoppe les frais marketing, pas de multijoueur à alimenter, ni de serveurs à entretenir. Une décision qui n’est pas sans rappeler l’annulation de Fable Legends et la suppression du studio Lionhead, qui dans le premier cas n’avait pas de public défini, et dans le second était infoutu de faire quoi que ce soit de bon sans son game designer attitré, Peter Molyneux. Oui, on crache beaucoup sur le bonhomme, la langue trop pendue, rêveur, ect… mais Fable, c’est lui les copains. C’est un monsieur respectable. Il dit de la merde, mais dans les faits, il est bon.

Mais annuler une nouvelle licence, c’est aussi tourner le dos à l’opportunité de créer une franchise, parce qu’à l’instar d’un Recore, Scalebound était déjà prêt à étendre son univers avec un roman. L’avortement de ce projet, même si son potentiel commercial était incertain, est une nouvelle manière d’affirmer que Microsoft, en tant qu’éditeur de jeux vidéo, n’a pas d’avenir autre que ses licences déjà installées. Sauf que Gears Of War 4 a méchamment bidé, tandis que Halo 5 a subi de plein fouet la déception du 4. Si l’intérêt s’étiole maintenant, que restera t-il pour leurs suites ? Pas grand chose de plus que le chiffre de vente d’un Forza, qui profite de son annualisation pour être rentable. Néanmoins, on ne peut ni annualiser un Gears Of War, ni un Halo. Et non, Halo Wars 2 ne compte pas (… jeu de commande, au passage).

Microsoft ne sait plus quoi faire ni où aller. La démoralisation des troupes après l’annonce catastrophique de la Xbox One a largement affecté le potentiel du constructeur dans le domaine des consoles. Malgré les efforts (… réels hein, l’annulation de Scalebound n’enlève rien à la rétrocompatibilité et la générosité actuelle de Phil Spencer et ses équipes), la Xbox ressemble de plus en plus à ce que les gens qui n’y jouent pas en voient : un sous-PC qui ne propose même plus d’exclusivités constructeurs satisfaisantes et originales. L’année 2016 semble charnière pour Microsoft, avec un Quantum Break mal accueilli malgré le soutien médiatique, et un Recore laissé tomber qui a tant bien que mal fait son trou en tant que double A. Difficile d’être optimiste pour la suite.

 

Des raisons obscures, un Kamiya effondré évoqué

Il est très difficile bien sûr d’affirmer quoi que ce soit, mais Xbox, et Microsoft par extension, ne semble pas complètement fautif, même si des tensions existaient entre Kamiya et Xbox. Le fait est qu’on parle de problèmes d’ordres personnels pour Kamiya qui auraient largement affecté le développement. On le connaît caractériel, forte tête, peu ouvert aux compromis, mais les suggestions et les cahiers des charges de Microsoft semblaient le rendre fou. On parle en effet du fait que l’éditeur voulait intégrer plus d’armes à feu dans le jeu, mais aussi changer le design du héros pour l’occidentaliser, ce qui aurait fait sortir de ses gonds un Kamiya visiblement très affecté par le développement du titre et la charge de travail. Les « soi-disantes  » informations déclareraient même que Kamiya s’est montré agressif envers les membres de Platinum Games. Le monsieur est colérique, certes, mais il en faudrait beaucoup pour en arriver là.

Alors la faute viendrait de Microsoft, forcément. Ils ne peuvent être innocents dans la situation actuelle, et rien que le fait d’avoir porté le projet jusque décembre alors que de multiples problèmes étaient évoqués a de quoi laisser perplexe. Acharnement thérapeutique ? Crainte de la réponse du public après l’annulation du projet ; internet est en feu et à raison. Il y a forcément une gestion chaotique des projets internes, restrictions budgétaires mises de côté, Microsoft est obligé de traiter avec l’extérieur pour proposer des jeux, et c’est un problème qui, une nouvelle fois, trouve une malheureuse issue. Car des problèmes de développement, Too Human en avait aussi, mais c’était un projet de bien plus longue haleine. La force mais aussi la plus grande faiblesse de Microsoft, c’est qu’ils ont tendance à ne jamais revenir sur le passé. L’affaire Too Human est un bon exemple, mais il y a aussi Fable Legends, le jeu d’Obsidian annulé, et Cry On. Aucune information n’a filtré, ou si peu. Les annulations sont annoncées, et on passe à autre chose. Si encore Microsoft pouvait justifier les choix qu’ils font, on pourrait tenter de comprendre, mais encore une fois ici, la stratégie est obscure, et on devra se fier aux bruits de couloir plutôt qu’à une annonce officielle.

Scalebound a eu des difficultés de développement. Oui, et alors ? Dois-je rappeler que c’est un quasi quadruple A dont le développement n’était pas encore interminable. Des problèmes d’animations du personnage et d’imprécisions du gameplay étaient évoqués, mais pas de quoi non plus justifier une annulation pure et simple. Bien que brouillonnes, les démo de gameplay semblaient fonctionnelles, loin d’être catastrophiques, pas plus catastrophique que l’exécution bancale de pas mal de séquences d’un Recore. Non, ce qui a dû perdre Scalebound, c’est que c’est un projet externe ambitieux, ce qui ne plaît déjà pas à la nouvelle direction de Microsoft vis-à-vis de la marque Xbox, mais qu’en plus, c’est une licence qui n’a pas de potentiel commercial avéré. Réalisé par une boîte qui ne vend que peu de jeux, Xbox en tant que société s’est peut-être retrouvée au pied du mur ; annuler Scalebound, ou ne pas pouvoir investir dans des projets moins ambitieux, mais aussi plus sûr.

