Preview : Dark Devotion

Preview : Dark Devotion

Heavy demo fournie par Hibernian Workshop

 

Loutrage fait en ce moment sa transition vers un modèle davantage dans l’air du temps. Ouais, on se met à faire des previews. Certes ça ne date pas d’hier ; si on remonte aux prémices de l’histoire (… en l’an -2 avant Prey, environ), il y a eu cette preview obscure de Toupilitou, se défendant avec ses moufles mains sur un pad en essayant Lords Of The Fallen. Une époque aujourd’hui révolue, puisque Toupilitou s’est radicalisé et voue dorénavant une haine infinie pour le périphérique le plus ergonomique de l’industrie. Que voulez-vous ; il aurait probablement apprécié ce jeu que nous traitons aujourd’hui, actuellement en kickstarter nommé Dark Devotion. Il l’aurait aimé parce que c’est uniquement jouable au clavier / souris en l’état, mais il l’aurait probablement haï parce que, si l’on devait résumer les influences du titre, ce serait probablement Rogue Legacy et Salt and Sanctuary, la transcription en 2D d’un Souls-like. Traumatisme d’enfance, tout ça… En tout cas, aujourd’hui, en compagnie du sombre diable Andariel, nous allons décortiquer un jeu en ultra-combo.

 

Toujours est-il que c’est le développeur qui est venu vers nous avec une heavy demo, et il faut bien le dire : j’étais assez enthousiaste lorsque j’ai vu la bande annonce du projet. Dès que ça ressemble de près ou de loin à un metroïdvania et que ça s’inspire librement des Souls, je suis là pour être client. Donc, je lance la démo, et je découvre un titre qui ne cache absolument pas un certain classicisme.

Moi, avant d’évoquer l’inévitable classicisme, je vais surtout parler de la classe de Dark Devotion. Cette grande classe nous saute carrément à la gueule dés l’intro, au lancement de la démo. Je ne m’attendais pas à un tel travail sur la présentation, et j’en étais du coup agréablement surpris. Elle est sous forme de slides plus ou moins animées, dépeints en un pixel-art avec un certain cachet, et qui s’enchaînent dans un rythme lancinant histoire de renvoyer un ton pesant. Et on peut dire que c’est réussi ; car artistiquement, le ton du jeu in-game est donné avec des couleurs chaudes, nuancées dans un dégradé de rouge / jaune, et contrastées avec un fond sombre comme le veut le « Dark  » du nom du jeu (qui pour le coup, lui, n’est pas si inspiré que ça). Visuellement, le jeu me fait penser un peu à un Darkest Dungeon pixélisé. Bon, je sais que ce raccourci foireux peut sembler vouloir dire qu’il manque d’inspiration, mais non ; proposer un équivalent au gros jeu de Red Hook tout en le tournant à sa sauce, ce n’est pas un mince exploit.

L’intro est aussi l’occasion de planter le décor pas franchement joyeux (qui l’eût cru ? ) de l’univers réussi de la bestiole, qui s’avère aussi recherché qu’intriguant. Le monde de Dark Devotion est sous la joug de l’inquisition ; un ordre de fanatiques religieux qui fait régner un obscurantisme des plus totalitaires. Les templiers ; ce sont l’épée maudite de l’inquisition et, ainsi, ils ne lésinent pas sur les défonçages de portes, cédant souvent la place aux lynchages en place publique. Ceux parmi les Templiers qui commencent à montrer des signes d’abnégation sont condamnés à un pèlerinage purificateur, comme l’exige leur mystérieux dieu, dans un temple encore plus mystérieux. Un temple qui rayonne une aura magique étrange, qui est un exil d’où personne n’est jamais revenu, et qui est, en plus, supposé être le cœur de cette sadique religion. On incarne donc une jeune et faible templière qui doit raviver sa sombre dévotion et absoudre son manque de foi dans les larmes et le sang. Surtout le sang pour elle. Les larmes, c’est pour le joueur… Enfin, pas tous les joueurs. En l’occurrence, c’est surtout notre Marcheur qui a dû brailler en voyant que le pad n’était pas reconnu. Me trompe-je ?

Plus que le pad non-reconnu (… j’ai déjà joué à maints jeux PC au combo clavier / souris), c’est surtout que la jouabilité semble parfaitement adaptée à la manette vu qu’il n’y a strictement aucune gestion de caméra. Dark Devotion s’apparente vraiment comme un metroïdvania dans ses choix, et le fait de jouer à un jeu de ce type en vue 2D… bah avec un clavier, c’est pas la joie du tout. D’autant que je serais plutôt du genre à jouer sur l’esquive, et que, globalement, les contrôles sont loin, très loin d’être parfaits. Après, j’ai joué à ce type de jeux uniquement avec un pad, car c’est plus ergonomique et naturel (… eh non, ça n’est pas que pour moi ; un jeu où on a aucune caméra à gérer sera souvent bien meilleur au pad, Toupi !), donc peut-être que je ne suis juste pas prêt à y jouer avec un clavier / souris.

