Tomb Raider

Après les remasters, les remakes, ainsi que des autres preuves de la créativité de l’industrie moderne et du bon goût des joueurs, voici venir le temps des reboots. Le but pour les éditeurs est de faire chacun de leur côté le même jeu que les autres, mais avec un autre nom et une apparence légèrement différente. Mais, ne soyons pas si mauvaise langue, certains font les choses avec plus de talents que d’autres. Je ne dis pas que Tomb Raider est une réussite, je dis qu’il est un accident industriel, et surtout, un divertissant nanard qui mérite qu’on y passe quelques heures.

 

 

Une histoire sérieuse… et stupide

C’est l’histoire de Lara Croft, une jeune aventurière diplômée d’archéologie (… ça commence bien) à la recherche d’une île qui n’apparaît sur aucune carte, et sur laquelle elle doit trouver les vestiges de la reine Himiko. Pour tout dire, j’en ai rien à faire de son histoire. Parce que le soin qui a été apporté est tout à fait risible ; les dialogues sont plats et clichés, les situations grotesques « je suis mortellement blessée au ventre, mais je peux combattre, et deux secondes après avoir tué trois mecs sans grandes difficultés, je recommence à souffrir le martyr en me soignant efficacement à l’aide d’une pointe de flèche stérilisée. » Et cela n’arrive pas une ou deux fois ce genre de débilité, hein. C’est constant. Tout le jeu est stupide.

Les personnages ont une personnalité complètement cliché. L’ensemble de leur évolution psychologique peut se résumer en quelques mots, mais le jeu tente de nous donner l’impression d’un semblant de complexité. Le tout baigne dans une ambiance sérieuse et mystérieuse, basée sur une vieille légende japonaise sur la déesse du soleil, une mystérieuse tempête empêchant les bateaux d’approcher intacts près de l’île… Enfin, tous les clichés sont là, sauf que le traitement de l’ensemble se prend grave au sérieux et c’est… merveilleux. Le jeu est un enchaînement de répliques et de situations grotesques qui ne provoquent chez les joueurs que l’amusement.

De plus, le titre tente de nous faire ressentir de la pitié pour le jeune et fragile personnage de Lara Croft, capable de tuer une dizaine de bataillons à l’aide d’un arc, d’encaisser des tirs de roquettes, ainsi que de survivre à l’effondrement de bâtiments, grottes, arbres et de chutes de plusieurs dizaines de mètres. Tout cela en s’apitoyant sur son sort lorsque madame doit tuer une biche pour se nourrir « Oh désolé… » alors qu’elle n’éprouve aucun scrupule à égorger un être humain – forcément hostile – trois secondes plus tard. Si buter une biche te dérange, mais qu’éviscérer un humain provoque une satisfaction intense, alors mange tes semblables.

La mise en scène est tout à fait Hollywoodienne – tout à fait quelconque en somme – des explosions, des ralentis, des sauts au ralentis, des gunfights au ralenti, des cris de jouissance souffrance de Lara Croft au ralenti. Tout est ralenti. En parlant de cris, tous les éléments de l’histoire en veulent à la jeune archéologue ; de la branche morte à son propre cortex, elle s’avérera incapable de flairer un traître alors que c’est marqué sur sa tronche. Elle trébuchera sur la moindre morceau de bois qui aura le malheur de se trouver sur son chemin. Et l’on devra entendre le hurlement suggestif de notre amie à la poitrine moins rebondie qu’au début des années 2000, mais au cerveau désormais atrophié. Pour l’amélioration de l’image de la femme souhaitée par l’auteure du scénario, on repassera.

 

 

Une réalisation visuelle excellente, et Une bande-son qui peut mieux faire

Bon, maintenant que j’ai asséné quelques violents coup de gourdins sur la tête du pauvre scénario de Tomb Raider, il est temps de s’arrêter sur sa plastique. Et, qu’elle est belle ! Pour un jeu de septième génération, porté sur huitième, et bénéficiant d’une version PC assez soignée, Tomb Raider mérite des éloges. Textures magnifiques, effets sublimes, modélisations précises, le tout chapeauté par une direction artistique très sympathique. Il serait de mauvaise foi de dire que le jeu n’est pas impressionnant. Il se permet même d’offrir quelques plans cartes postales, et une physique loin d’être à la rue. De plus, l’aventure, bien que globalement grisâtre, propose beaucoup d’environnements différents, parsemés de détails délectables. Un soin visuel évident, qui conclue ce léger paragraphe, uniquement là pour dire qu’à part à de très rares occasions où il déçoit, Tomb Raider est simplement somptueux.

Il n’en est malheureusement pas de même pour des doublages qui soufflent le chaud et le froid. Les acteurs prennent l’aventure grave au sérieux, et doublent en conséquence, avec une dose de surjeu pour la jeune Lara qui m’a fait sourire. La doubleuse hurle comme jamais en dialogue, alors que Lara ne fait que remuer les lèvres doucement. Les autres personnages sont assez correctement doublés et sont assez justes. On repassera juste sur la synchronisation labiale qui n’existe parfois pas du tout. Les bruitages font correctement le taff et ne s’avèrent jamais décevants. Je ne parlerai pas des musiques plus longtemps que cela, parce qu’elles sont hollywoodiennes et donc affreusement plates pour la plupart. Je ne me souviens pas d’un son qui soit un tantinet intéressant, sauf peut être le thème principal. Dommage.

