Sniper Elite 3

Sniper Elite 3

Êtes vous une pute ? Un campeur ? Est-ce que vous attirez sur vous toute la haine des mecs qui croient avoir du skill sur les jeux en ligne ? Si oui, vous êtes de ceux qui ne voient pas la guerre uniquement par le mouvement, mais plutôt pour ce qu’elle est : un milieu où la mort vient bien souvent de loin, et en l’occurrence, vous préférez la donner du plus loin possible. Il existe aujourd’hui deux studios qui ont considéré ce public un peu à part, ces joueurs qui n’ont que faire du mouvement comme stratégie offensive et qui misent davantage sur le positionnement, la précision, et bien sûr la discrétion. Rebellion s’est fait spécialiste du genre, et ce depuis 2005, en proposant une alternative aux jeux de shoot qui n’étaient pas spécialisés dans la discipline du jeu de sniper. Ici, il s’agit de faire pan-pan de loin sur de pauvres adversaires débiles avec une caméra à la troisième personne, le tout en espérant y trouver de belles sensations et peut-être, sait-on jamais, s’amuser ?

 

Pan, dans l’œil !

Est-ce que Sniper Elite 3 est un beau jeu ? Grande question. Disons que, techniquement, le jeu est assez générique et ne fait pas plus d’effort qu’un autre pour paraître techniquement avancé, mais sur toutes les versions que j’ai vu, il faisait honneur au support en proposant même sur une vieille génération avec une distance d’affichage suffisante, des environnements plutôt vastes, ainsi qu’un rendu assez propre. Bien sûr, si vous jouez sur des machines avec un hardware vieux de onze ans, l’alliasing est assez prononcé, le clipping plutôt agressif, et le rendu global manque clairement de netteté. Mais, est-ce qu’on est en face d’un jeu répugnant ? Non. Il fait honneur à son support et propose un visuel plus fidèle et intéressant que son prédécesseur, tout en triplant de taille ses niveaux, ce qui est un exploit.

L’ennui, c’est qu’on doit faire avec une direction artistique inexistante. Le choix de mettre des couleurs vives n’est pas là que pour coller au contexte (… conflit en Afrique du nord), mais est surtout là pour masquer des modélisations grossières de personnages, ou encore des infâmes textures à l’occasion. L’ennui de ces couleurs vives, c’est qu’elles se conjuguent à des effets de lumière très agressifs, et ça fait simplement mal aux yeux, ce qui est un peu gonflant lorsqu’on joue un sniper (… bah ouais mon gars, je dois viser quand même). On se fait à cette indirection artistique, et on avance mollement dans des niveaux assez variés mais visuellement étrangement ternes quand la nuit vient couvrir les couleurs éblouissantes. C’est d’ailleurs dans ces moments de répits visuels où le jeu fonctionne le mieux, selon moi.

Petite note personnelle : la caméra intégrée, lorsque l’on vient à réussir un tir mortel de loin avec notre sniper, est tout simplement fantastique. Voir un corps se faire déchirer de la sorte est tout aussi grotesque que scandaleusement gratifiant et fendard. Et vas-y que je t’arrache ton crâne, que je t’explose les testicules, que je perce ton foie… On s’amuse bien avec cette feature. Le soin apporté à cette caméra tranche en revanche avec les animations qui sentent bons l’économie de moyen, ainsi que le matériel et les équipements des ennemi recyclés à l’envie. Dommage, parce qu’avec plus de soin, Rebellion aurait presque pu faire passer son jeu budget pour un triple A.

En parlant de budget, la bande sonore est particulièrement faible et souffre de pas mal de problèmes de spatialisation, et surtout, de bruitages pas très convaincants, répétitifs, appuyés par des doublages fort peu convaincants et des musiques oubliables à l’excès. On fait les coupes budgétaires que l’on peut, mais c’est tout de même dommage de voir un jeu qui est un bon titre affublé de tant de petites imperfections, finalement lourdes dans l’appréciation globale. On peut aussi reprocher de nombreux bugs de collision, des chutes de framerate qui font grincer les dents des mecs qui essayent de parfaitement caler un tir dans la tête, ainsi que des effets visuels tournant à l’économie afin d’espérer que la trop grande ambition du jeu n’impacte pas trop les performances sur les consoles d’ancienne génération. Pour un peu, je pense que l’annulation du jeu sur ces machines aurait été envisageable.

 

Du B-A-BA qui manque de peaufinage

Sniper Elite 3 est une vraie réussite dans son domaine. Il offre une précision balistique et une gestion intéressante de pas mal de paramètres que l’on développera un peu après. Malheureusement, Sniper Elite 3 c’est aussi et surtout un grand manque de maturité et d’expertise dans le développement d’une formule qui manque franchement de finition. C’est un jeu qui donne envie d’être aimé, mais qui n’a pas franchement la réussite nécessaire pour provoquer plus d’attachement que cela chez le joueur. Sa première grande faute, c’est sa maniabilité hasardeuse et les déplacements du personnage très chaotiques, pour ne pas dire sujets à de nombreux problèmes de collision, ainsi qu’un manque de recul sur la manière dont est conceptualisé le level design.

Car, si ce dernier s’avère suffisamment vaste et travaillé pour proposer de nombreuses approches, les barrières et murs invisibles sont nombreux, et se justifient difficilement par leur côté « frontière naturel  » ; une plante peut ici être un obstacle, alors que notre personnage a clairement l’espace pour la contourner. Des rochers arrivant aux genoux de notre héros constituent des éléments infranchissables, là où un endroit clairement plus accidenté mais bénéficiant d’une animation contextuelle n’est rien de plus qu’une plateforme que l’on gravit aisément. Ce n’est évidemment pas tout. De nombreux soucis de ce genre sont à déplorer, d’autant que le personnage est réactif et bouge rapidement, et ce même en étant accroupi. On se heurte donc fréquemment à l’environnement alors que nous étions en train de fuir l’armée allemande, mais nous voilà bloqué par un rocher ne dépassant pas la cheville du personnage. Putain de guerre !