A côté de cela, l’ensemble est plutôt simple, voire très simple. Trop peut-être même. Les ennemis sont pour l’instant assez prévisibles dans leur comportement, tandis que les mécaniques du jeu se résument à : attaquer avec toujours la même attaque au corps-à-corps, esquiver, parer, et sortir son arc. C’est peu. C’est trop peu ; soit on est juste en face d’une lettre d’intention, et dans ce cas, on attend les nouvelles mécaniques, ou alors on est devant un titre qui pourra se révéler affreusement répétitif. Et il n’y a pas que ça qui va en ce sens. Le principal gimmick du jeu et sa philosophie est de ne jamais retourner en arrière ; chaque porte franchie se referme à jamais. C’est donc une course en avant. Pourquoi pas après tout. L’ennui, c’est un autre choix de game design qui rend l’exploration redondante, presque absente en fait, vu qu’on ne peut pas sauter.

C’est pourtant une action évidente dans un jeu de ce type que le saut. Se priver de cette possibilité, c’est de contraindre le joueur à se contenter des échelles et de la chute pour avancer. Quel dommage ! Pour le coup, Salt & Sanctuary faisait bel usage du saut. Malgré ses intentions de Soulslike en 2D, on aurait aimé que Dark Devotion ne se ferme pas cette porte en l’occurrence, mais je ne suis pas le seul à avoir quelque chose à en dire, n’est-ce pas Andy ?

Ouais, tu n’as pas tort. Un peu comme un portier de HLM, Dark Devotion a manifestement une dent contre les portes… Ces débuts sont une porte grande ouverte sur un univers intrigant et bien meublé, ainsi qu’une atmosphère délectable, mais c’est une porte qui se ferme peu à peu au fur et à mesure qu’on découvre sa teneur mécanique. Ou plutôt le peu qu’il y en a… Moi, je regrette surtout son côté RPG squelettique pour un jeu qui clame haut et fort avoir de « forts éléments RPG  » sur sa page Kickstarter.  C’est dommage qu’il n’y ait pas de création de personnage, pas de classes, ni même d’autres persos à débloquer comme la plupart des Roguelite ; on se coltine notre pas si belle templière sans aucune possibilité de customisation. Côté mécaniques de progression RPG, c’est franchement à peine mieux. On a droit à cinq passifs basiques ; + dégâts par ci, + endurance par là, que l’on débloque au gré de l’accumulation de foi (… l’XP, en gros), et qui se font vaguement sentir. Mais après, j’ai du mal à en voir davantage. Rajouté à cela la gestion d’inventaire inexistante, vu qu’on ne peut porter que quatre types d’équipements et ne traîner que quatre types de consommables – ce qui est frustrant, et ça nous fait un titre aussi miséreux que sa Templière qui vient de respawner nue comme un ver, après s’être faite empalée par des piques…

Je peux accepter cette démarche minimaliste de la part d’un Cuphead (d’ailleurs, c’est quand que tu t’y mets, Dean Toupilitou ? ), mais ça fait quand même « foire à la contradiction  » pour un Soulslike, surtout quand tu as en face de la concurrence comme Salt & Sanctuary, qui fait dans le copieux. Après, je ne dis pas que Dark Devotion est dénué d’idées intéressantes, parce que la jauge de foi permettant de débloquer des secrets ou d’activer des autels salvateurs, ainsi que le système de buffs / debuffs qui s’acquièrent aléatoirement, ou encore son état de furie qui booste l’attaque / défense quand on se fait un kill-streak, sont bienvenus. Par contre, de là à dire qu’ils parviennent à tenir en haleine, je ne m’y risquerais pas… Et comme le dit mon compagnon d’arme, c’est joli d’avoir les affrontements intransigeants et viscéraux des Souls, surtout qu’en plus les animations sont super bien foutues, mais s’ils sont réduits à leur plus simple expression, c’est qu’on a raté le coche. C’est bien joli d’avoir le level design tortueux et vicieux des metroïdvania, mais s’il affiche un manque absolument contre-intuitif en laissant de côté des mécaniques élémentaires comme le saut, c’est qu’on a encore raté le coche…

Après, on va surement me sortir que ce n’est qu’une démo, et patati-patata… Mais j’ai envie de dire ; si tu te fourvoies dans le game design de base de ta démonstration, c’est que c’est un mauvais signe pour ton jeu final. Alors oui, je salue beaucoup le dévouement de ces quatre frenchies autodidactes, et je ne leur souhaite que du succès pour leur campagne, mais dans un monde où les Souls-like pixel art 2D comme Blasphemous font la queue, je ne peux décemment pas m’engager en faveur de leur titre… Au final, mis à part l’intro, le seul moment que je retiens de cette expérience éphémère, c’est le premier boss : un Juggernaut sous stéroïdes, le bras attaché au mur, qui tape de façon erratique un bon coup et qui finit par s’arracher littéralement le bras pour venir te casser la gueule. Bon, façon de parler ; c’est surtout moi qui lui ai cassé la sienne. En tout cas, quand on y pense, je trouve que c’est une image qui résume bien Dark Devotion. C’est une HEAVY démo qui a une gueule (esthétique) monstre et des muscles (univers et atmosphère) bien saillants, mais qui a l’encéphale (mécaniques) qui résonne en un écho creux et sourd lorsqu’on tape dessus au maillet… Allez, je te laisse le maillet Marcheur et je retourne dans ma cave.