 

 

Une jouabilité classique, une construction intéressante

Jeu de tir à la troisième personne classique, Tomb Raider essaie d’être un bon élève, et propose un système de couverture traditionnel, avec un ensemble d’armes suffisamment étoffé pour proposer un peu de variété dans des affrontements globalement corrects. On regrettera que les différentes idées apportées par l’arc et ses flèches multi-usages n’aient pas plus été explorés, afin d’exploiter la verticalité des niveaux ainsi que leur construction, finalement plus complexe qu’à l’accoutumée. Car, sans être d’un génie indéniable, le monde semi-ouvert de Tomb Raider arrive à offrir une structure suffisamment linéaire pour porter son histoire (… très médiocre), mais aussi pour proposer suffisamment d’exploration au joueur. Il va même jusqu’à insuffler du metroid-vania pour inciter le joueur à revenir sur ses pas afin de découvrir quelques petits secrets.

On pourra aussi saluer une variété finalement appréciable de situations. Sans être tout à fait captivantes, les différentes tombes à explorer recèlent de petites énigmes, proposant un poil de réflexion au milieu du rythme assez effréné du jeu. Trop peu nombreuses au demeurant, elles restent l’activité secondaire la plus intéressante. Autre fait appréciable : Tomb Raider garde quelques notions sommaires de plateforme. Bien que très limitées, ces phases permettent à Lara de profiter de la verticalité mentionnée plus haut, pour prendre l’ascendant sur ses parfois trop nombreux adversaires, mais aussi pour découvrir de petites zones secrètes. Si l’assistance lors de vos différents mouvements dans ces phases reste grande, elle n’est pas suffisamment intrusive pour vous empêcher d’échouer.

Ce système de jeu sans grandes originalités s’accompagne d’une gestion des points d’expérience, insufflant une sensation de progression réelle au sein de l’aventure. Les compétences qu’acquièrent Lara au fil de l’aventure sont plus variées qu’on ne pourrait le penser, améliorant l’expérience en combat mais aussi en plateforme. Un système d’amélioration de l’équipement vient là encore approfondir le système de jeu ; le principal défaut de ces fonctionnalités, directement tirées du jeu de rôle, est leur caractère finalement bien superficiel, avec une intégration qui ne semble pas aller totalement dans le sens d’une aventure qui promettait – en théorie – de la survie. Mais, en pratique, nullement.

S’appuyant pourtant sur quelques possibilités, tel la chasse, la cueillette et les repos aux feux de camps, Tomb Raider aurait pu intégrer quelques notions de besoins afin d’approfondir l’expérience. Des malus pour manque de nutrition, de sommeil, ou même d’hydratation, auraient été les bienvenus. Cela aurait surement donné plus d’impact aux phases de grimpette et aux multiples affrontements, renforçant ainsi l’immersion du joueur. Malheureusement, le jeu grand-public, stéréotypé par des actionnaires frileux, est passé par là, et condamne Tomb Raider à ne pas avoir le poids qu’il aurait pu avoir face à la concurrence, et lui permettre de se démarquer un peu plus. Surtout que le jeu se permet d’avoir une blinde de QTE dont tout le monde se fout, et une inintelligence artificielle avançant à découvert pour mieux se faire dégommer.

 

 

En fait, Marcheur il aime bien Tomb Raider

C’est typiquement le jeu popcorn qui fait son job. Suffisamment bien construit pour relever son intérêt, assez maniable, pas trop pauvre en termes de mécaniques, et proposant une trame narrative hilarante de bêtise, Tomb Raider 2013 a tout du plaisir coupable. Avec de vraies qualités esthétiques, des petits moments de bravoure, certaines scènes franchement cool, et un enchaînement de situations assez variées, tout cela dans un monde semi-ouvert, le titre entretien une image de jeu fait pour le grand-public, mais ne le fait pas si mal. Reste qu’il faut être réceptif à la série Z, et faire un effort de compréhension parce qu’il s’agit d’un reboot de la série Tomb Raider, et non une suite aux anciens opus de la Playstation première du nom.

J’aime bien faire ce jeu parce qu’il a la durée parfaite pour se faire une période détente. Le seul problème que j’ai au fond avec ce titre, c’est qu’il aurait pu avoir un gain de caractère appréciable en s’appuyant sur ses idées marketing : un jeu de survie où Lara Croft doit apprendre à faire face aux menaces qu’elle rencontrera dans sa vie d’archéologue aventureuse. Au final, ce Tomb Raider n’est qu’un Uncharted aux couloirs élargis et à la liberté plus importante, qui ne sait pas se prendre au second degré – ce qui devient par la magie de la bonne fortune une qualité, transformant ce triple A tout à fait scolaire en nanard tout à fait attachant.

Petit mot sur les remasters HD du jeu, sur console de nouvelle génération. Hormis l’amélioration globale des textures, l’intégration d’un nouveau visage pour l’héroïne, et quelques DLC dédiés à un multijoueur très médiocre, ce remaster de reboot ne sert à pas grand chose, si ce n’est dire que Tomb Raider est disponible sur Xbox One et PS4.

 

 

Donc, Tomb Raider, c’est tout à fait recommandable à ceux qui ont conscience qu’il ne faut pas y aller en prenant au sérieux ses intentions. C’est un jeu qui mérite qu’on s’y attarde si l’on veut se détendre, et si l’on est prêt à accepter la perte de l’identité d’origine de la série. Singeant les codes des jeux modernes, et tentant de manger à tous les râteliers, il ne parvient pas à parfaitement réussir une seule chose qu’il entreprend. Mais, variant ses plaisirs, il offre une expérience fluide, sans temps-mort, qui donne envie de relancer le jeu, jusqu’à un final qui appelle à de nombreuses suites, que l’on espère mieux écrites, plus inspirées, plus assumées. Un bel accident de l’industrie en somme.

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A propos de l'auteur : Marcheur

Enfant attardé de Kreia et d’Alfred de Musset. Pense que tout est narration, et répète sans cesse qu’il donne tout en dansant comme un ouf

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