On peut aussi lui reprocher une IA ultra-réactive lorsqu’il est question de donner l’alarme (… un gars vous voit, et tout le baraquement est prévenu sans qu’il ait besoin d’émettre le moindre son), mais tout simplement incapable de la moindre stratégie de contournement. Elle est aussi (… et c’est assez drôle à dire) extrêmement précise avec des armes censées être utilisées à courte portée. Je me suis déjà retrouvé en plein duel de sniper avec un ennemi à cinquante mètres de moi équipé… d’une mitrailleuse allemande. OK. Passé les nombreux défauts de conception, on trouve aussi une myriade de bugs en tout genre : ennemis qui vous captent sans raison apparente, bugs sonores, bugs de textures, bugs de scripts. Bref, un gros manque de finition qui fait que l’on ressort très mitigé de chaque session de jeu, malgré de très grandes fulgurances.

Déjà, le level design, sans ses errements techniques, est un plaisir à parcourir. De beaux et vastes niveaux remplis de choses à voir, découvrir, et un environnement chaque fois propice à l’exploitation d’un avantage quelconque. C’est bien simple, l’aventure est très homogène, et le jeu gère parfaitement le principe de satisfaction du joueur. Être un sniper n’a rien d’aisé, et être un soldat régulier non plus. Contrairement à Sniper Ghost Warrior 2, l’ami Sniper Elite 3 fournit des alternatives pour se sortir d’un mauvais pas ; nul besoin de faire seul usage de l’arme à longue portée qui donne pourtant titre au jeu. Le pistolet silencieux est en effet le meilleur ami du joueur furtif. La furtivité aurait d’ailleurs pu être bien mieux rendue sans les erreurs cités précédemment, ou même cette erreur de game design surprenante qui consiste à punir en presque toutes circonstances l’usage du sniper. En effet, l’arme est bruyante, mais le son ne devrait pas permettre d’établir, pour les adversaires, une zone où ils sont « sûrs  » de trouver le tireur, et une fois alerté par le moindre son, il est extrêmement compliqué d’échapper aux soldats.

L’aspect le plus soigné du jeu (… le sniper assez logiquement) est donc contraint par des choix assez farfelus. Le seul moyen de s’exprimer en tant que tireur d’élite reste encore de trouver un endroit où une source de bruit peut masquer la détonation. Une idée bien à propos qui a malheureusement pour effet de contextualiser l’action du joueur en tant que tireur d’élite. Cette impression, d’être contraint de remplir le cahier des charges des bonnes conditions pour s’amuser, donne au titre une désagréable sensation d’être chaque fois à deux doigts d’être libre, alors que le système de jeu vient immédiatement sanctionner presque mortellement à chaque fois (… les allemands ne sont pas connus pour plaisanter côté mitraille) toutes les tentatives de créativité.

L’autre incohérence de game design, qui ruine aussi les efforts d’immersion des développeurs, est que chaque niveau est découpé en plusieurs zones, ce qui fait que si l’on se place à la frontière de deux d’entre elles et que l’on est repéré après avoir tiré au sniper dans l’une… on ne le sera pas dans l’autre parce que « Stop ! Frontière virtuelle !  » . Bordel qu’est-ce que c’est chiant de voir ça en 2016… Bon le titre est sorti en 2014, mais quand même, à l’époque on faisait bien mieux. Néanmoins, je me rend compte que je taille, alors qu’il y a beaucoup à sauver dans ce titre.

Déjà, la sensation que l’on éprouve après un tir de sniper réussi est absolument grisante, tout comme ce sentiment d’accomplissement lorsqu’on arrive à passer furtivement une zone. De plus, les missions sont toujours fournies avec des objectifs secondaires qui pimentent la sauce, tout en influant sur le déroulement de l’aventure. On est jamais sujet à « l’ennui  » des mondes ouverts, et on ne se sent jamais vraiment tenu par la main non plus. Un bel exemple de construction qui se combine à quelques jolies réussites dans certains séquences de sniper particulièrement réussies, parce que tout ce qui se passe est dynamique et organique. On n’a jamais l’impression d’avoir à faire à des scripts qui nous diront « Tire maintenant ! « . C’est certainement la récompense de toutes ces imperfections qui rendent le jeu si bancal, mais aussi si gratifiant sur pas mal de points, voire grisant par moment, dans un éclair de génie.

J’aurais voulu vous parler du scénario… mais j’ai plein de jeux à faire, et je suis sûr que vous saurez apprécier pleinement la qualité d’écriture du post-it que les développeurs regardaient de temps en temps en conceptualisant les niveaux. Je pense que cela devait ressembler à ça : « Les Allemands qui sont très très méchants sont en Afrique. Faut les flinguer !  » .

 

Drôle de bonhomme, pas loin de l’expérience de sniper bac-à-sable ultime. On est pourtant dubitatif quant au résultat souffrant d’un manque flagrant de soin. Typiquement le genre de titre qui mérite un nouveau jet pour atteindre son plein potentiel. On attendra avec une impatience non feinte la suite, en espérant plus de souplesse dans les déplacements, moins d’errements dans le game design, mais toujours cet amour du niveau bien fait. Malgré tout, il reste le jeu de sniper le plus solide auquel j’ai joué jusqu’à présent. Il n’a ni les meilleures sensations du genre, ni la meilleure finition, mais il reste bien plus carré qu’un frustrant Ghost Warrior 2.

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

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