Tout le mal que je souhaite dès à présent pour Hibernian Workshop n’est pas de reculer sur leurs intentions, mais de bien comprendre qu’en l’état leur jeu paraît trop pauvre pour passionner à long terme. Je sais bien que nous ne sommes pas face au produit final, mais juste devant une grosse démo pour présenter le concept. Toujours est-il qu’il faut dire ce qui est : en l’état, Dark Devotion a un vrai sacré potentiel et ses choix plutôt couillus pourront en effet le différencier. Toutefois, le sacrifice du saut devra amener une richesse dans les combats allant au-delà de ce qui est actuellement proposé. Même s’il y a des armes différentes, on aimerait voir des combos et de quoi varier les attaques. Si le but est de proposer des combats intéressants, alors il leur faut de la richesse et de la profondeur, ce que le studio semble largement capable de faire.

De même, l’idée de mettre des pièges et énigmes régulièrement peut aider à faire passer cette progression dirigiste, mais il ne faut pas non plus imposer une évolution dirigiste du personnage. Un minimum de possibilités de build apporte tout de suite une nouvelle implication du joueur, sans interrompre le flot narratif, qui semble ici être l’un des accents qui pourraient là aussi aider le jeu à se différencier. Enfin, et pour conclure, j’aimerais aussi dire que j’ai globalement apprécié ce à quoi j’ai joué. L’ennui est que je ne vois pas le projet arriver à tenir le joueur tout son long sans s’avérer poussif à un moment, car il y a aussi la vraie promesse d’un contenu solide et d’une belle rejouabilité. Seulement, dans un jeu du genre, la rejouabilité est conditionnée par la richesse du système de jeu, ce qui ne laisse pour l’instant pas penser que cela sera le cas.

 

Finalement, Dark Devotion est aussi habile et couillu qu’il est imprudent. Ses choix de game design ne sont pas stupides, car ils servent une réelle intention, mais ils contribuent à amoindrir paradoxalement l’impact de l’expérience. On aimerait voir, Andariel comme moi-même, les développeurs prendre en compte que leurs intentions narratives et la richesse du système de jeu ne sont pas incompatibles, d’autant qu’il n’est clairement pas trop tard pour enrichir l’expérience. Reste en tout cas un projet intéressant, au combat technique mais encore trop pauvre, et une expérience qui pourrait s’avérer agréablement singulière. Il faudrait juste que Hibernian Workshop corrige le tir, et oriente leur titre vers une direction pas forcément contraire à leurs intentions, mais plus porté sur le fond du gameplay que le fond du propos et de l’histoire, qui s’avèrent solides et enthousiasmants. Tout n’est pas rose, mais Dark Devotion pourrait avoir une belle carte à jouer afin de s’imposer comme un Roguelite singulier. Cette affaire est donc malgré tout à suivre avec curiosité, en espérant que nos remarques et celles des joueurs pourront améliorer un jeu enthousiasmant qui a le courage de se laisser approcher si tôt dans son développement.

 

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

4 Commentaires sur “Preview : Dark Devotion”

  1. Toupilitou dit :

    Allons allons… Marcheur, je ne me suis pas radicalisé et je ne haïs pas les manettes ; je suis juste conscient du fait que c’est un périphérique qui ne m’intéresse pas, et avec laquelle je n’ai aucun skill.

    Par contre, Dark Devotion, même s’il est joli comme ça, je ne m’en approcherai pas, même bourré, parce que ce n’est pas du tout ma came. Par contre, je suis quand même curieux de voir quelles seront les features apportées à leur version finale par rapport à la démo que vous avez tâté.

  2. DAlth dit :

    Beau numéro de duettistes les gnous.

    Attention à tous, les Laurel & Hardy de l’épicerie fine vidéoludique, alias Loutrage sont de sortie ! ☺.

    Ca c’est de la preview constructive.

    Jeu prometteur et rafraîchissant.

    Je prie (bon enfin, je ferme les yeux et prends la pose :p)) pour que Dark Devotion ne vienne pas rejoindre la multitude de jeux moyens qui sortent à tour de bras.

  3. Toupilitou dit :

    Ils ont réussi leur Kickstarter ; ne reste plus qu’à voir ce qu’ils en feront !

  4. Marcheur dit :

    Tant mieux, c’est bien tout le mal que je leur souhaite.
    On souhaite que nos suggestions soient entendus désormais, mais courage à eux quoi qu’il arrive !


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