Avec cette somme de rumeurs et d’observations sur le développement, difficile de désigner un responsable. Microsoft ? Ils se contentent d’étudier le marché ; après présentation, la demande pour Scalebound n’était pas si importante, et il aurait surement était encore moins vendu qu’un Quantum Break. Juste une question d’argent, et en ce cas c’est une décision cohérente, mais l’impact sur l’image de la Xbox va être tout simplement terrible. Le peu de sympathie que la marque a acquise avec ses efforts des dernières années sont partis en poussière en une seule annulation. De quoi briser la positive dynamique de la One S depuis l’année dernière. Peut-être même, alimenter l’image d’une console qui ne prend aucun risque, et d’une marque qui n’a aucun avenir sauf dans le cadre d’un PC de salon low cost et assez performant, loin de l’image de la 360 qui dominait le marché pour les joueurs entre 2005 et 2010.

Qu’elles semblent lointaines les années 360, alors que 2016 montrait un espoir fugace en la marque ! Que sont State of Decay 2, Sea Of Thieves, Halo Wars 2, et Crackdown 3, comparé à la noblesse d’un Scalebound ? Difficile de se sentir visé quant on se retrouve comme moi à chercher un intérêt dans ces productions, alors que les deux seules qui ont un brin d’identité se trouve être un MMO de pirates, et un jeu coop de survie avec des zombies (… zombies + survie, original ça !). On peut toujours espérer voir venir Cuphead Below et Ashen, fer de lance des indépendants soutenant la Xbox, mais Below et Ashen n’ont rien montré depuis 2 ans. Comment faire confiance en une sortie prochaine ? Comment ne pas être sûr que les deux projets ne sont pas déjà annulés ? On peut encore attendre des annonces, mais ce ne sont que des annonces. La certitude et la confiance ne sont plus de mise après la trahison Scalebound, qui marque au fer rouge l’histoire d’une marque qui commençait lentement à reprendre du galon, désormais réduite à faire ses preuves une nouvelle fois. La Xbox One a nouveau frappée de plein fouet par sa malédiction, à croire qu’elle était destinée à n’être qu’un mauvais épisode, si ce n’est le dernier, de l’aventure sur console de Microsoft.

 

Suppositions appuyées de faits réels, difficile de ressortir enthousiaste malgré la colère que j’ai du ravaler en écrivant cet article. Je sortais satisfait de 2016, me voilà déjà chagriné de ce que sera 2017. Je devrais sans doute me reposer sur d’autres jeux venus d’ailleurs, ou peut-être vais-je switcher de plateforme qui sait ? L’avenir dira si les jeux Xbox One peuvent me surprendre, mais parti comme l’est la marque, il semble bien que Sea Of Thieves soit le dernier geste courageux de la Xbox. En espérant être convaincu à court terme par des annonces de sorties rapides de jeux déjà bien avancés, la Xbox One semble bien être vouée à disparaître dans l’ombre d’une Scorpio qui n’aura sans doute que sa puissance pour elle. Quelle triste perspective…

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

4 Commentaires sur “Ce que pourrait signifier l’annulation de Scalebound”

  1. Toupilitou dit :

    Corriger ce texte m’a inspiré un nombre phénoménal de vannes tellement on y ressent ton désespoir, mais je me suis dis que j’avais déjà assez remué le couteau dans la plaie. Par contre, si tu veux, j’ai une poupée vaudou Microsoft à te vendre

    Quelque chose à rajouter Flofrost ?  » />

  2. flofrost dit :

    En effet, juste un lien qui montre l’ambition de Microsoft pour cette année. C’est à comparer avec la liste PS4 pour rigoler un bon coup ^^
    « http://www.gamespot.com/gallery/xbox-one-console-exclusives-confirmed-for-2017/2900-1049/?ftag=GSS-04-10aac0g »

  3. Ouega dit :

    Bon bah… A voir l’état de Marcheur, je pense que je vais faire une croix sur la One S, d’autant que leur projet Scorpio à pour l’instant pas l’air de servir à grand chose en l’état… Et comme l’a dit flofrost, les exclus 2017 Microsoft font bander mou… b

  4. Marcheur dit :

    Bah si t’es intéressé par Forza Horizon 3 (qui lui donne le sourire) Halo 5, Ori et les autres bons jeux que peut proposer la machine, tu peux toujours la prendre. Mais pour 2017 y aura Sea of Thieves dont on ne sait pas grand chose, Halo Wars 2 qui est un RTS sur console… je répète, une RTS sur console. Après y aura State of Decay 2 et le 1 était super cool…
    Y en a d’autres faut pas faire la mauvaise langue, mais le seul du lot qui avait une vraie ambition et une vraie vision d’auteur c’était Scalebound, avec en plus petit Sea of Thieves, mais annuler un jeu de Kamiya, quelqu’en soit l’état actuel, c’est une décision complètement alarmante, tout comme l’état dans lequel Recore a dû sortir, on voit vraiment qu’il se passe des choses dans la branche Xbox, et soit ils économisent les projets « incertains » pour s’assurer un bon démarrage de la Scorpio (on y croit… ou pas) soit on va manger du Gears Forza Halo avec des indépendants et des double A pour faire semblant.
    Encore maintenant, j’ai toujours dans ma tête l’idée que je vais mettre la main sur Scalebound cette année, imagine le temps que ça va prendre pour que je calcule et accepte le fait de ne pas y jouer cette année, mais de ne pas y jouer tout court, c’est horrible comme pensée, c’est comme m’annoncer qu’un Fallout écrit par Avelonne était en gestation depuis trois ans mais en fait non.
    Enfin, il reste Prey en espoir 2017, mais est-ce qu’il aura les épaules ?


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